CHEICK OUMAR DIALLO, SECRÉTAIRE POLITIQUE DE L’ADP-MALIBA APRÈS SON RETRAIT DE LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE
Des raisons de la démission du parti de la Majorité présidentielle, en passant par l’opération « Bulldozer » en cours, le secrétaire politique du parti ADP-Maliba, se prononce toutes les questions d’actualité. Interview !
Le Sphinx : Vous venez de quitter la majorité présidentielle. Qu’est- ce qui a motivé ce départ ?
Cheick Oumar Diallo : Merci ! Les raisons de notre départ sont liées à la Gouvernance. Le processus que nous avions engagé, à savoir la consultation nationale a clairement démontré que les militants du parti étaient fortement déçus de la manière dont le pays est actuellement géré. Vous l’avez constaté : des promesses ont été faites durant la campagne présidentielle. J’ai été personnellement l’un des Porte-paroles d’IBK… Des promesses liées à la résolution de la crise du Nord, à la création d’emplois, la restauration de l’autorité de l’Etat, etc. Et nous nous sommes rendu compte qu’il y a une réelle discordance entre les promesses de campagne et les réalités de la gestion actuelle.
Serait-ce parce que le gâteau, après la victoire a été mal partagé ?
Non, non ! Pas du tout ! Au contraire… Ce n’est pas une question de partage de gâteau ! Nous avons beaucoup trop de militants pour que chacun entre dans le gouvernement ! En réalité, notre décision est intervenue à la suite d’un anniversaire. Le mois de juillet coïncide avec les trois ans de la signature de l’accord électoral avec le candidat Ibrahim Boubacar Keïta. C’était le 07 juillet 2013 et c’est le 12 juillet 2016 que notre décision de suspension est intervenue. C’est pour vous dire que nos militants à la base n’ont pas la mémoire courte. Ils se souviennent clairement de tout ce qui a été fait et dit. Il était donc temps d’en tirer toutes les conséquences.
S’agit-il d’une suspension ou d’un départ définitif de la majorité ?
C’était un processus en deux phases. Le C.E du parti a décidé de la suspension lorsqu’il a été saisi par les militants de certaines structures. Il a alors ouvert des consultations nationales afin de recueillir l’avis de tous. Et c’est à la suite de ce processus qui a pris fin le 29 juillet que le résultat est intervenue: la décision de retrait pur et simple de la majorité après la suspension.
Le retrait est donc définitif ! Certains prétendent que le parti ADP Maliba a été créé par le Cherif de Nioro. Est-il vrai ? Et quelle est la nature de vos relations avec lui ?
Nous avons des relations affectives avec toutes les personnalités religieuses du pays et particulièrement avec le Cherif de Nioro. Ce sont des relations anciennes… Je pense que tous les acteurs de la société civile malienne sont d’avis qu’il ne faut pas mélanger politique et religion. Les relations qui nous lient au Chérif sont personnelles et non politiques…
Maintenant que vous avez quitté la majorité présidentielle et que les échéances électorales, présidentielles en l’occurrence sont annoncées pour 2018. L’ADP-Maliba présentera-t-il un candidat ?
Ceci n’est pas à l’ordre du jour. Nous sommes à deux ans de cette échéance et beaucoup d’eau coulera certainement sous le pont d’ici là. Notre objectif pour l’instant, c’est aller à la conférence nationale en vue de définir la position définitive du parti.
A l’heure actuelle, une opération de déguerpissement dite «Bulldozer» est en cours dans la capitale. Des milliers de kiosques et d’installations donc autant d’emplois ont été détruits. Il se trouve qu’ADP-Maliba, au sein de la majorité présidentielle, s’était engagé à créer p des emplois. Alors quelle appréciation faites-vous de cette opération de destruction ?
Je pense qu’elle a été précipitée. Personne ne nie le caractère légal du déguerpissement en cours, mais il y a un besoin de dialogue social, un besoin de comprendre les difficultés socioéconomiques d’une grande partie de la population de la capitale… Procéder aussi vite à une telle opération avec autant d’énergie atteste certes de l’autorité de l’Etat, mais donne aussi l’impression qu’on est plutôt en train de frapper les plus faibles. Je pense que dans un contexte comme le nôtre, il est important de privilégier le dialogue et surtout de procéder au recasement de toutes les victimes.
Au Sénégal par exemple, l’Etat a cédé ses bâtiments du Centre-ville aux mairies en faveur des commerçants. Tel n’a pas été le cas au Mali. Qu’en pensez-vous ?
Je pense vraiment que le gouvernement devrait d’abord penser au recasement de ces déguerpis ; trouver des solutions adaptées à la réalité socioéconomique de ces acteurs. Ce sont de petites entreprises qui ont besoin d’un accompagnement particulier. L’Etat aurait dû effectivement songer à ces bâtiments.
Peut-on en déduire que l’Etat malien n’a pas une véritable socioéconomique ?
Vous convenez là avec moi que ce n’est pas pour rien que nous nous sommes retirés de la majorité présidentielle. Je pense qu’il y a une vision qu’il faut dégager rapidement et fixer un cap pour que les gens puissent comprendre…
La gestion familiale du pouvoir («la Famille d’abord») constitue l’une des tares du régime. Fait-elle partie des raisons de votre départ de la majorité présidentielle ?
«La Famille d’abord» est un triste slogan que nous n’avions jamais imaginé à l’issue de l’élection présidentielle en 2013. Je pense qu’il revient au Gouvernement, au président de la République de montrer par un signal fort que ce n’est pas le cas. Aujourd’hui tous les esprits sont tournés vers cette vision qui ternit l’image de l’Etat. C’est important de communiquer de sorte qu’il puisse lever les équivoques.
L’un des engagements du candidat élu Président de la République a été la lutte contre la corruption. Mais aujourd’hui, de mémoire de journaliste, ce phénomène n’a jamais atteint un tel seuil au Mali. Qu’en dites-vous ?
Cela démontre qu’il y a de gros efforts à fournir. Le Vérificateur général n’a cessé de produire des rapports. Il est important qu’il y ait plus de synergie entre tous les acteurs de la lutte contre la corruption. C’est essentiel ! Que la justice, les organes de contrôle, l’Etat lui-même, l’Assemblée Nationale…, que chacun joue son rôle afin que les gens comprennent qu’il n’y a plus d’impunité en République du Mali. Tant qu’on ne met pas fin à l’impunité, l’on se retrouvera avec une corruption grandissante.
Un message à faire passer ?
Mon dernier mot s’adresse aux militants d’ADP-Mali que je salue et félicite pour leur sens élevé de la démocratie, du civisme qui leur a permis de participer activement et massivement aux dernières consultations nationales du parti. Je tiens à leur réaffirmer tout l’engagement des premiers responsables du parti à faire triompher les idéaux de paix, de prospérité de l’ADP-Maliba.
Propos recueillis par A. Dramé