L’histoire se répète : après avoir procédé à une « épuration raciale », en juin 2013, à Kidal et Anéfis, revoilà les responsables de la Coordination des mouvements armés (CMA) qui se livrent à une purge tribale, depuis la fin des combats les ayant opposé au GATIA, les 21 et 22 juillet, puis le 30 juillet, à l’Est de Kidal. Cela, avec la bénédiction de la Mission onusienne comme cela a été le cas, par le passé, de la Force française, dans une perspective de hold-up politique.
Depuis la fin des récents combats entre le GATIA et la CMA, l’on assiste à une purge tribale quasi systématique des Imghads à Kidal. Dans une interview accordée à votre Quotidien ‘’Info-Matin’’, le secrétaire général du Groupe d’Autodéfense Touareg, Imghads et Alliés, Fahad Ag Alhahmoud, dénonçait les exactions dont étaient victimes ceux qui lui sont favorables. Il a parlé de certains d’entre eux, par peur pour leur vie, qui ont été obligés de chercher refuge auprès de la MINUSMA. Ce que confirme la Mission des Nations Unies, par la voix de sa porte-parole, Radhia Achouri, au cours de sa conférence de presse hebdomadaire du 28 juillet dernier. Elle a déclaré à cet effet : « la MINUSMA a également accueilli un nombre de civils qui se sont réfugiés dans son camp, ainsi que des membres de la Plateforme, dont elle a facilité ultérieurement le transport, à leur demande, à la ville de Gao ». Non seulement la vie de civils est bel et bien menacée par la CMA (le GATIA n’étant plus dans la ville de Kidal) ; mais également, c’est la MINUSMA qui se fait le devoir de les transporter à Gao. Même si elle tente de se donner bonne conscience en précisant que c’est à leur demande. Ont-ils vraiment le choix, ces pauvres civils qui ne font pas partie de ceux que la MINUSMA protège dans Kidal ville ?
L’évidence
Le fait est que pourchassés par les éléments de la CMA, des civils de la communauté Imghad n’ont leur salut que dans l’exil facilité par la Mission onusienne, dans le déni de leur droit à vivre sur leurs terres.
Ce qui saute également aux yeux est que les civils ciblés par cet ostracisme sont favorables au GATIA et que la CMA ne veut plus voir à Kidal. Tout comme d’ailleurs le GATIA qui est devenu persona non grata à Kidal. Les propos de la porte-parole de la MINUSMA ne laissent planer aucun doute sur cette réalité : « au niveau opérationnel, la Force de la MINUSMA a procédé à un réaménagement du dispositif sécuritaire à Kidal pour être à même d’accomplir son mandat de protection de population. Des détachements de la Force sont positionnés de façon à contrôler les principales entrées de la ville ; des check-points sur les principaux axes de la ville ainsi que des patrouilles pédestres ont également été mis en place pour prévenir toute reprise des hostilités. Des survols aériens sont également menés quotidiennement. Des patrouilles conjointes sont également menées par UNLPOL et la Force ».
Pourtant, autant les membres du GATIA que ceux de la CMA sont ressortissants de Kidal. Aussi, s’explique-t-on mal qu’un mouvement consolide sa position, dans la ville ; pendant que l’autre y est interdit d’accès, sous prétexte de protéger la population civile, par la MINUSMA, dont la neutralité est à deux vitesses. Le paradoxe est d’autant plus criard que ceux qui sont extirpés de la population, à savoir les Imghads, sont ceux dont les représentants occupent régulièrement la mairie et qui remportent les élections législatives. Toutes choses qui attestent, si besoin en était, de leur légitimité à Kidal.
