Partager ses analyses sur les enjeux sécuritaires et géopolitiques dans le Sahel, en général, et de la crise du Nord, en particulier. C’est l’objectif de la conférence de presse que l’ancien ministre de la Défense et des Anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga, a animé le samedi 6 août 2016 à la Maison de la presse.
D’entrée de jeu, il a présenté la situation sécuritaire dans le Sahel et au Mali sur le terrain au plan national, régional et international. Selon le conférencier, il y a une forte dégradation de la situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel, mais aussi une répartition géographique de la présence des groupes jihadistes et une mutation de leurs capacités sur le terrain. Tout cela, dit-il, démontre que tous ces groupes jihadistes entretiennent des relations individuelles entre eux et sont parrainés par Aqmi qui leur apporte de l’assistance.
Aux dires de Soumeylou Boubèye Maïga, au centre du Mali, vers la région de Mopti, ces groupes jihadistes s’appuient sur les communautés locales qui ont les mêmes récriminations par rapport à l’Etat central. Il dira que dans cette politique d’expansion territoriale, il y a une internationalisation de leur action. L’ancien directeur de la Sécurité d’Etat a relevé le fait que Aqmi, Ançardine, Elmouraditoune rentrent aussi dans une dynamique de concurrence avec Boko Haram. Il a souligné la présence d’Aqmi et Boko Haram dans l’environnement régional.
Pour M. Maïga, il y a des enjeux géopolitiques car le Mali est au cœur de l’espace qui va du Nord au Sud. Il dira que depuis 70 ans, sur le plan de l’importance géopolitique et géostratégique, il y a une constance dans la réflexion pour un certain nombre de pays dans le Sahel. Sur le plan de l’évacuation des ressources naturelles, Soumeylou Boubèye Maïga a noté trois configurations. Selon lui, l’Europe s’approvisionne des ressources naturelles à partir du Sahara, de l’Asie, du Soudan, et les Etats-Unis s’approvisionnent dans le Golf et la Libye. Il a fait savoir que l’Europe tire 33% de son gaz en Afrique du Nord.
«Si nous n’avons pas toutes ces données dans l’analyse que nous faisons, nous pouvons perdre de vue l’intérêt qui est porté aux pays du Sahel. Ce qui fait que nous sommes dans une zone d’une importance stratégique. La sécurité dans le Sahel est devenue un problème international. Nous devons avoir constamment dans l’analyse de notre situation actuelle ces données régionales et internationales», a déclaré le conférencier.
Selon l’ancien ministre de la Défense et des Anciens combattants, en septembre 2012, la drogue a produit 900 millions d’Euros de bénéfice dans la sous-région et la cigarette, l’an dernier, a produit 840 millions d’Euros de bénéfice pour les trafiquants dans cette partie géographique.
Quels sont les axes d’efforts par rapport à la crise du Nord ?
Pour M. Maïga, les axes d’efforts portent sur trois aspects, à savoir la gouvernance nationale, les réponses régionales et la coopération internationale. Selon lui, dans la gouvernance nationale, les crises que nous connaissons au Mali ont été marquées par une émergence croissante dans la prise de conscience de l’identité territoriale, l’effondrement de l’Etat central et une grande résistance des dynamiques locales. «Contrairement à ce qui a été dit pendant longtemps et qui continue d’être dit, nulle part sur le territoire national, il n’y a une région qui appartient à une ethnie. Si on ne fait pas attention, nous pouvons aboutir à des situations où des territoires sont donnés à des communautés. Nous devons privilégier le territoire plutôt que les communautés, et la démocratie locale doit s’appuyer sur des considérations territoriales. Nous devons, dans l’approche sur le découpage du territoire, faire la distinction entre les circonscriptions administratives et les circonscriptions électorales», a déclaré Soumeylou Boubèye Maïga. Avant d’ajouter que les débats démocratiques sur les institutions sont importants à ce niveau pour que les réformes aboutissent à un consensus national.
Il a également indiqué que «nous devons développer une capacité d’appropriation de l’accord d’Alger». «Je ne pense pas que nous pourrions sérieusement mettre en œuvre l’accord, s’il n’y a pas un contrôle effectif de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Le Mali devrait convenir avec l’ensemble de la communauté internationale d’un agenda précis pour le retour de l’Etat à Kidal, parce que, parler du retour progressif, n’est pas un calendrier», a souligné le conférencier.
Parlant de la sécurisation du pays, il a laissé entendre que «nous devons réadapter notre concept opérationnel pour que nos Forces armées et de sécurité deviennent plus réactives, plus mobiles, capables d’anticipation». «Tant que nous continuerons de rester dans une posture plus ou moins défensive, nous serons vulnérables. Tant que l’action militaire n’est pas prolongée par une mobilisation de l’ensemble des entités de l’Etat, nous aurons toujours des solutions provisoires. Je pense que nous devons absolument revoir notre monture sur ce plan», a martelé le conférencier.
Diango COULIBALY