Dans la capitale malienne, il n’est pas rare de tomber, le matin de bonne heure, à des carrefours, sur des sacrifices rituels: des œufs cassés au beau milieu du carrefour, un nœud de tissu ficelé, des écorces de bois gisant à côté d’un canari. Le phénomène est de plus en plus visible et tend à devenir ‘’naturel’’ pour les riverains, presque habitués à ces scènes mystiques.
Ces pratiques sont d’autant plus surprenantes que le Mali, à 99% de croyant monothéïste, reste profondément ancré dans la religion. Et Lorsqu’on discute avec des gens sur cette pratique, les langues commencent à se délier. M. Sylla travaille pour une boîte de la place, il nous explique que ces genres de pratiques tirent leur source d’un déficit de foi en Dieu.
‘’Lorsque la personne n’est pas capable de se remettre à Dieu par rapport à son sort et d’implorer ce même Dieu pour que les choses aillent comme cette personne le voudrait, il se retrouve sous les ordres et les diktats des marabouts qui, selon lui, eux mêmes n’ont pas une situation meilleure que lui’’, explique M. Sylla. M. Diarra explique pour sa part que les gens qui se livrent à de telles pratiques, en ignorant leur foi religieuse, sombrent tout simplement dans l’animisme : «Il y a des gens qui, quand ils ont des problèmes dans leur quotidien, par rapport à leur travail ou s’ils veulent avoir une promotion, au lieu d’implorer Dieu, ils vont voir un marabout.
Celui-ci leur dit alors, si tu veux avoir tel boulot ou telle promotion, ou avoir le visa, il faut faire tel ou tel sacrifice, explique M. Diarra. Alors, sans se poser de questions, la personne s’exécute. Le plus souvent, on demande à la personne d’aller acheter un nombre déterminé d’œufs par exemple, qu’elle ira casser à un carrefour bien connu, la nuit ou à l’aube», relate M. Diarra. Dans la plupart des cas, poursuit-il, il s’agit de porter atteinte à une personne qui, soi-disant, se trouve en travers de notre chemin, pour parvenir à nos objectifs, ou tout simplement faire du mal à sa coépouse, au fils de ce dernier, ou à une autre personne dont on est jaloux de l’évolution.
Le constat est saisissant, les Maliens sont de plus en plus enclins à d’autres pratiques de croyances mystiques, un comportement catégoriquement condamné par l’Islam qui est la religion de l’écrasante majorité des Maliens, comme nous l’explique l’iman de Sangarébougou: «Sur le plan de la religion, l’Islam condamne fermement ce genre de pratiques, car cela s’apparente à l’associationnisme. Et dans le Coran, il est écrit que cela est pire que le meurtre. Car cela sous-entend que la personne accepte l’idée selon laquelle il y a d’autres divinités qui peuvent, autant que Dieu l’unique, lui profiter dans sa vie, en lui apportant ce dont il a besoin et le protéger contre le mal. Cela est extrêmement grave!...le Prophète Mohamed (PSL) a déclaré que s’il y a un péché que Dieu ne pardonnera jamais, c’est bien l’associationnisme. Si une personne est dans ce cas de figure, la personne cesse tout simplement d’être musulmane, et cela est même interdit par les autres religions monothéistes comme le christianisme ou le judaïsme», précise-t-il.
Quant à la pharmacienne Oumou Traoré, elle estime que «les marabouts ne sont que des escrocs, mais puisqu’il y a des gens qui sont vraiment tarés pour les suivre dans leurs divagations, c’est tant pis pour eux ! Il faut vraiment que ces gens-là comprennent que les marabouts ne peuvent rien leur apporter de bien, au contraire, ce sont des dépenses inutiles et des mensonges à tout va. La preuve, s’ils pouvaient vous apporter du bien, ils seraient dans de bien meilleures conditions, et je précise qu’il y a des gens qui vivent bien leur vie, sans aucun besoin d’aller consulter des marabouts». Mme Traoré exhorte chacun, pour finir avec ces accros au fétichisme, à se libérer de leur emprise et à se tourner vers Dieu.
Paul N’GUESSAN