Les intrigues
Pourquoi alors pousser cette communauté Imghad au déplacement forcé ? La réponse coule de source, au regard d’un dogme : il faut remettre le pouvoir politique (ce qui est fait à travers la nomination d’un Gouverneur proche de la CMA) et le pouvoir politique à la Coordination des mouvements armés. Ce pour quoi la MINUSMA lui ouvre un boulevard, par des intrigues diplomatiques comme militaires, à quelques encablures de la mise en place des autorités intérimaires. Cela, au mépris total du principe sacro-saint de la légitimité populaire. Exactement, le combat que prétendait mener les mouvements armés : ‘’prise en charge par les populations de la gestion effective de leurs propres affaires, à travers un système de gouvernance prenant en compte leurs aspirations et leurs besoins spécifiques’’ (Cf article 1 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger).
Dans la mise en œuvre de cette disposition de l’Accord, le constat est navrant quant à la relégation d’une partie de la population (les Imghads) au profit de l’autre (les Ifoghas). Toute chose qui corrobore l’immuabilité de la politique de certaines puissances étrangères pour qui le MNLA est l’enfant fétiche qui mérite de concentrer entre ses mains tous les pouvoirs.
S’il y a une obligeance à peine dissimulée pour le mouvement, l’on ne devrait pas non plus perdre de vue que les mouvements membres de la Plateforme n’entendent pas se laisser conter fleurette. Ces menaces de Azaz Ag Loudagdag, élu à Gao, sont à cet effet à prendre très au sérieux : « pas question que le GATIA quitte Kidal. La majorité de Kidal appartient aux Imghads et ils sont du GATIA. Pour preuve, toutes les élections sont gagnées en temps normal par les imghads. Le député et le maire sont des élus Imghads (…). Nous ne laisserons jamais Kidal ! Parce que c’est eux qui sont venus à la faveur de Méharistes, d’Ansardine et des djihadistes du MUJAO. Ils se sont bien implantés avec des complicités extérieures. Les pays étrangers les ont aidés à rester comme si c’était une part qu’on leur donne. Personne n’est d’accord qu’on quitte Kidal. Nous devrons partager la ville ou advienne que pourra. Nous préférons le faire de façon pacifique. Mais si on n’obtient pas cela, tous les autres moyens seront utilisés ».
L’arbitraire
Il faut rappeler qu’en début juin 2013, le MNLA s’était livré à ce que le ministre porte-parole du Gouvernement, Manga DEMBELE, avait qualifié « d’épuration raciale », lors d’une conférence de presse. En effet, les séparatistes touareg du MNLA avaient procédé à des arrestations et à des violences à visée ethnique contre des non-Touaregs dans la ville de Kidal. Le colonel Souleymane MAIGA, porte-parole de l’armée, déclarait que les violences visaient essentiellement des Peuls, des Bellas et des Songhaï. Certains ont été arrêtés et accusés d’intelligence avec l’armée malienne.
Un habitant de Kidal qui a parlé sous le couvert de l’anonymat a déclaré à Reuters que des combattants du MNLA écumaient les rues de la ville en sommant les personnes originaires du sud du Mali de partir.
Preuve que la France était parfaitement au courant de cette barbarie, elle a réagi sur son site internet, à travers le ministère des Affaires étrangères : «la France condamne ces violences et ces arrestations extrajudiciaires et demande la libération des personnes concernées. Elle rappelle son attachement à ce qu’une solution négociée soit trouvée sur la situation à Kidal’’.
Il a y a une bonne dose de pharisaïsme dans cette condamnation, d’autant plus que, de sources militaires, ce sont les hélicoptères d’attaque de l’armée française qui ont arrêté la progression des FAMAs sur Kidal quand elles ont défait le MNLA à Anéfis. Et c’est la Force Barkhane, dont la mission est exclusivement dédiée à la lutte antiterroriste, qui s’est retrouvée aux côtés de la MINUSMA, le 22 juillet dernier, à Kidal, pour s’interposer entre les belligérants. Si ce n’était pas uniquement pour faire partir de la ville le GATIA qui a infligé de lourdes pertes au parrainé international du MNLA.
Par Bertin DAKOUO