Enarque, publiciste, professeur de droit, administrateur civil, expert en questions constitutionnelles et spécialiste des pratiques électorales, l’ancien ministre de la Justice a le profil de l’emploi et se retrouve en terrain connu.
Le nouveau président du Comité d’experts pour la révision de la Constitution est l’ancien ministre de la Justice, Mamadou Sissoko. L’ex-Garde des Sceaux a été nommé à son nouveau poste, le 19 juillet 2016, par décret du Premier ministre Modibo Kéïta. Il remplace ainsi Me Mamadou Ismail Konaté devenu ministre de la Justice et des Droits de l’Homme lors du remaniement ministériel du 7 juillet dernier. Dans la même foulée, un autre ancien ministre, le magistrat Cheikna Detteba Kamissoko, est nouvellement désigné Expert permanent du même Comité.
L’arrivée de M. Sissoko à la tête de ce Comité d’experts constitue, en fait, une promotion interne puisqu’il en était déjà un des dix experts permanents nommés, en mai dernier, par le Premier ministre. Au vu de son parcours professionnel, Mamadou Sissoko a le profil de l’emploi : Enarque, publiciste, professeur de droit, administrateur civil, expert en questions constitutionnelles et spécialiste des pratiques électorales. En somme, l’ancien ministre de la Justice se retrouve en terrain connu avec ses 70 ans, bientôt révolus le 6 décembre prochain.
CONFIANT ET OPTIMISTE. Presqu’à mi-parcours de son mandat, le Comité d’experts a pu adopter des documents internes régissant son fonctionnement et la méthodologie du travail divisé entre ses membres organisés en groupes de réflexion. Présentement, l’équipe de Mamadou Sissoko mène des séances d’écoute des personnalités de tous horizons politiques et socioprofessionnels. En même temps, les groupes de travail revisitent avec minutie l’existant constitué de la Constitution et de différents rapports antérieurs. « Dans le délai prescrit, nous espérons remettre aux hautes autorités du pays un avant-projet de loi constitutionnelle », nous a confié M. Sissoko très confiant et optimiste.
Natif de Sirakoro (Cercle de Kita), Mamadou Sissoko fit ses études primaires à Kita, Djénné et à Toukoto. Il fréquenta, à partir de 1959, le Collège Terrassons de Fougères, actuel lycée Askia Mohamed, où il décrocha le DEF (Diplôme d’études fondamentales) en 1964 puis le Bac, série Philo-Lettres, en 1967. Quatre années plus tard, il devint titulaire d’une Maitrise en Administration publique obtenue à l’ENA de Bamako. Après un stage de qualification professionnelle à l’IIAP (Institut international d’administration publique) de Paris, le jeune Sissoko intégra en 1972 la fonction publique malienne dans le corps des administrateurs civils. Il fut affecté chef de cabinet du super-ministère de la Défense, de l’Intérieur et de la Sécurité sous le colonel Feu Kissima Doukara (1972-1978). Après les événements de février 1978 qui ont emporté son chef, Mamadou Sissoko occupa le même poste au cabinet du Commandant Feu Sékou Ly, alors Secrétaire d’Etat chargé de l’Intérieur, de 1978 à 1980.
A partir de cette année-là jusqu’en 1984, M. Sissoko reprit les études en France et soutint une thèse de doctorat de 3ème cycle en droit public à l’Université de Montpellier. Rentré au bercail, il servit à la Division administration territoriale de la Direction nationale de l’intérieur (1984-1985). De là, il fut promu, en 1986, président de la Section constitutionnelle de la Cour suprême. Il y passa quelques mois avant d’être nommé directeur général de l’ENA de Bamako, en 1987. Auparavant, il fut chargé de cours de droit, dans différents établissements. Mamadou Sissoko entra au gouvernement, le 8 juin 1989, comme ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Il quitta ce poste lors du brusque remaniement ministériel intervenu le 8 janvier 1991.
« TROP CONCILIANT ». Le Mouvement démocratique commençait à avoir le vent en poupe dans la contestation ouverte et l’agitation populaire croissante en exigeant l’instauration du multipartisme. Des apparatchiks de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), parti unique, virent en Mamadou Sissoko un ministre de la Justice « trop mou et trop conciliant » face aux agissements des activistes des associations politiques, très engagés dans les journaux privés et, surtout, de plus en plus présents dans les rues de Bamako à travers marches et meetings.
Dans la perspective du référendum constitutionnel de fin 2001 et des élections générales de 2002, Mamadou Sissoko fut nommé Coordinateur de la Cellule d’appui au processus électoral (CAPE) créée auprès du ministre Ousmane Sy, alors en charge de l’Administration territoriale. Sous la direction de M. Sissoko, la CAPE organisa plusieurs scrutins : élections présidentielles et législatives de 2002 puis de 2007 ainsi que les communales de 2004.
Au moment où il s’apprêtait à faire valoir ses droits à la retraite, l’administrateur civil chevronné fut appelé à la présidence de la République où il devint conseiller technique chargé des questions institutionnelles et électorales, de 2008 à 2011. Parallèlement, il faisait partie du Comité d’experts chargé de la « réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali » (ou Comité Daba Diawara, février-octobre 2008), devenu Comité d’appui aux reformes institutionnelles (CARI). A la création du ministère de la Réforme de l’Etat (en avril 2011) confié à Daba Diawara, le CARI est transformé en Mission d’appui aux réformes politiques (MARP) dont le Coordinateur est Mamadou Sissoko.
Ayant activement participé aux travaux de différentes équipes d’experts, Mamadou Sissoko a accumulé une solide expérience dans le domaine de révision constitutionnelle.
Pour rappel, le Comité d’experts, créé le 20 avril 2016, pour une durée de six mois, a comme mission principale d’élaborer un avant-projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992, en vigueur depuis maintenant 24 ans. Pour y parvenir, au terme des dispositions de son décret de création, le Comité doit « prendre en compte les clauses de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale qui ont valeur constitutionnelle ». Le Comité se doit également de « valoriser les acquis des précédentes tentatives de révision constitutionnelle ». De même, le Comité est habilité à « corriger les insuffisances » de la Constitution.
Issa DOUMBIA