La question était au centre de cette affaire. Certains patrons de presse et responsables d’associations ont failli en venir aux mains. Ce qui est sûr, Ras Bath est un activiste. Il n’est pas un salarié à Maliba FM et Renouveau FM. En tout cas, aucune association de presse n’a officiellement fait une déclaration pour le soutenir.
Et devant le tribunal de la commune IV, les journalistes, qui s’y trouvaient, étaient venus plus en couverture médiatique qu’en soutien au Rasta. Même s’il est chroniqueur dans une radio. Le procureur général près la Cour d’appel de Bamako a été clair sur la question.
D’après Mohamed Lamine Coulibaly, cette affaire n’est pas un délit de presse même si l’activiste intervenait sur les radios. «Il est poursuivi pour des délits de droit commun ; il n’est pas poursuivi pour délit de presse. Nous respectons la presse, elle fait très bien son travail de façon générale au Mali.
Nous sommes dans un pays qui consacre et respecte les droits de réunion, la liberté d’association. La liberté d’expression et d’opinion seront respectées et garanties. Nous y veillons. Nous protégerons ces droits-là. Maintenant, nous n’accepterons pas que certaines dérives s’installent dans la société».
Insécurité totale
À Bamako, la sécurité a vraiment disparu ! Tu laisses ton mari un week-end, à ton retour, tu deviens son ex ! Tu mets ta chérie dans un studio avant d'aller te chercher en Europe, à ton retour, elle vit dans une villa et roule dans une bagnole. Tu demandes, on dit : "hmmmm, celle-là, façon son mari est jaloux".
Tu l'appelles, tu dis : "allo bébé" ; elle te répond : "c'est qui". Quand tout à coup, brusquement, une grosse voix demande derrière : "c'est qui". Et d'une voix douce et suave, elle répond : "personne bébé" ! Mon frère, même avec statut d’ex, tu ne gagnes pas ! Tu es désormais comme un frère pour elle depuis l'enfance... Vraiment, ça fait mal.
La procédure d’erreurs
De l’arrestation de Ras Bath jusqu’à sa mise sous contrôle judiciaire, il n’y a eu que des erreurs de la part du procureur. D’abord, le jour de l’arrestation de Ras Bath, pour ne pas dire l’heure, à une heure avant son émission. Ce n’était pas bon parce que les auditeurs allaient chercher à savoir ce qui n’allait pas.
Parce que beaucoup de gens attendaient l’émission. Le fait qu’ils l’ont laissé avec son téléphone portable, il a posté le message de son arrestation, puis un message pour dire qu’il sera devant le juge en commune IV. La plus grosse erreur, c’est la communication du procureur après tout cela. Il a fallu que ça chauffe pour que les Maliens puissent connaître les raisons de son interpellation.
Le procureur général près la Cour d’appel a beaucoup parlé, en insistant sur le fait que la justice ferait son travail. Mais hélas, les Maliens sont encore restés sur leur faim. Même par rapport à la mise sous contrôle judiciaire de Ras Bath, le parquet a pris trop de retard en faisant un communiqué pour expliquer cela.
Il a fallu que les médias disent qu’il a été libéré sur instruction d’IBK pour que le parquet donne sa version des faits. Alors que l’opinion était au courant de la visite des imams de Bamako chez IBK. La procédure a été trop entachée d’erreurs et cela sans compte le fait que le ministre de la Justice a brillé par son absence.
Des sprinters cachés
En cette période de JO 2016 où notre pays est en quête de sa première médaille olympique, on n’ignorait qu’il y avait des jeunes au Mali en mesure de rivaliser Usain Bolt. C’est ce que nous avons constaté lors de la manifestation de soutien à Ras Bath devant le tribunal de la commune.
Yeli Mady Konaté, Master Soumi, Dony Brasco et Etienne Fakaba Sissoko sont de véritables sprinters cachés. Ce sont eux qui ont tenté en vain de faire calmer la foule, avant qu’elle ne se révolte contre eux-mêmes. C’est en ce moment que nos sprinters cachés ont étalé leur savoir-faire.
Et, comme de vrais athlètes, ils ont couru plus de 100 M, plus vite que Bolt ne l’aurait fait en aller et retour, pour ensuite se cacher dans un caniveau. Avant d’en sortir pour trouver refuge dans une famille voisine. Selon Master Soumy, qui raconte la scène, ils ont été secoués après le sprint forcé.
Lui-même est resté alité toute la journée du jeudi 18 août 2016. Les 3 autres, c'est-à-dire Yeli, Etienne et Dony ne se sont pas remis facilement de leurs courbatures. Un d’entre eux a même été admis dans un centre de santé. Heureusement que les forces de l’ordre les ont aidés, sans quoi ils auraient eu toutes les difficultés du monde pour sortir de cette masse.
Sauvé par les gardes
Le président du tribunal de grande instance de la commune IV, Moussa Ali Yattara, doit rendre grâce à Dieu. Il a été sauvé de justesse par les agents de la garde nationale, l’adjudant Seydou Guindo dit Cross By et ses hommes.
Voici le topo : la fenêtre du président du tribunal est proche de la rue ; les jeunes manifestants, après avoir escaladé le mur de clôture, se sont accrochés à cette fenêtre dont ils ont caillassé la vitre, alors que le président du tribunal y était en séance de travail avec un juge.
