Le chroniqueur et jeune Rasta, Ras Bath arrêté, s’en est suivi un mouvement de protestation populaire dont aucun homme politique n’aurait certainement bénéficié en pareilles circonstances et par ces temps qui courent. C’est parce que la classe politique se trouve de plus en plus disqualifiée par les populations en quête de nouveaux repères et de nouvelles références.
C’est dans ce cadre qu’a surgi l’icône Ras Bathie, un phénomène social positionné comme porteur de la parole de la grande masse des opprimés et Dieu sait qu’ils constituent la partie la plus importante des citoyens maliens. Ils se sentent abandonnés par un système qui se morfond dans l’autoglorification des actes posés, sans prendre le recul nécessaire pour savoir si cela correspond, en réalité, aux aspirations et besoins urgents des populations. C’est ainsi que, de plus en plus, le régime se laisse enfermé dans un cercle de thuriféraires qui ne vivent et n’existent que par les louanges qu’ils distillent à longueur de journées pour remplir leurs poches.
La nature ayant horreur du vide, c’est tout naturellement que le phénomène Ras Bathie, par ses discours éloignés du politiquement correct, disons même à la limite de la révolte, parvient à se loger dans le cœur des gens. Ses chroniques radiophoniques qui battent tous les records d’audience, sont enregistrées et revendues sur les marchés. A la place des petites causettes du soir dans les grandes familles, on écoute Ras Bathie qui chiale et dénonce à tue-tête. Cela fait un baume au cœur, même si très souvent dans le fond, c’est un one-man show radiophonique au discours populiste, mais pas exempt de contrevérités ou de coq-à-l’âne.
Qu’importe ! Le discours de Ras Bathie plaît et attire de plus en plus d’adeptes. Le terme est bien choisi puisqu’il ne s’agit plus de simples auditeurs, mais des adeptes. En effet, avec le temps, on a l’impression d’entende un gourou qui parle à ses adeptes. Et c’est ainsi que, au fil des jours, on en est arrivé à une situation où tout ce que dit Ras Bathie est vrai. Grossièretés, attaques ad hominem, atteinte à l’honneur et à la dignité, tout y passe. Jusqu’à parler un jour d’un ancien ministre de l’Energie, finalement défenestré du Gouvernement, pour le qualifier de “dernier des hommes”. Une telle affirmation qui passe sur les ondes d’une radio, c’est pourtant bien fait par Ras Bathie à Bamako. Cependant, c’est l’une de ses chroniques les plus populaires, parce qu’il y aborde un thème qui constitue un casse-tête chinois pour les populations : la question énergétique et plus précisément la fourniture d’électricité, en remuant ainsi le couteau dans la plaie déjà béante causée par des délestages intempestifs.
Ras Bathie sait donc choisir ses sujets pour bien capter l’attention des citoyens contents d’entendre quelqu’un “d’assez courageux” pour dénoncer les travers du régime, en lieu et place d’opposants qui peinent à se faire entendre.
C’est donc le produit de son temps, caractérisé par des discours enflammés qui emballent les gens en ces temps de difficultés au cours desquels les populations s’interrogent. Les propos du genre ” tout va bien “ ou ” le pays a réalisé de bonnes performances économiques attestées par le taux de croissance “ et tutti quanti, ne passent plus. C’est un disque rayé et les populations taraudées par les difficultés quotidiennes sont plus enclines à écouter celui qui essaie d’expliquer l’origine de leurs difficultés que celui qui tente de le nier ou de les banaliser.
En effet, qui peut nier la vie chère avec une spéculation sur les prix des denrées alimentaires ! Qui ose ignorer la spéculation immobilière ! Qui peut démentir que le foncier est une bombe sociale à retardement ! Qui ose reconnaître que le pays est encore loin de retrouver la paix et la sécurité !
Comme disent nos parents de l’Afrique centrale “ventre qui a faim n’a point d’oreille”. Comme pour dire qu’il est temps que l’on arrête par de tenter par des discours de persuader les populations que tout va bien comme dans le meilleur des mondes. Non seulement c’est de la peine perdue, mais les auteurs se leurrent eux-mêmes et se transportent ainsi, par leurs mots et leur rêve, dans un Mali que seuls eux vivent dans l’imaginaire. Le réveil risque d’être brutal.
C’est là où il faut comprendre le phénomène Ras Bathie car ce garçon, à lui seul, symbolise le réveil citoyen et la conscience populaire pour valoir cette levée de boucliers constatée depuis son arrestation, quelques jours seulement après des mouvements violents de protestation contre les déguerpissements menés par le Gouverneur de Bamako. Il fallait donc s’attendre à des manifestations violentes comme celles enregistrées, parce que justement, l’interpellation du jeune chroniqueur a constitué un détonateur pour faire exploser un concentré de mécontentements et de frustrations. Ce n’et donc que la goutte d’eau qui a fait déborder la marmite de frustrations trop bouillante.
Loin de nous l’idée de faire l’apologie de la violence ou de la révolte, mais il s’agit de procéder à une analyse froide de la situation afin que des pistes de solutions urgentes puissent être trouvées. Pour le bien de tous !
A.B. NIANG