Lorsque la quiétude des Bamakois a été déchirée, dans la matinée du vendredi 8 février, par le fracas des armes émanant du côté de Djicoroni Para, ceux d’entre eux qui suivent les péripéties de l’affaire dite des » bérets rouges » ont dû s’imaginer que le sommet de la hiérarchie militaire, en parfait accord avec l’autorité politique, a résolu de trancher le nœud gardien dont elle a fini par épouser toutes les apparences. A défaut d’avoir été dénouée avec la célérité et la vigueur requises.
La semaine dernière, en effet, le chef d’Etat-major des armées, le Général de brigade Ibrahim Dahirou Dembélé, était invité sur l’ORTM à commenter le rassemblement qu’un nombre considérable d’éléments de l’unité d’élite avait organisé le 31 janvier dans leur camp. Il l’avait qualifié de » défi à l’état d’urgence en vigueur et d’atteinte à la hiérarchie militaire parce que non autorisé « . En conséquence, il avait lancé une mise en garde sans ambages : des sanctions seront prises à l’encontre des auteurs de cet acte d’indiscipline.
A première vue, lesdites sanctions ont été conçues sous la forme d’une interpellation des éléments concernés, suivie de l’application du code militaire à leur endroit. Peut-être avait-on envisagé la fermeture définitive du camp pour en finir pour de bon avec les récalcitrants, ce que suggère la tentative foirée, il y a une quinzaine de jours, d’effacer avec de la peinture la mention » 33ème régiment des commandos parachutistes » du fronton du camp.
Ce qui est évident, c’est que ni le président de la République par intérim, ni le Premier ministre n’ont été consultés ou informés de l’opération menée vendredi, les responsables de l’armée ayant sans doute estimé qu’elle avait un caractère strictement militaire et devait être réglé comme tel. S’il en avait été autrement, le président Dioncounda Traoré n’aurait pas fait son allocution télévisée pour déplorer, sur un ton où l’irritation le disputait à la fermeté, ce qui s’est produit et appelé nos concitoyens en uniforme au sursaut salvateur.
Non seulement la concertation entre le militaire et le politique a fait défaut dans une matière aussi sensible, mais l’un et l’autre sont également comptables de la situation créée. Ils ont laissé le dossier pourrir. Au sortir des évènements tragiques de la nuit du 30 avril au 1er mai 2012, une option énergique aurait dû être prise concernant le sort des bérets rouges : dissoudre leur l’unité par une mesure administrative appropriée ou la conserver en y apportant les correctifs qui s’imposaient.
Au lieu de cela, l’on s’est engagé dans une chasse à l’homme interminable, accompagnée d’une procédure judiciaire dont maints experts s’accordent à dire qu’elle a peu de chance d’aboutir. La libération, le 30 janvier, d’une trentaine de personnes de différents corps naguère poursuivies pour divers crimes et délits en est le signe avant-coureur. Elle a été ressentie comme une gifle par les bérets verts et a contrario comme une victoire pour les bérets rouges qui ont voulu la fêter comme telle par le grand rassemblement du 31 janvier, facteur déclencheur des hostilités du vendredi dernier.
Il faut espérer que la rencontre d’aujourd’hui entre le chef du gouvernement Diango Cissoko, les hauts dirigeants de l’armée et les représentants des bérets rouges, nous permettra de sortir de la confusion jusque-là entretenue et d’aller vers des décisions justes, courageuses et porteuses d’apaisement.