Portés disparus après l’attaque de leur position dans la région de Tenenkou le 8 août dernier, les cinq soldats maliens n’ont pas été faits otages. En effet, leurs corps ont été retrouvés sans vie près du fleuve où l’attaque a eu lieu. En attendant qu’une enquête vienne situer les circonstances exactes de leur mort, car l’on ne sait pas pour l’heure, s’ils ont été tués, puis jetés dans le fleuve ou s’il sont morts par noyade, l’on peut dire que la comptabilité macabre se poursuit pour l’armée malienne. En effet, avant l’attaque qui aura été fatale à ces cinq soldats, le camp de Nampala avait subi le 19 juillet dernier, la furie d’Ansar Dine. L’attaque s’était soldée par 17 morts et six soldats faits prisonniers. Ces déconvenues successives des forces de défense maliennes, face à un ennemi réduit pratiquement à la clandestinité, suscitent des interrogations.
L’armée malienne semble devenue la cible privilégiée des insurgés
Qu’est-ce qui cloche dans le dispositif de défense malien pour que les soldats subissent de telles humiliations ? Pourquoi les djihadistes ont-ils besoin de faire prisonniers des soldats maliens ? En attendant de trouver d’éventuelles réponses à ces questions, il est impératif que l’armée malienne puisse donner la riposte appropriée aux terroristes qui sont visiblement en train de reprendre du poil de la bête. Alors, à quand un sursaut d’orgueil de l’armée malienne ? La question mérite d’être posée d’autant plus qu’au regard des derniers événements, la situation est loin d’être reluisante pour les FAMA avec la récurrence des coups qu’elles prennent. En effet, l’armée malienne semble devenue la cible privilégiée des insurgés, et subit régulièrement des attaques au point que l’on a aujourd’hui le sentiment qu’elle a elle-même besoin d’être protégée. Mais par qui ? Là est la véritable question. Car, si l’armée malienne donne l’image d’être une cible facile pour les djihadistes, comment peut-elle prétendre, dans ces conditions, sécuriser les populations civiles ? Difficile de répondre à cette question. Heureusement, pourrait-on dire, que les forces internationales sont là, en appui. Mais ces dernières n’ont pas vocation à s’éterniser au Mali. Et personne ne viendra faire le boulot à la place des soldats maliens. C’est pourquoi l’armée malienne doit rapidement se ressaisir et travailler à inverser la donne sur le terrain. Si elle veut se donner des chances de garder une certaine crédibilité, elle doit impérativement cesser d’être le gibier pour devenir le chasseur. Autrement, elle court le risque de voir se renforcer, à tort ou à raison, le sentiment qu’elle n’a jamais véritablement fait le poids devant un adversaire audacieux qui n’attend que la moindre occasion pour prouver son ascendance sur le terrain. En vérité, les récents revers subis par les FAMA face aux djihadistes, font penser aux raclées qu’infligeait la secte islamiste Boko Haram à l’armée nigériane dont les éléments détalaient comme des lapins face aux hommes d’Abubakar Shekau. Même si, à leur décharge, l’on peut dire qu’avec Ansar Dine, le Mujao, Al Qaïda, Al Mourabitoune, la récente Alliance nationale pour la défense de l’identité peule, etc., les fronts sont nombreux.
Il faut craindre que les soldats maliens soient désabusés par le manque criard de matériels et d’équipements adéquats
Mais cela seulement ne saurait justifier ces déconvenues d’une armée censée assurer la défense de l’intégrité de l’ensemble du territoire malien. Que cache finalement cette vulnérabilité de la Grande muette du pays de Soundjata Keïta ? Depuis l’épisode du coup d’Etat du tristement célèbre prisonnier de Filingué, le capitaine-général Amadou Haya Sanogo, et l’affaire dite des bérets rouges et des bérets verts, l’on savait l’armée malienne fortement divisée. Mais il serait incompréhensible que face à un ennemi autrement plus redoutable, elle n’ait pas réussi à surmonter ses querelles intestines pour faire front face à un adversaire qui, s’il venait à prendre le dessus, ne regarderait certainement pas à la couleur du béret. En tout cas, personne ne risquerait d’être épargné. Toutefois, tout comme on l’a vu au Nigeria, il faut craindre que les soldats maliens, désabusés entre autres par le manque criard de matériels et d’équipements adéquats pour faire face à un ennemi quelquefois mieux équipé, n’aient finalement mal à leur moral, au point de refuser de se laisser conduire à l’abattoir comme des moutons de sacrifice. Cela serait, de toute façon, incompréhensible, car ce n’est ni l’aide ni l’assistance de la communauté internationale qui auront fait défaut. En tout état de cause, ce serait une faute hautement professionnelle si tous les efforts de la communauté internationale accourue à son chevet pour l’aider à se débarrasser des djihadistes, devaient être pratiquement réduits à néant. Il est temps d’arrêter la série noire. Il y va de l’honneur, de la crédibilité et de la souveraineté du Mali.
« Le Pays »