L’accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, signé en mai et juin 2015, prévoyait la mise en place des autorités intérimaires dans un délai de trois mois pour gérer pendant une période transitoire les régions administratives du nord du Mali. Plus d’une année après, des efforts ont, certes, été faits, mais la mise en œuvre de l’accord sur le terrain, reste complexe. Le processus semble même grippé dans la mesure où toutes les tentatives de mise en place de ces autorités, ont échoué. Même si le gouvernement garde l’espoir d’aller au bout de ses efforts. L’Etat a, malgré les contestations et les dénonciations, pris sur lui la responsabilité de la relecture du code des collectivités territoriales pour favoriser la mise en place des autorités intérimaires. La loi N°2016-013/du 10 mai 2016 et le décret N°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016, ont été pris pour réglementer la mise en œuvre du processus. Dans un premier temps, plusieurs acteurs, y compris les ex-rebelles, ont désapprouvé les textes législatifs, avant de se raviser. Des concessions et des arrangements ont été faits pour rapprocher les parties prenantes. Qui sont finalement arrivées à une « Entente ». L’objectif de cet accord entre le gouvernement, la Coordination des mouvements de l’Azawad et la Plateforme est, entre autres, de préciser les rôles et les attributions des Autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudénit et Ménaka ; et aussi les modalités de mise en place des Autorités intérimaires. Dans cet accord, il avait été inséré un calendrier pour l’installation du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) dans les régions, le redéploiement de l’administration d’Etat, la mise en place des autorités intérimaires… Ce calendrier s’étendait sur une période de 3 mois (1er juillet au 30 septembre 2016). Mais les évènements douloureux de Gao et de Kidal l’ont remis en cause. A Gao comme à Kidal, les parties avaient dans leur ligne de mire la problématique des autorités transitoires. Malgré tout, les signataires de l’accord d’Entente ont fait des efforts pour élaborer un nouveau calendrier qui devrait permettre de désigner les membres des autorités intérimaires entre le 1er Août et le 15 Août 2016. Là également, les parties se sont, semble-t-il, planté sur la forme. Ni la société civile, encore moins les élus des localités concernées n’ont été associés au choix des dates et de l’ordre établi.
Le niet de la cité des 333 Saints
Ainsi, le 1er Août dernier à Tombouctou, il n’y a pas eu de désignation de membres d’autorités intérimaires. La société civile et les élus locaux des cinq cercles de la région ont opposé un niet catégorique. Ils évoquent un paradoxe. Pourquoi les parties à l’accord veulent que le processus de désignation commence par Tombouctou pour se clôturer par Kidal ? Pour Tombouctou, puisque la rébellion a été déclenchée dans l’Adrar des Ifoghas, les solutions doivent aussi prendre leur source à Kidal. En tout cas, les responsables de Tombouctou ne veulent plus que, leur région serve de « cowboys » pour la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation. Voilà, entre autres, les raisons d’un revirement sur la mise en œuvre d’un projet pour le renforcement de la paix : la mise en place des autorités transitoires. A ce jour, les parties n’ont pas été en mesure de faire le point de ces fiascos. Et on s’interroge déjà si le processus de mise en place des autorités intérimaires, n’est pas grippé. De toute évidence, tout porte à croire qu’il sera difficilement relancé avant décembre 2016. Parce qu’il y a une guerre à Kidal dont nous ignorons les tenants et les aboutissants.
Aussi, les pouvoirs publics rechignent à impliquer la société civile dans la mise en œuvre de l’accord. Les évènements de Gao et ce massacre tribal entre le Gatia et le HCUA à Kidal, plus le boycott de Tombouctou, prouvent, si besoins en était, de la nécessité de trouver un consensus sur certaines questions avant d’exiger leur application. « A vouloir aller trop vite, on risque de perdre les pédales », dit-on. Pour arriver à termes de ce processus, il faut que l’Etat se ressaisisse pour intégrer certains facteurs.
D’abord, il faut au préalable rester dans les liens de l’accord pour la paix et la réconciliation, signé en mai et juin 2015. Cet accord doit être, par principe, partagé au niveau national par toutes les composantes de la société. La pression des groupes armés ne fait pas avancer le processus. Car, il n’y a pas de doute, ils sont (ou du moins certains d’entre eux) dans une autre dynamique. La guerre de Kidal n’est qu’un prétexte parmi tant d’autres pour retarder sinon bloquer le processus de paix.
Ensuite, la démarche participative doit être inclue dans la stratégie gouvernementale d’aller vers la paix et la réconciliation. Les notabilités du nord et la société civile (pas celles de Bamako) doivent être impliquées dans toutes les décisions qui concernent les régions du nord.
Idrissa Maïga