Chaque fois que le gouvernement tente de nous bourrer le crâne, il se fait immédiatement prendre la main dans le sac. Et si on lui trouvait une bourse de formation en propagande ?
Il fait un sale temps pour la communication, pardon !, pour la propagande gouvernementale. Singulièrement au sujet des affaires militaires. Chaque jour qu’Allah soubhana wa tallah fait, ministres et services publics directeurs se font, en ma matière, surprendre les deux mains dans le sac.
Les semi-vérités (je déteste le mot « mensonge ») commencent, en janvier 2012, sous le règne du « Vieux Commando ». Alors que nos troupes subissent un déluge de feu, le gouvernement nous parle d’une poignée de « bandits armés » qui auraient été défaits dans le désert. Quand l’armée est chassée d’une localité, un ronflant communiqué du ministère de la Défense nous raconte que nos troupes ont observé un « repli stratégique pour ne pas mettre en danger la vie des populations civiles ». Quand des villes entières tombent entre les mains des rebelles, les mêmes communiqués officiels jurent sur le Coran et la Bible qu’une reconquête est en cours. Bien entendu, à dire de communiqués, il n’y a ni de mort ni mourant dans nos rangs, mais juste « quelques blessés légers ». Au bout du compte, le « Vieux Commando » a dû s’enfuir à dos d’homme, bien obligé de reconnaître, sur le tard, que nos soldats remplissaient toutes les tombes et fosses communes du nord.
Apparemment, le gouvernement de Ladji Bourama n’a pas tiré les leçons de ces événements récents. Il entame sa propre propagande dès le mois de mai 2013. Après la libération de Gao et de Tombouctou par l’opération française « Serval », la Direction des Relations Publiques de l’Armée (DIRPA), alors animée par deux officiers du nom de Maiga, a multiplié les belles et charmantes assurances : oui, oui, l’armée est en route pour Kidal; oui, oui, l’armée y sera sous 72 heures; oui, oui, ce sera dans une semaine, et patati et patata… Le bon peuple finit par se rendre compte que les délais de la DIRPA sortent tout droit de son imagination et que les deux Maiga tournent la presse et l’opinion en bourrique.
Visite de Mara à Kidal
L’affaire se corse en mai 2014. Suite à la visite mouvementée du Premier ministre Moussa Mara à Kidal, l’armée malienne est défaite par les rebelles de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Le gouvernement, devant tant de dégâts, s’empresse d’annoncer à la presse n’avoir pas donné aux troupes l’ordre d’attaquer Kidal. Il oublie que dans un tweet, le ministre de la Communication de l’époque avait écrit, au début des combats, que l’armée était en train de mener avec succès une « opération de sécurisation de Kidal ». Et que dire des applaudissements qui avaient rétenti dans la salle du Conseil des Ministres pour célébrer les débuts victorieux des hostilités lancées par l’armée malienne ? C’est bien connu: la défaite est toujours orpheline…
Avions introuvables
Peu après ce drame, le gouvernement, critiqué pour sa passivité envers la CMA, révèle à grand bruit avoir signé avec le constructeur brésilien « Embraer Defense & Security » un contrat d’acquisition de 6 avions militaires de marque A-29 Super Tucano. Ces précieux coucous, nous raconte-t-on, n’envient rien aux bombardiers américains; ils permettront aux forces aériennes du Mali de surveiller nos frontières et d’entraîner nos troupes et, bien sûr, d’écraser toute colonne de véhicules ennemie. Le contrat, signé, semble-t-il, au Salon du Bourget, près de Paris, prévoit aussi « un support logistique » et un « programme d’entraînement en faveur des pilotes et mécaniciens maliens ». Eh bien ! Depuis ces joyeuses nouvelles, les Maliens scrutent, jour et nuit, le ciel: à ce jour, pas l’ombre d’un avion brésilien ! Même pas une nuée de charognards! Les derniers espoirs tombent à Ségou, le jeudi 21 juillet 2016, lorsqu’aux obsèques des 17 soldats tués à Nampala, Ladji Bourama lui-même déclare que notre armée a besoin d’avions pour surveiller le territoire national et qu’elle n’arrive pas à les acquérir en raison de blocages divers. Voilà qui a le mérite de la clarté, Ladji Bourama s’exprimant toujours en limpide français de France. Alors question: pourquoi le gouvernement, qui avait cru bon d’annoncer l’arrivée imminente des avions, n’avait-il pas pris la peine de faire état des blocages évoqués par le chef de l’Etat?
