La Haye, Un jihadiste malien a demandé pardon lundi à son peuple en plaidant coupable, à l’ouverture de son procès historique à la CPI, de la destruction en 2012 de mausolées classés au Patrimoine mondial de l’humanité à Tombouctou, appelant les musulmans à ne pas imiter ces actes "diaboliques".
C’est une avalanche de premières pour ce procès qui devrait durer une semaine : le premier pour destruction de patrimoine culturel, le premier où un accusé plaide coupable, le premier pour un jihadiste présumé et le premier lié au conflit malien.
"Votre Honneur, j’ai le regret de dire que tout ce que j’ai entendu jusqu’à présent est véridique et reflète les événements", a affirmé Ahmad Al Faqi Al Mahdi, environ 40 ans, après la lecture des charges : "je plaide coupable".
Passé des dunes du Sahara à celles de la mer du Nord au pied desquelles se dresse la CPI, le Touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi est accusé d’avoir "dirigé intentionnellement des attaques" contre neuf des mausolées de Tombouctou et contre la porte de la mosquée Sidi Yahia entre le 30 juin et le 11 juillet 2012.
"Je me tiens devant vous dans cette enceinte plein de remords et de regrets", a-t-il ajouté : "je suis fort contrit de mes actes et de tous ces préjudices que cela a causé à mes êtres chers, à mes frères et à ma mère patrie, la République du Mali, et aux membres de l’humanité aux quatre coins
du monde".
Transféré par le Niger à la fin de l’année 2015, l’accusé, habillé d’un costume sombre et d’une chemise rayée, a également promis que "cette faute commise sera la première et la dernière".
- ’Page noire’ -
Fondée au Ve siècle par des tribus touareg, Tombouctou est devenue un grand
centre intellectuel de l’islam et a connu son apogée au XVe siècle.
En tant que chef de la Hisbah, la brigade islamique des moeurs, il aurait
ordonné et participé aux attaques contre les mausolées, détruits à coups de
pioche, de houe et de burin.
"Ces bâtiments étaient les plus connus de Tombouctou et faisaient partie de
son héritage historique, ils faisaient partie de l’histoire du Mali et de
celle du monde", a affirmé la procureure Fatou Bensouda.
"C’est un crime qui porte un coup aux valeurs universelles que nous devons
tous protéger", a-t-elle ajouté : "ce qu’il s’est passé à Tombouctou est une
page noire dans l’histoire de la ville".
- 9 à 11 ans de prison -
L’accusation affirme que cet homme aux petites lunettes était un membre
d’Ansar Dine, qui fait partie des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda qui ont
contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012, avant d’être en
grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en
janvier 2013.
Versé depuis son plus jeune âge dans l’étude du Coran, cet ancien directeur
d’école, est décrit dans la région comme un homme réservé devenu le "shérif de
la ville".
Les personnages vénérés enterrés dans les mausolées valent à Tombouctou son
surnom de "Cité des 333 saints" qui, selon des experts maliens de l’islam,
sont considérés comme les protecteurs de la ville, susceptibles d’être
sollicités pour des mariages, pour implorer la pluie ou lutter contre la
disette...
Ce sont ces rites que les jihadistes ont tenté d’éradiquer, avant d’en
venir à la destruction des mausolées, selon l’accusation.
L’accusation va demander une peine comprise entre 9 et 11 ans de détention,
a affirmé un membre du bureau du procureur. L’accusé s’est engagé à ne pas
faire appel si la condamnation rentre "dans cette échelle", a précisé un de
ses avocats, Jean-Louis Gilissen.
Ahmad Al Faqi Al Mahdi a également assuré avoir été à l’époque, "sous
l’emprise d’une bande de leaders d’Al-Qaïda et d’Ansar Dine, j’avais cédé à
leurs pressions comme à une tempête de sable".
"Il me reste à lancer un message à tous les musulmans du monde entier :
qu’ils résistent à ce genre d’actions dont les conséquences n’ont pas de
limites et pas de bénéfices", a-t-il ajouté.
"C’est mon espoir que les années que je vais passer en prison me
permettrons de me purger des esprits diaboliques qui avaient pris possession
de ma personne", a-t-il ajouté.
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