Tantôt, « Ce qui est arrivé est anormal, parce qu’il y a simplement eu des défaillances. Je suis incapable de comprendre comment des milliers de personnes peuvent se réunir sans pour autant que l’on soit capable de les en empêcher ou de les contrer », tantôt « Il faut que quelqu’un paye et quelqu’un va payer », et après « Je serai le premier défenseur de vous, hommes de médias et vous demanderai de ne pas être complaisants à mon égard ». Sabali ! Trop de communication nuit.
Une chose est de dire son point de vue, de porter son jugement sur une situation donnée, une autre est de savoir raison gardée, observer que la situation se calme. Mais s’agissant de l’interpellation, puis de la comparution de Youssouf Bathily alias Ras Bath, le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Me Mamadou Ismaël Konaté, à travers son show médiatique, a atteint la vitesse de croisière à telle enseigne que les gens se sont demandé s’il n’allait pas trop vite en besogne.
Des foudres sur la sécurité intérieure
Au lendemain de la libération de Ras Bath, après la sanglante manifestation du 17 août 2016 ayant entrainé un mort et 18 blessés, le Ministre de la justice et des Droits de l’Homme, Garde des sceaux, par sa visite effectuée sur les lieux du sinistre, a constaté l’ampleur des dégâts qui, à ses yeux ne seraient pas seulement imputables aux manifestants, mais à certaines impréparations des forces de l’ordre et de sécurité. « Ce qui est arrivé est anormal, parce qu’il y a simplement eu des défaillances. Je suis incapable de comprendre comment des milliers de personnes peuvent se réunir sans pour autant que l’on soit capable de les en empêcher d’une part, mais également de les contrer d’autre part », a fait comprendre le ministre visiblement affecté par ce qu’il a vu sur place.
Il est l’auteur d’une déclaration à l’allure de foudre à l’encontre de son collègue de la Sécurité Intérieure à qui incombe le devoir de tout faire pour contenir la foule et éviter tout débordement. En effet, à la veille de la comparution du chroniqueur Youssouf Bathily alias Ras Bath, la sécurité intérieure était au parfum de l’enjeu de la manifestation qui devrait avoir lieu le lendemain, donc le 17 août. Mais, ce n’est pas sur la place publique que Me Konaté devrait exposer les défaillances à cause desquelles cette manifestation n’a pas pu être gérée. Entre collègues du gouvernement, ce sujet aurait dû être débattu pour éviter la polémique. Hélas ! Trop tard, le vin est tiré, il faut le boire.
Des boucs émissaires innocents ?
« Il faut que quelqu’un paye et quelqu’un va payer », a lancé le Ministre de la Justice. Oui, c’est normal que tous ceux qui ont saccagé les biens publics répondent de leurs actes devant une juridiction compétente. Le constat est amer : des locaux brûlés avec meubles et matériels informatiques, des véhicules étatiques incendiés, des blessés et une perte en vie humaine, il va de soi que la justice fasse son travail.
Mais, le Ministre oublie que des innocents ont été appréhendés par la police. Ceux-ci sont entrain de payer injustement depuis leur arrestation à maintenant pour des actes qu’ils n’ont pas commis. Le cas d’un boutiquier en est une parfaite illustration. Celui-ci aurait été pris dans la maison où loge sa boutique qu’il a dû fermer par peur de la voir saccagée par les manifestants. Comment comprendre que des innocents soient incarcérés à la place de l’intéressé interpellé, qui d’ailleurs a bénéficié de la liberté provisoire.
Un avocat-menace des médias ?
Dans cette même affaire Ras Bath, le Ministre Mamadou Ismaël Konaté a rencontré les hommes de médias, ce lundi 22 août 2016, dans la salle de conférence de son département pour un point de presse. Aux journalistes maliens, il a déclaré : « Je me suis tout le temps battu pour la liberté de la Presse et je continuerai à le faire; mais je ne tolérerai pas du tout les dérives excessives. Je serai le premier défenseur de vous, hommes de médias ». Une trouvaille qui est tout à fait normale pour que l’information à distiller dans la presse obéisse à la déontologie du métier de journaliste.
« Je vous demande de ne pas être complaisants à mon égard ». Une déclaration assimilable à une menace qui risquerait de nous ramener à l’époque médiévale, celle du prince Machiavel, où nul n’a le droit d’exprimer ce qu’il pense. Est-ce une manière pour le Ministre de tenter de museler la presse ? S’est-il alors érigé en avocat d’un régime aux abois ?
Un Ministre fait-il ombre à la justice ?
Par ses multiples déclarations, le Ministre Me Konaté, très catégorique, tant respecté et reconnu pour sa compétence mêle sa fonction ministériel à celle d’avocat. « En tant que premier responsable de la justice, Ras Bath à été arrêté sous mes instructions. Il était devenu une menace pour la quiétude sociale, il fallait donc y mettre un terme », a-t-il révélé aux journalistes.
Me Mamadou Ismaël Konaté doit se ressaisir et comprendre qu’il n’est plus cet avocat de la défense, mais un Ministre, qui, bien qu’initiateur de l’instruction, doit désormais arrêter de faire de l’ombre au tribunal de la commune IV. Lequel doit être épargné de toute immixtion pour mener à bien le boulot à lui confié.
Dieumerci AKPITISON