En prenant des otages militaires à Nampala, le mardi 19 juillet dernier, et pariant sur le fait qu’un État sérieux n’abandonne pas ses enfants, capturés de surcroît en mission commandée ; le chef d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghaly, veut imposer un dialogue qui signerait son retour dans le giron de l’État.
À la différence notoire des groupes armés, membres de la Coordination des mouvements armés (MNLA, HCUA, MAA-dissident), ni l’État ni la Communauté internationale ne sont franchement disposés à dialoguer avec ce sinistre individu. D’ailleurs, sur quelle base faut-il ouvrir le dialogue ? En effet, Iyad Ag Ghali, dans une vidéo publiée le 29 juillet 2014, revendique, sans donner de précision, des tirs de roquettes et des attaques de kamikazes. Il réaffirme son objectif d’établir la charia et de se « débarrasser des croisés, la France en tête ». Étant donné que jusqu’à preuve du contraire le Mali est un État laïque, il n’existe pratiquement pas de base de discussion avec un partisan d’un État islamique. La seule base qui pourrait exister serait qu’il reste un Malien et que l’inclusivité du dialogue national voudrait que personne ne soit laissé sur le bord du chemin.
Il se trouve que ce dernier paramètre ne concerne pas non plus Iyad, puisque c’est lui-même qui s’est exclu du processus de paix et de réconciliation. Pour rappel, dans un document sonore rendu public, en octobre 2015, Iyad Ag Ghali annonce qu’il rejette l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, et menace la CMA, signataire du traité.
Il existe d’autres écueils à surmonter pour que Iyad soit fréquentable. À cet effet, il faut signaler qu’il fait partie de la liste noire du comité des sanctions de l’ONU contre Al-Qaïda.
Les motifs ayant concouru à son inscription sur la liste relative aux sanctions contre Al-Qaida, sont : ‘’Iyad ag Ghali a été inscrit le 25 février 2013, en application des dispositions des paragraphes 2 et 3 de la résolution 2083 (2012), comme associé à Al-Qaida pour avoir concouru à financer, organiser, faciliter, préparer ou exécuter des actes ou activités de l’Organisation d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) (QDe.014) et du Mouvement pour l’unification et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) (QDe.134), en association avec eux, sous leur nom, pour leur compte ou pour les soutenir, pour leur avoir fourni, vendu ou transféré des armements et matériels connexes ou pour avoir soutenu de toute autre manière des actes ou activités auxquels ils se livraient’’.
Iyad Ag Ghaly est également inscrit sur la liste antiterroriste des États-Unis d’Amérique. Dans un communiqué du 26 février 2013, le département d’État américain indiquait : « Iyad Ag Ghali est le chef d’Ansar Dine, une organisation active au Mali et qui coopère étroitement avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ».
Il fait partie de la liste des personnes recherchées pour terrorisme par les États-Unis et par la France.
Son nom figure également sur la liste des 26 personnes contre lesquels, le Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako a lancé des mandats d’arrêt le 9 avril 2013 pour terrorisme.
Cerné de toute part, et même activement recherché par certaines puissances, le chef du groupe jihadiste Ansar Eddine, Iyad Ag Ghaly, veut briser l’isolement dans lequel il s’est lui-même mis. La prise d’otages militaires, de toute évidence, présente le meilleur moyen d’y parvenir. Et pour cause, l’on voit mal un État sérieux ne pas se préoccuper du sort de ses fils capturés alors qu’ils étaient en mission commandée. La négociation devient dès lors, incontournable pour obtenir la libération de ces soldats. Mais en contrepartie de quoi va-t-il les remettre en liberté ? Iyad lui-même n’a pas encore officiellement formulé de revendication dans ce sens, même si l’on devrait s’attendre logiquement à une ardoise plutôt salée.
On se rappelle que lors des pourparlers d’Alger, les mouvements armés de la CMA avaient réclamé son implication dans l’Accord. Ils avaient même exigé que son nom soit retiré de la liste des personnes recherchées.
Mais le fait d’avoir réussi à s’imposer comme interlocuteur du Gouvernement, représentante, en soi, un gain non négligeable pour ce chef djihadiste qui est coupable de nombreuses exactions sur la population civile pendant l’occupation (lapidations, amputations, coups de fouet aux couples « illégitimes », aux fumeurs, destruction de monuments historiques…) ; de tirs de roquettes sur les camps de la Mission onusienne ; de pose de mines antipersonnel…
Par Bertin DAKOUO