Le Mali, à l’instar de la communauté internationale a célébré vendredi dernier (12 août 2015), la Journée internationale de la jeunesse (JIJ). L’événement a été couplé au Mali au lancement de l’édition 2016 des «Vacances citoyennes» avec une caravane de jeunes attendue à Bandiagara (Mopti), Bla (Ségou) et Yanfolila (Sikasso). Une célébration instituée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1999 afin de faire des jeunes des acteurs essentiels du changement et mieux attirer l’attention des décideurs à tous les niveaux sur les défis et les épreuves auxquels ils font face. Une opportunité aussi de revoir la problématique jeunesse sous certains angles.
Eradiquer la pauvreté dans le monde et atteindre la consommation et la production durables pour les jeunes filles et garçons ! Tel était le thème choisi au niveau mondial pour la célébration de l’édition 2016 de la Journée Internationale de la jeunesse (JIJ). Un thème pertinent que les pays devaient adapter aux réalités nationales.
Au Mali, cette thématique s’est traduite par la mise en évidence de la contribution des jeunes à la «Construction citoyenne». La journée a été spécialement marquée par le lancement des «Vacances citoyennes» à Bandiagara (Mopti) par le ministre Amadou Koïta en présence d’une caravane composée des jeunes venus de toutes les régions du pays et du district de Bamako. Assainissement, reboisement…vont animer ces camps de vacances prévus aussi à Bla (Ségou) et Yanfolila (Sikasso).
Les participants vont bénéficier de séances de formation et de sensibilisation sur les questions d’intérêt national comme la lutte contre le terrorisme, l’intégrisme, l’intolérance, mais surtout la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
La problématique jeunesse a été sérieusement débattue récemment à Kigali (Rwanda, 10-18 juillet 2016) lors du 27e sommet de l’Union africaine (UA). Ainsi, lors d’une conférence de presse, le Commissaire de l’U.A chargé des «Ressources humaines, de la Science et de la Technologie», Dr. Martial De-Paul Ikounga, avait exhorté les Etats africains à investir dans la jeunesse pour maîtriser l’émigration et les menaces sécuritaires.
Il s’est dit convaincu que «former les jeunes, c’est assurer l’avenir du continent... Investir dans la jeunesse, c’est lui assurer la santé et le bien-être, le développement de ses compétences et son autonomisation ainsi qu’une bonne gouvernance des pays».
Et c’est pour encourager les Etats membres dans ce sens, a-t-il précisé, l’Union africaine a dédié 2017 à la jeunesse avec le thème, «tirer pleinement des dividendes démographiques en investissant dans la jeunesse».
Le Commissaire de l’UA a également insisté sur les enjeux d’un tel investissement. Il s’agit, a-t-il expliqué, d’éviter que les jeunes africains continuent de mourir dans le Sahara et dans la méditerranée en quête de bien-être et de lendemains meilleurs. «Il faut occuper les jeunes pour qu’ils ne continuent pas à alimenter les réseaux terroristes comme Boko Haram, Aqmi…», a-t-il précisé. Avant d’ajouter, «il faut voir en la jeunesse de la population africaine une opportunité et non un problème».
Une épargne pour l’avenir
Selon des statistiques de l’Union africaine, la tranche 18-35 ans représente aujourd’hui 60 % de la population africaine. Un atout au moment où presque tous les autres continents sont aujourd’hui condamnés à faire face aux conséquences (santé, économie, politique sociale…) du vieillissement de leurs populations.
Mais, de l’avis du Dr. Martial De-Paul Ikounga, cela n’est pas possible tant que les Etats africains ne manifestent pas de la volonté politique concrète comme par exemple ratifier la Charte africaine de la Jeunesse dont le 10e anniversaire a été célébré en mai 2016 à Banjul (Gambie) et dont notre pays est l’un des premiers à le ratifier.
Il a déploré que, en dix ans, seuls 38 pays sur les 54 membres de l’Union aient ratifié cette Charte qui sert de cadre stratégique pour les Etats africains en leur donnant la direction à prendre pour la responsabilisation et le développement de la jeunesse au niveau continental, régional et national.
