Des morts dont le nombre reste à déterminer, plusieurs blessés, des véhicules incendiés, des salles d’audiences judiciaires saccagées, des pneus brûlés, des barricades, des jets de pierres, du gaz lacrymogène, une véritable chasse à l’homme ; tel est le triste bilan des scènes d’émeutes qui ont ébranlé Bamako hier. Des centaines de jeunes venus apporter leur soutien au chroniqueur Youssouf Bathily dit Ras Bath devant le tribunal de la Commune IV ont été gazés par des forces de l’ordre déclenchant la colère des manifestants. Récit d’une folle journée !
Interpellé depuis le lundi 15 août 2016, dans la soirée, Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath devait comparaître hier devant le tribunal de la commune IV du district de Bamako pour « outrage public et injure ». La veille, des messages invitant à la mobilisation pour le soutenir avaient envahi les réseaux sociaux. Ainsi, un extraordinaire élan de solidarité s’est constitué autour du chroniqueur.
Hier, tôt le matin, plusieurs centaines jeunes se sont regroupées devant le tribunal pour « exiger la libération immédiate et sans condition » de Ras Bath. Aussi, les manifestants scandaient des slogans hostiles au régime pour exprimer leur ras-le-bol contre la gestion du chef d’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta. La manif a vite dégénéré, quelques minutes après l’arrivée des forces de l’ordre. Celles-ci, accueillies par des jets de pierres, répliquent à coup de gaz lacrymogène. S’en suivra des tirs de sommation. Les incidents s’accélèrent… Et quasiment tout le quartier d’Hamdallaye et environnants s’embrasent. L’avenue Cheik Zayed de Hamdallaye, le rond-point Cabral de Lafiabougou, la place Can, le rond-point de l’éléphant, ont connu des scènes de violence pendant toute la matinée. Ici et là les manifestants et les policiers s’affrontent à coup de pierres et de grenades lacrymogènes.
Les manifestants ont déversé des ordures ménagères et déchets sur la voie publique dans plusieurs rues à l’ACI 2000, Hamdallaye et Lafiabougou. Ils ont également brulé des pneus sur le bitume, dressé des barricades dont les traces de calcination étaient encore visibles à notre passage.
La répression est alors montée d’un cran. Après les gaz lacrymogènes, les policiers ont eu recours à des tirs en l’air, puis en direction des manifestants. Les voitures des forces de l’ordre défilaient tantôt à vive allure, slalomant entre les barricades. Aucune distinction n’a été faite entre manifestants et simples habitants. Les policiers ont même gazé à l’intérieur des maisons d’habitation, ainsi que sur des passants. Plusieurs personnes ont été interpellées.
Des blessés ont été évacués sur des motos, notamment un jeune, victime d’une fracture au pied. Plusieurs personnes brandissaient des étuis de balles, ainsi que des boites de gaz lacrymogène non explosées. Aucun bilan officiel n’est encore disponible, mais on évoque une dizaine de blessés et au moins deux morts.
Mémé Sanogo