Le professeur historien Mohamedoun Dicko, historien de son état et non moins président d’honneur de l’ADEMA-PASJ, parlant des élections communales de novembre estime que la sécurité passe avant tout. Dans cette interview qu’il a bien voulu nous accorder sur l’organisation de ces élections de proximité, le militant du parti de l’abeille solitaire invite les cadres à soutenir le président IBK en lui disant la vérité. Nous vous proposons l’intégralité de son analyse :
« Vouloir organiser des élections communales, dans un contexte marqué par la mise en œuvre des autorités intérimaires et la montée de l’insécurité me semble être une sorte de mélange bizarre. Il se trouve que les autorités intérimaires qui devraient remplir un vide semblent prendre du temps. C’est dire que les élections de proximité créent une situation délicate. J’espère bien que le gouvernement a beaucoup réfléchi sur les conséquences de cette décision. Quand on gouverne, on ne doit pas tenir compte de ce qui se dit dans la rue. Mais cela ne signifie pas de ne pas être à l’écoute du peuple. Quand on gouverne, on doit pouvoir prévoir. Dans le contexte actuel, il ne s’agit pas de tenir des élections pour la simple raison des gens ont dit de le faire à cause des multiples reports. C’est pourquoi, il faut gouverner en connaissance de cause. Il faut informer les populations dans une symbiose avec tous pour pouvoir exécuter son programme. En décidant d’aller de cette manière à des élections, des gens pourront trouver d’autres interprétations. Comme par exemple on pourra penser que c’est une manière pour donner une part du pouvoir à un groupe de personnes. Pour moi, c’est gênant et compliqué de procéder ainsi. Il ya beaucoup de questionnement à par rapport à cette stratégie. La situation sécuritaire est très inquiétante et catastrophique. Il n’est pas intelligent de rétorquer en disant qu’il n’y aura rien. Qui s’attendait à la création de ce groupe islamiste de Macina ? Qui aurait cru qu’à la tragédie de Nampala ? C’est dire qu’on gère très mal la question sécuritaire. C’est gravissime. Je ne dis pas que c’est impossible, mais la tenue des élections au mois de novembre suscite des interrogations. Il ya beaucoup de lieux dans les régions du nord où l’administration est absente.
Je ne suis pas sûr que l’administration puisse se redéployer dans ces localités avant les élections. C’est pourquoi, il faut des préalables. Le problème principal du Mali, c’est l’insécurité. Même à Bamako, nous ne sommes pas en sécurité. Dans ce conflit, il est difficile de trouver une solution urgente à ce problème. Donc, il ne faut pas que le gouvernement croit qu’il est obligé d’organiser forcement ces élections au 20 novembre. Il peut le faire n’importe quand. La sécurité de l’Etat passe avant les élections. C’est incontestable. Il faut d’abord la sécurité. Il y a beaucoup de risques d’aller à ces élections sans avoir gérer la question d’insécurité. Je pense que la sécurité de l’Etat passe avant tout. Pour surmonter cette situation de précarité, il faut privilégier le dialogue. Si on ne maîtrise pas la sécurité, il faut s’attendre à des élections catastrophiques. Ce n’est pas une fuite en avant si le gouvernement n’organise pas ces élections maintenant. Je crois qu’il doit se référer sur les réalités du terrain avant de décider quoi que ce soit. En réalité, beaucoup sont dans les bureaux climatisés à Bamako mais ils ne savent pas ce qui se passe sur le terrain. Parmi ces cadres, beaucoup sont ceux-là qui veulent que les élections soient organisées. La plupart de ces gens reçoivent des informations déformées ou inachevées. On n’organise pas des élections parce que les gens vont dire… Je pense qu’il faut aider le président en lui disant la vérité, en invitant son gouvernement à aller en profondeur à la rencontre de son peuple pour comprendre ce qui se passe réellement. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités en fonction des intérêts du pays et de la population. En tout cas, je souhaite que le gouvernement puisse réussir à relever le défi de l’organisation de ces élections. Aujourd’hui, on n’a plus besoin d’en ajouter aux problèmes. Nous avons surtout besoin de la paix et surtout de l’assurance. Les populations doivent comprendre ce qui se passe au niveau du gouvernement. Il est important que les cadres de ce pays se donnent les moyens d’aider le chef de l’Etat et son gouvernement. La question Mali doit dépasser l’opposition et la majorité. Seul le Mali doit compter. Soutenir le président IBK, ne veut pas dire se soumettre à lui. C’est plutôt lui dire la vérité dans l’optique de pouvoir résoudre les problèmes ».
Entretien réalisé par Jean Goïta