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Chronique du Mali debout : Libérer les mentalités du complexe colonial pour émerger
Publié le mercredi 10 aout 2016  |  Le Reporter
Marche
© aBamako.com par A.S
Marche à Bamako pour soutenir Ménaka.
Bamako, le 2 mai 2015 Plusieurs centaines de personnes ont marché à Bamako pour soutenir la "libération" de Ménaka,




À l’étranger, nos interlocuteurs sont toujours surpris et fascinés quand nous leur exposons les potentialités du Mali. Ils ne peuvent alors s’empêcher de nous poser des questions comme : Comment un pays qui a tant d’atouts hydro-agricoles peut être encore dépendant de l’extérieur pour se nourrir ? Comment un pays peut accuser un si important gap dans son développement avec toutes ces potentialités ? C’est pourtant facile à expliquer : le pays manque de dirigeants débarrassés de l’aliénation mentale et qui ont une réelle vision de développement du pays.
«Avec tant d’atouts, je suis simplement effarée par la lenteur de la mise en place d'un renouveau socio-économique et politique au Mali» ! Le constat est d’une amie activiste française, Sonia Duchesse. «J'ai un peu étudié la carte du Mali et tellement de ressources naturelles non exploitées, que je n'arrive pas à comprendre ce manque d'initiative qui contribuerait à la richesse du Mali… Le Nord du Mali (la partie désertique proche du Centre) est pratiquement inhabité et sert de refuge aux rebelles, alors qu'il pourrait être exploité comme de nouvelles terres agricoles grâce au fleuve Niger et ses confluents ou affluents...
Le Mali peut être le grenier du Sahel», ajoute-t-elle en progressant dans son analyse de situation. «Vous êtes l'un des premiers producteurs de coton et vous produisez également une importante quantité de céréales. Mais, curieusement, vous n'arrivez pas à en vivre… Vous savez produire de la nourriture en grande quantité et vous n'arrivez pas à en tirer des bénéfices : pourquoi ? Il va falloir m'expliquer, mon cher Moussa», nous interpelle-telle.
Comme le note si bien Sonia, il y a un besoin urgent d'infrastructures de base dans le domaine de l'énergie, de l’industrie, de l'eau, des transports... Mais ce ne sont ni les gens compétents, ni les potentialités qui manquent pour faire avancer le pays. Encore, faudrait-il qu’ils aient l’opportunité de se mettre réellement en évidence sur les chantiers de développement du pays.
En réalité, le Mali a tout pour réussir, pour émerger sur la voie du développement. Mais, depuis le coup d'État du 19 novembre 1968, le pays est en crise de «visionnaires». On vient au pouvoir ou on occupe des postes de responsabilité pour manger et s'enrichir. Peu importe si le pays, le service ou l’entreprise est ruiné après.
D’indéniables atouts d’une émergence socio-économique
Notre pays a longtemps été le grenier de l'Afrique occidentale. Avant que les sécheresses des années 70 et 80 ne viennent anéantir une production tributaire des aléas climatiques. Malheureusement, la sécheresse ne fut pas seulement climatique. Elle a aussi affecté les mentalités, entraînant une aliénation mentale et un complexe culturel et politique des élites dirigeantes incapables de se soustraire du diktat des néo-colonialistes.
Depuis la rupture du 19 novembre 1968, nos dirigeants jouent aux sapeurs-pompiers pour conquérir et se maintenir au pouvoir, au lieu de mettre en œuvre des politiques structurelles cumulant infrastructures, énergie,… industrie. Même s’il est difficile de juger de leur bonne foi dans les ambitions politiques déclarées, force est de reconnaître que nos dirigeants manquent de vision claire pour les concrétiser. Comme le rappelait récemment un document de Mediapart, il fut un temps où l'Etat malien, bien que pauvre en cadres et en ressources, «fonctionnait avec efficacité et se montrait capable de décisions témoignant d'une parfaite indépendance par rapport à l'ancienne puissance coloniale».
Ainsi, dès l’indépendance en 1960, le Mali s’était doté d’un plan de développement économique, avec l’ambition d’une rapide «décolonisation économique». Une volonté qui s’était traduite par des politiques agraires, industrielles, éducatives, sanitaires… pertinentes et réalistes. Depuis la fin de la 1ère République, nos dirigeants ne réfléchissent plus par eux-mêmes.
Ce sont les Bailleurs de fonds appelés aujourd’hui Partenaires techniques et financiers (PTF) qui nous imposent des modèles macro-économiques, élaborent nos schémas de développement, nos systèmes éducatifs et sanitaires. Et naturellement, dans le sens de leurs intérêts et jamais, dans celui des intérêts du peuple malien. Et ce n’est pas avec la classe politique actuelle qu’il faut rêver de la fin de ce complexe, voire de cette aliénation mentale. Montrez-nous aujourd’hui un seul leader politique malien qui n’est pas convaincu que son destin politique est par exemple lié à la volonté de la France ?
Pour revenir aux légitimes et pertinentes interrogations de notre amie Sonia Duchesse, il est clair que l'absence d'un système de commercialisation crédible rend la production moins compétitive, car contrôlée par des monopoles qui ont plus d'intérêts dans les importations que les produits du pays.
Supprimer les intermédiaires pour assurer la sécurité alimentaire
Nous ne cesserons de rappeler aux dirigeants de ce pays que la sécurité et la souveraineté alimentaires ne seront une réalité au Mali tant que la production agricole ne profitera qu'aux opérateurs économiques, aux dépens des producteurs et des consommateurs. Il faut un système, comme les coopératives pour supprimer les intermédiaires entre paysans et consommateurs.
En effet, la production et la consommation sont essentielles pour la performance d’une «machine économique». Ce qui est produit, confirme Sonia Duchesse, devrait rapporter des ressources aux travailleurs en leur offrant ainsi les moyens non seulement de consommer eux-mêmes, mais également de réinvestir pour développer leur travail, leur commerce et l’agriculture.
«Plus l'on va consommer, plus on va produire pour répondre à la demande, donc avoir une activité économique qui, en même temps, offre des emplois», rappelle l’activiste française. Ainsi, reconnaissent des économistes, «tous les acteurs qui se placent entre le producteur et le consommateur ne servent à rien. Sauf bien sûr, à se servir, au passage, une belle rémunération… Un fonds perdu puisqu'il ne permet pas la création ou l'amélioration d'une petite exploitation».
D'autre part, il faudrait investir dans des réserves (silos, de vraies banques de céréales) afin d'entreposer les céréales pour pouvoir les stocker et donc, ne plus dépendre des intervenants extérieurs, comme les voraces opérateurs économiques quand le manque se fait sentir. «Si vous nourrissez à chaque passage les loups pour pouvoir vendre votre travail et, en plus, tenir compte des pertes dues aux changements climatiques… il est évident que cet échange est voué à l'échec puisqu'il ne permet aucune croissance du développement», ironise Sonia.
Pour que nos énormes potentialités et atouts soient réellement le moteur de l’émergence socio-économique de notre pays, il faudra innover pour propulser cette économie confisquée par des monopoles. Une innovation qui passe également par le changement de comportements. Pour émerger, il est grand temps que le Mali bouge, que les mentalités se libèrent du complexe colonial, et que les comportements changent pour traduire le patriotisme en attitudes positives de développement. Il faut donc un sursaut, une prise de conscience individuelle et collective !
Moussa BOLLY
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