PARIS, Lors des conflits armés, au Mali et en Syrie aujourd’hui, en Libye et en Irak hier, l’Unesco tente avec ses moyens limités de protéger les sites culturels, menacés non pas tant par les destructions que par le pillage et le trafic archéologique.
En théorie, les belligérants, signataires de la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, sont "tenus de faire tout leur possible pour préserver ce patrimoine contre les ravages de la guerre".
"Mais comment protéger le patrimoine en Syrie ? Ce n’est pas possible, nous n’avons pas de puissance militaire", ne peut que constater la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova.
L’agence de l’ONU n’est cependant pas totalement impuissante. Sur le Mali, "nous avons alerté le Conseil de sécurité qui a inclu la protection du patrimoine dans les résolutions adoptées", se réjouit Mme Bokova.
Pour la première fois, la Cour pénale internationale a qualifié de "crime de guerre" la destruction des mausolées de Tombouctou et elle pourrait ouvrir une enquête pour en identifier les auteurs.
En prévision d’une intervention internationale au Mali, l’Unesco avait
imprimé dès l’automne 10.000 "passeports pour le patrimoine" recensant avec des photos les biens culturels situés dans le nord du Mali. Ces passeports ont été distribués à l’armée française, une première.
En Libye, "nous avions donné à l’Otan la position géographique de tous les sites du patrimoine" et "ils n’ont pas trop souffert", souligne Francesco Bandarin, sous-directeur général pour la culture à l’Unesco.
Un trafic organisé
Mais, pour lui, "ce sont les moments de pertes de contrôle étatique qui sont les plus dangereux pour le patrimoine", comme lors des pillages des musées de Bagdad en avril 2003 ou du Caire en janvier 2011.
"La déstabilisation des gouvernements amène aussitôt l’activation des réseaux mafieux internationaux", souligne-t-il. "Le trafic de biens culturels, c’est entre 6 et 8 milliards de dollars par an, une industrie criminelle structurée comme le trafic de drogues ou d’armes", insiste-t-il.
En Libye, l’épisode le plus grave a été la disparition du "trésor de
Benghazi", 8.000 pièces d’or et d’argent de l’époque hellénique dérobées dans une banque de Benghazi.
"On n’en a plus aucune trace", déplore M. Bandarin, en dépit de l’enquête d’Interpol. Ce vol a été organisé avec des complicités, affirme-t-il, tout comme l’avait été le pillage du musée de Bagdad.
L’Unesco tente d’éviter une situation semblable en Syrie où "des biens
archéologiques quittent le pays depuis déjà plusieurs mois".
L’agence va ainsi organiser une réunion à Amman avec les pays voisins. Pour les Syriens, "on fait des cours de formation à distance par vidéo sur la protection des musées". "C’est très difficile d’avoir des informations. Et il nous faudrait l’autorisation du régime si on voulait aller sur place, on est une agence des Nations Unies, pas une force clandestine", rappelle-t-il.
La meilleure prévention contre le pillage reste le soutien de la population locale comme celle de Tombouctou qui s’est mobilisée pour mettre l’essentiel des célèbres manuscrits hors de portée des islamistes. Les mausolées détruits pourront eux être reconstruits grâce aux plans et photos.
Cela n’est pas toujours possible. En Afghanistan, le gouvernement voudrait reconstruire les deux Bouddhas de Bamian détruits en 2001 par les talibans, dont on a récupéré 30 à 40% des pierres, mais l’Unesco juge "impossible de faire une reconstruction qui ait une valeur scientifique".
"C’est comme si on avait une statue de Michel-Ange en poussière, on ne
refait pas du Michel-Ange", résume M. Bandarin.
"Quand un monument est détruit, il en reste la mémoire. Il y a un musée à Bamian qui montre aussi la destruction des Bouddhas car cela fait maintenant partie de l’histoire du lieu", plaide-t-il.