Telle est la question que tout le monde se pose après le Conseil des Ministres du 10 août 2016. L’annonce laconique de la convocation du collège électoral, le dimanche 20 novembre 2016, a semé, en effet, doute et scepticisme. Car, un projet de loi relative à la réforme du Code électoral est envoyé aux états-majors des partis politiques. Rendez-vous est donné à l’Assemblée nationale. Au même moment, le gouvernement s’entête dans la logique des autorités intérimaires. Prévues dans cinq régions, ces autorités consacreront la partition du pays.
Notre pays n’a pas encore fini avec la politique du saupoudrage, du maquillage et de la fuite en avant. Au point que les citoyens s’interrogent sur la nature et la qualité de leurs dirigeants. Incapables de ramener de l’ordre dans le pays, ils tentent d’expérimenter moult astuces pour passer le temps. Et en même temps le perdre.
L’issue du dernier Conseil des Ministres, 10 août 2016, est révélatrice de cette politique. Au titre du Ministère de l’Administration territoriale, le Conseil a laconiquement décidé la convocation du collège électoral le 20 novembre 2016. Il s’agit bien sûr des élections communales. Trois petits paragraphes, 22 phrases, pour démontrer au passage la volonté du gouvernement de respecter les lois de la République.
Curieusement, un projet de loi, émanant du même gouvernement, est envoyé aux partis politiques de la place. Il y est question de relecture du Code électoral. Les partis politiques sont appelés à se prononcer. Ils seront incessamment entendus à l’Assemblée nationale. Ou du moins leurs représentants. L’Assemblée nationale se penchera ensuite sur le projet de loi.
Au Ministère de l’Administration territoriale, l’on est certainement dans les secrets du vote. Mais au cas où le texte serait rejeté ou amendé profondément, que va-t-on faire ? Nous sommes déjà au 15 août, le collège électoral est convoqué le 20 novembre. A-t-on mesuré les risques ? N’y aurait-il pas de problèmes avec les nouvelles dispositions de l’Accord pour la paix ? Avec un peu de sérieux politique, n’aurait-on pas évité d’autres reports du scrutin ?
Manège de trop !
La convocation du Collège électoral concerne toute l’étendue du territoire national. Comme l’atteste le communiqué du Conseil des Ministres. Or à l’heure actuelle, le Gouvernement malien sait bien qu’il lui est impossible de faire ”quelque chose” de sérieux sur l’ensemble de son territoire. A Kidal, il brille par son absence depuis mai 2014.
A Gao et Tombouctou, seules communes urbaines restent sous contrôle. Ailleurs, comme à Ténenkou, Macina, Ménaka, Léré, Nampala (avec ses sinistres mémoires), entre autres, l’administration ne fonctionne guère. Sans oublier la nouvelle région de Taoudénit. Si scrutin il y avait, où aurait-il lieu alors ? Peut-être à Bamako, Kayes, Ségou, Mopti, Sikasso, et quelques unes de leurs villes. A Bamako, le terrain est balisé apparemment avec les opérations de déguerpissement actuelles. Cyniques, ces opérations l’étaient à tous les points de vue. Ayant pris sur lui la responsabilité des opérations, à travers le gouvernorat, le gouvernement a par la suite jeté les Maires aux gémonies. Mais, les Bamakois sont loin d’être dupes. Le parti au pouvoir, RPM et son gouvernement sont entièrement responsables des destructions de leurs étals, kiosques et parfois boutiques. Avec leur gouverneure, Mme Sacko Ami Kane, ils ont même déjà expérimenté leur dispositif de répression.
Autorités de tous les dangers
Joseph Brunet-Jailly a récemment attiré l’attention des Maliens sur leurs installations. Pour lui, il s’agit clairement de la ”dévolution du pouvoir local et régional aux groupes armés avant tout cantonnement et tout désarmement”. L’observateur averti se veut plus explicite en ce termes : ” Ce sont des hommes en armes et les comparses qu’ils auront adoubés qui vont être installés, avec la bénédiction de la ”Communauté internationale”, à la gestion des collectivités territoriales des cinq régions du Nord, où ils auront en particulier la tâche de préparer les listes électorales et d’organiser les futures opérations électorales et référendaires “. Joseph Brunet-Jailly poursuit : ” le représentant de l’Etat dans la région sera flanqué de deux conseillers spéciaux, désignés par les mouvements armés, le représentant de l’Etat dans les cercles et arrondissements d’un seul … “.
Avant de conclure : ”La présidence algérienne du Comité de suivi de l’Accord d’Alger impose dès aujourd’hui au Mali, par les nouvelles dispositions concernant les autorités intérimaires, une partition de fait de l’Etat, puisque les Collectivités territoriales seront gérées différemment au Nord et au Sud. Mais, elle impose aussi un complet démantèlement de l’Etat …”.
En annonçant donc la convocation du Collège électoral sur toute l’étendue du territoire, le 20 novembre prochain, en sachant ne point tenir le scrutin ainsi sauf en légitimant les groupes armés, le gouvernement actuel étale au grand jour ses faiblesses. Sinon, pourquoi ne pas se donner les moyens de gouverner ?.
B.Koné