Attaque de Nampala
Le dossier où le gouvernement a le plus bluffé le peuple, c’est sans doute celui de Nampala. L’attaque du camp militaire de Nampala survient le 19 juillet 2016. Il est revendiqué par un groupe armé peulh, mais aussi par le groupe « djihadiste » d’Iyad Ag Ghaly: Ançar Dine. Ayant gagné, ces derniers temps, un doctorat en communiqués funèbres, le gouvernement dresse un bilan: 17 soldats tués et 35 blessés. Le ministre de la Défense, Tièman Hubert Coulibaly, affirme que l’armée a déjà dépêché sur place des renforts chargés de sécuriser les lieux. Aucun officiel ne parle de soldats disparus ou capturés par l’ennemi. Mais voilà: quelques heures plus tard, le maire de Nampala, dans un entretien accordé aux médias, révèle que depuis l’attaque, aucun renfort de l’armée n’a mis les pieds dans la localité. Abondant dans le même sens que le maire, de nombreux habitants déclarent aux journalistes avoir passé la nuit éveillés, la peur au ventre, et n’avoir revu aucun soldat malien. « Les militaires qui se sont repliés ne sont plus retournés à Nampala et aucun renfort n’est venu sécuriser la zone. Au contraire, après l’attaque, les assaillants sont revenus prendre dans le camp militaire ce qui les intéressait, ils ont brûlé tout le reste, puis sont repartis tranquillement, sans être inquiétés! », indique un témoin. Au grand dam des communicateurs gouvernementaux qui voient leur grande affaire sombrer dans les flots.
Mais il y a pire : le gouvernement, comme nous l’indiquons plus haut, a gardé le silence sur la disparition de certains de nos soldats. Et il a tort. En effet, mercredi 3 août 2016, le groupe terroriste « Ançar Dine » diffuse une vidéo où 5 soldats maliens capturés à Nampala déclinent leurs noms et matricules. N’ayant pas prévu ce scénario, le gouvernement passe aux aveux. Ainsi, le lendemain jeudi 4 août 2016, un point de presse est hâtivement animé par le porte-parole du département de la Défense, le Colonel Abdoulaye Sidibé. L’officier reconnaît sans ambages l’authenticité de la vidéo « djihadiste ». Il ajoute, sans convaincre, que l’enquête diligentée sur le terrain, le 24 juillet, suite à l’attaque de Nampala, avait déjà établi un bilan de 17 morts, de 37 blessés et de 6 portés disparus. Il annonce que des dispositions sont prises pour ériger le poste de Nampala en un redoutable camp militaire et que dans ce but, un Groupement Tactique Inter-Armes de 600 hommes y est déployé. « La guerre, c’est des hauts et des bas mais quand la fortune nous fait défaut, nous devons garder notre sérénité: c’est cela aussi la vertu guerrière! ». Sérénité devant les tentatives de bluff ? A vos ordres, Mon Colonel!
Dans le dossier de Nampala, le gouvernement commet une autre bourde. 72 heures après l’attaque de la ville, les services de sécurité annoncent fièrement, au journal télévisé, l’arrestation de Mahmoud Barry alias Abou Yehya. Il s’agit, nous assure-t-on, d’un très gros poisson, émir de la « Katiba Ansar Dine » du Macina. Les réseaux sociaux sont inondés de photos de ce dangereux terroriste et de louanges adressées aux services de sécurité qui viennent de réussir un exploit digne de l’Armée Rouge. Quelques jours plus tard, fin de la récréation: on découvre que le fameux « émir » Barry ne dirige pas la moindre « Katiba » (brigade) terroriste; il n’a non plus jamais été arrêté suite à l’attaque de Nampala puisqu’il était déjà en détention au Mali depuis juin 2015 ! C’est d’ailleurs avec la publication de sa photo à la télévision nationale que ses parents, qui ne recevaient plus de ses nouvelles depuis un an, ont su où il se trouvait. La propagande gouvernementale s’écroule. Au reste, les observateurs se demandaient comment, quelques jours après une attaque d’une telle envergure, un « émir » d’une telle importance avait pu se laisser capturer par les services maliens. Pour la petite histoire, l' »émir » imaginaire avait été arrêté en 2015, non sur un théâtre de combats, mais…dans une chambre d’hôtel à Bamako !
Décidément, la propagande est un art bien difficile. Elle n’a rien à voir avec la simple rédaction d’un recueil de contes et de légendes. Elle demande des ingrédients précieux qu’on ne trouve pas forcément sur le marché malien: de la moutarde bleue, de la poudre aux yeux, de la poudre au nez et, surtout, de la poudre de perlimpinpin. La guerre n’étant pas finie, il va falloir former quelques-uns de nos bataillons dans l’art de la propagande. Pourquoi pas en Corée du Nord ou chez nos amis chinois ? Je préfère ces derniers car ils ont récemment fait leurs preuves: ne nous ont-ils pas promis un don de 5000 milliards dont nul n’a encore vu la couleur ?
Tiékorobani