«Il est inconcevable que les dirigeants disent se préoccuper des jeunes alors qu’ils ne font aucun effort pour ratifier cette Charte», a déploré Dr Ikounga. Pour pousser les Etats membres à réellement investir dans la jeunesse, l’Union africaine va initier un indice pour évaluer les investissements dans la jeunesse au niveau de tous les pays.
A noter qu’à l’ouverture du 27e sommet, hier, la présidente de l’Union panafricaine de la Jeunesse (UPJ) avait rappelé que «investir» en faveur des jeunes est «une assurance pour le présent et une épargne pour l’avenir» du continent.
Et Francine Muyumba avait aussi souhaité la création d’un Fonds africain pour le développement de la jeunesse pour lui permettre d’entreprendre notamment dans les secteurs agricoles et des nouvelles technologies qu’elle considère comme des moteurs pour «la réduction du taux de chômage des jeunes».
S’unir pour ne pas être des agneaux de sacrifice
Cette proposition a été défendue par le Commissaire de l’U.A chargé des «Ressources humaines, de la Science et de la Technologie», Dr Martial De-Paul Ikounga, lors de sa conférence de presse.
L’Union panafricaine de la jeunesse a demandé aux dirigeants africains que cela soit une réalité d’ici 2017. Une année que l’Union africaine dédie aux jeunes du continent comme acteurs incontournables de son intégration et de son émergence.
Elle a demandé à chaque Etat de créer au niveau national un Fonds spécial pour le développement de la jeunesse à l’instar du Kenya, du Soudan, de la Namibie, la République démocratique du Congo…
Visiblement, le Mali est en avance sur ce plan avec la multiplication des programmes et projets en faveur des jeunes. Même si des considérations politiques et partisanes font que ces initiatives sont souvent stériles pour résoudre les préoccupations juvéniles car ne bénéficiant pas totalement de la majorité des jeunes du pays.
Mais, comme l’a bien dit notre ami Louis Cheick Sissoko (dans une tribune publiée le 12 août 2016), la Journée internationale de la jeunesse doit aussi offrir aux jeunes du Mali de faire leur «propre bilan… Le bilan de nos actes, le bilan de nos combats, celui de nos engagements et celui de notre citoyenneté».
«Il est facile de critiquer, de s'indigner sur Facebook et les autres réseaux sociaux, mais pour quels résultats ? Nous passons notre temps à dire que la jeunesse est l'avenir, voire le présent, de notre pays, quand nous analysons notre jeunesse pouvons nous être rassurés ?», s’interroge M. Sissoko.
«Le constat est amer. Manque d'engagement citoyen, politique et patriotique, alcool, drogue... Ceux qui doivent également montrer l'exemple démissionnent», a déploré le jeune leader et philanthrope.
Même si ce tableau doit «être relativisé», car certains jeunes font honneur à la patrie, notre jeunesse doit se remettre en question dans son immense majorité.
Comme le dit Louis Cheick, «au lieu de passer 99 % de notre temps à revendiquer nos droits notre pays gagnerait plus à nous voir remplir correctement nos devoirs de citoyen». Pour être aujourd’hui des acteurs influents de la réconciliation et de la reconstruction du Mali, les jeunes doivent oublier les clivages politiques et les préjugés sociopolitiques et économiques pour se donner la main.
Il est temps de comprendre que les décideurs politiques ne vont jamais investir efficacement dans la jeunesse tant qu’ils réussiront à nous diviser, à nous opposer entre opposition et majorité, citadins et ruraux…
Malgré les spécificités liées à l’environnement dans lequel nous vivons, nous pensons que les jeunes maliens ont presque les mêmes préoccupations, c’est-à-dire plus de justice dans la répartition de nos richesses, des emplois décents et nobles nous assurant un bien-être. Et cela sans avoir à braver le désert et la méditerranée à la quête d’un hypothétique bonheur !
L’appartenance à une même patrie et l’ambition d’être les acteurs de notre propre épanouissement et du développement de notre pays sont des liens à privilégier aux dépens de tous les autres !
Moussa Bolly
Source: Le Matin