Malgré les injures que les manifestants proféraient, les deux hommes étaient restés imperturbables. C’est lorsqu’ils ont lancé un bidon d’essence qui a enflammé les rideaux, que le président du tribunal a pris les choses au sérieux.
Le matin, il était sorti de son bureau pour dire aux manifestants que Ras Bath n’était pas au tribunal et qu’il n’arriverait pas chez eux. C’est grâce aux gardes que le président a été exfiltré de son bureau. Les éléments de la garde nationale lui ont fait changer d’habit pour le faire sortir par une porte dérobée. C’est après que les mêmes éléments sont revenus pour éteindre le feu et continuer leur travail.
Le fameux 2ème cabinet
C’est au niveau du 2ème cabinet du tribunal de grande instance de la commune IV, que l’affaire Ras Bath sera traitée par le juge d’instruction M. Kanouté. Ce 2ème cabinet est habitué à faire des enquêtes dans plusieurs dossiers compliqués.
C’est au niveau de ce 2ème cabinet que l’affaire Sidi Sosso Diarra, le Vérificateur général, avait été traitée à l’époque par Dramane Diarra. Ce même cabinet a traité l’affaire Sékouba Keïta, le frère de Seydou Keïta, le footballeur. El Hadj Touré, le président de Kaoural, a été mis sous mandat par le même cabinet, sans oublier le dossier Daouda Yattara dit Satan, pour ne citer que ces affaires.
Si le tribunal de grande instance de la commune IV a été mis en sac par les manifestants, le 17 août 2016, le bureau du 2ème cabinet a échappé bel, il est resté intact. C’est dans ce cabinet que le juge d’instruction Kanouté a écouté Ras Bath, le jeudi 18 août 2016, à la demande du procureur général près la Cour d’appel.
C’est ce même jour que la garde à vue devait expirer. C’est pourquoi le juge a mis le Rasta sous contrôle judiciaire. Il est en semi-liberté, il ne doit pas parler sur les ondes, pas quitter la commune IV, et ne peut faire de publication sur internet, pour un délai indéterminé.
Yaya Djibo, tué !
Yeli Fuzo, Etienne Fakaba Sissoko, Master Soumy et Ousmane Diadié Touré font partie de ceux qui ont beaucoup œuvré pour calmer les esprits quand la situation débordait en commune 4, le 16 août dernier.
Ils sont également ceux qui œuvrent pour que les personnes toujours détenues soient libérées et les motos restituées à leur propriétaire. Ras Bath est libéré, mais toujours poursuivi avec des conditions très restrictives.
Il ne pourra donc pour l'instant ni animer son émission, ni prendre la parole en public. Il se dit républicain et disposé à observer ces mesures puisque faisant confiance à la justice de son pays. Les avocats disent n'avoir jamais été empêchés de voir ni d'assister leur client durant la garde à vue.
À signaler que le jeune homme tué lors des manifestations de soutien à Ras Bath est né vers 1992 à Koulogon Habe, dans le cercle de Bankas (région de Mopti). Son nom est Yaya Djibo. Il a été tué par ceux qui devraient le protéger. Dors en paix, frère de lutte, que ton âme repose en paix ! "Amen".
La tension ne baisse pas
Les jeunes commerçants déguerpis des alentours du marché «Dabanani» ont initié, il y a une semaine, une marche spontanée pour protester contre l’opération de libération des voies publiques et des trottoirs de Bamako.
"La marche serait partie du cœur de «Dabanani» pour prendre fin devant le siège de l’Assemblée nationale. Dans leur élan, les manifestants ont brûlé des pneus au niveau du carrefour de l’Institut national des arts (INA) et devant l’Assemblée nationale.
Selon certains témoins rencontrés sur place, les marcheurs se seraient montrés plus agressifs, une fois arrivés au niveau de l’Assemblée nationale. Ils auraient jeté des cailloux et fait usage de lance-pierre en direction du bâtiment de la représentation nationale." "La réaction des gardes en faction ne s’est pas fait attendre : ils ont tout de suite riposté pour disperser les marcheurs, atteste un témoin.
Des unités de la police, de la gendarmerie et de la garde nationale les ont aussitôt rejoints. À coups de gaz lacrymogène et de matraque, ils ont pu disperser les manifestants qui se sont, dans la foulée, éparpillés dans les allées du marché.
L’avis de Kyassou
«Quand la tension sociale quitte l’intelligentsia, pour atteindre, au bas de l’échelle, le bas peuple, il y a péril en la demeure. Les événements de masse qui se succèdent à Bamako sont les photos encore floues d’un tel scénario dont le régime se passerait à quelques jours du 3è anniversaire du mandat d’IBK.
Les manifestations populaires politiques, sociales et syndicales, qui avaient connu un regain d’intensité aux mois d’avril et de mai derniers, sont montées d’un cran avec l’opération Ami Kane, déclenchée en juillet, et ont atteint quasiment un point de non-retour avec l’arrestation de l’animateur critique, Youssouf Mohamed Ali Bathily dit Ras Bath.
De simples marches pacifiques de dénonciation sur les grandes artères de la capitale, on est passé à un blessé par balle (le samedi 30 juillet), puis à des pertes en vies humaines, le mercredi 17 août. Que reste-t-il maintenant ?
À décompter d’autres victimes ? Toujours est-il que cette situation de mouvements d’humeur dénote du profond malaise qui frappe les populations maliennes et du manque de solution d’un régime aux abois.
Attention : si l’on ne prend garde, on fonce droit vers la catastrophe.»