Ballotté entre une situation sécuritaire précaire sur toute l’étendue du territoire national, une crise économique et financière endémique, un front social en ébullition, une forte demande sociale, et récemment les manifs contre l’opération Ami Kane, le Mali est tout simplement au bord de l’abime. Face à cette situation, on constate singulièrement le mutisme de la société civile malienne qui semble résigné au sort qui s’abat sur le pays. Au même moment, l’appât du gain, le détournement des fonds et la défense d’intérêts personnels sont devenus l’exercice favori de cette société civile.
Jadis cité en exemple en Afrique et à travers le monde pour les guerres héroïques sous ses anciens empires et sa lutte d’indépendance, le Mali n’est désormais plus que l’ombre de lui-même. Tout y va de l’envers. Et les Maliens donnent l’impression de croiser les bras et de laisser le destin suivre son cours. N’ont-ils pas conscience du danger qui profile à l’horizon ? On peut répondre par l’affirmative. Toutes les couches socioprofessionnelle, particulièrement la société civile, semble indifférentes à la situation dramatique que vit le pays.
Cette société civile, aujourd’hui encore plus qu’hier, n’a jamais joué son véritable rôle. Elle préfère plutôt courtiser le pouvoir, le caresse dans le sens du poil même quand il ne le faut pas. Quand ça va, elle est toujours au chevet de l’Etat ; mais quand ça chauffe, elle devient muette comme carpe.
La preuve est établie depuis l’éclatement de la crise (en 2012) et l’accession d’IBK au pouvoir. Ce régime, qui a plongé le pays dans une léthargie sans fin, a apporté suffisamment de grains au moulin de cette société civile (alimentaire). Mais elle n’a jamais su saisir la balle au bond, afin d’obliger le président à redresser la barre.
Ce dernier a, au nez et à la barbe de la société civile, instauré la mauvaise gouvernance comme mode de gestion des affaires publiques. La famille, les amis, les alliés, les affidés et (seulement) quelques rares compétences sont placés dans les hautes sphères de l’Administration malienne où ils agissent comme des « protégés » du Chef. Conséquence : détournements, surfacturations, malversations à ciel ouvert.
Qui ne se rappelle pas de l’affaire de l’avion présidentiel, des équipements de l’armé ou encore de l’affaire des engrais dits frelatés. Sur ces dossiers, la société civile n’a manifesté le moindre sentiment de désapprobation. Et les sorties de l’opposition politique, dont les partis se sont toujours fendue en dénonciations, n’ont jamais été suivies malgré la pertinence de leurs remarques.
Partager le butin
Cette complaisance de la société civile a certainement conforté le régime IBK dans sa logique de dilapidation des ressources financières qui auraient pu etre injectées dans le développement et la gestion du quotidien des Maliens. Ces fonds détournés de leur vraie destination ont installé une crise financière et économique qui a paralysé l’administration et, surtout, assommé les Maliens. Aujourd’hui, « le Malien tire le diable par la queue ».
Aussi, au lieu d’être un acteur de la résolution de la crise du nord, la société civile est devenu un spectateur, laissant libre court aux tâtonnements du régime. Kidal a finalement été offert aux rebelles sur un plateau d’or. Au-delà de Kidal, c’est la quasi-totalité des régions du nord qui sont sous le contrôle ou la menace des rebelles et djihadistes. Attaques, braquages, enlèvements d’animaux, assassinats et autres formes de violences constituent le lot quotidien du vécu des populations du Macina, du Séno, du Kounari etc. Les habitants de Nampala, Diabaly, Niono, Léré, Douentza, Hombori…vivent dans une peur bleue. Ces populations sont laissées à leur sort.
Au même moment, les organisations de la société civile traient la vache laitière qu’est devenu l’Etat, au nom de la paix et de la réconciliation. Des foras sont fréquemment organisés à Bamako par les leaders de cette société civile (alimentaire) pour se partager le butin volé sur le dos de l’Etat ou des partenaires étrangers.
Les populations sont tout aussi muettes que la société civile. Depuis le début de la crise, les concitoyens se sont limités aux grognes et aux plaintes sans lendemain. Au jour le jour, la vie devient plus que compliquer pour la grande majorité des Maliens, le panier de la ménagère se vide… Mais ce constat, bien que patent, n’émeut personne. Chacun s’en remet à Dieu. Comme quoi, le bateau Mali coule dans l’indifférence générale.
Issa B Dembélé
Source: L'Aube