Les 19 personnes, interpellées lors de la manifestation de soutien à Youssouf Bathily dit Ras Bath, le 17 août dernier, ont toutes comparu hier devant le Tribunal de première instance de la commune IV du district de Bamako. C’est le juge Souleymane Maïga qui présidait l’audience. Le banc du ministère public était occupé par le procureur Mamadou Makan Sidibé.
Le parquet poursuivait 18 prévenus pour une série d’infractions, allant de l’obstruction de la voie publique par attroupement illicite, au trouble grave à l’ordre public en passant par les violences et voies de fait à l’endroit des dépositaires de l’autorité publique, notamment les magistrats. Par contre, il était reproché au sexagénaire Abdoulaye Fofana, employé à l’Assemblée nationale, le refus d’obtempérer aux injonctions des forces de l’ordre.
Les 18 prévenus, qui sont tous des jeunes garçons, ont plaidé non coupables. Une consigne certainement de leurs avocats dans le cadre de la stratégie de la défense. Dans la suite logique des dénégations des prévenus, les avocats de la défense ont demandé leur relaxe pure et simple, arguant de l’absence de preuve matérielle de l’infraction. Un avocat de la défense s’est appuyé sur le cas du jeune Mohamed Touré qui a été arrêté par la police dans une maison, près du lycée Prosper Kamara. Celui-ci a nié avoir participé à la manifestation de soutien à Ras Bath. «J’étais allé acheter du bazin au Grand marché et, au retour, j’ai rencontré des policiers qui pourchassaient des manifestants à coups de gaz lacrymogènes. J’ai paniqué et suis allé me réfugier dans une maison. C’est là qu’ils sont venus m’arrêter», a-t-il expliqué à la barre.
Pour battre en brèche les arguments du procureur, les avocats de la défense usaient à profusion de formules parfois humoristiques et sarcastiques quand ils ne tournaient pas les propos de leur adversaire en dérision. « Le procureur est convaincu qu’il y a une maladie Ras Bathmania » ; « Il n’a pas d’infraction à vue d’œil, comme le dit le procureur » ; « L’événement est venu trouver mon client chez lui. Il ne peut donc être coupable des infractions citées par le parquet » ; « Évitons les condamnations à l’aveugle » ; « Évitons de faire plaisir au roi du jour » ; « Le procureur tente une mission impossible, celle de condamner quelqu’un parce que le Garde des Sceaux a dit publiquement que quelqu’un paye et quelqu’un va payer », sont quelques florilèges des interventions des avocats des prévenus.
Sans se laisser démonter par les attaques des avocats, le procureur, dans ses réquisitions, a demandé des peines de prison ferme, allant de 2 à 6 mois à l’encontre de certains prévenus. Il a aussi demandé des condamnations avec sursis pour d’autres. Par contre, il a souhaité la relaxe du sexagénaire Abdoulaye Fofana.
Le procès s’est déroulé dans le calme. Des centaines de policiers et gardes nationaux ont été mobilisés pour éviter tout débordement. Les accès du tribunal étaient tous bouclés. Seuls les véhicules autorisés pouvaient passer. Pour accéder dans la cour du tribunal, il fallait montrer patte blanche. Journalistes, parents des prévenus et simples spectateurs, tout le monde était systématiquement fouillé avant d’accéder à la salle d’audience.
A l’issue du procès, le tribunal a condamné un prévenu à 6 mois de prison avec sursis et 20.000 Fcfa d’amende. Dix-huit autres ont été relaxés purement et simplement.
Pour rappel, les évènements du 17 août ont fait un mort parmi les manifestants, 18 blessés et des dégâts matériels importants au Tribunal de la première instance de la CIV.
M. KEITA