Le Mali est, en ce moment, à la croisée des chemins. Faut-il, oui ou non laisser des cadres expérimentés partir à la retraite ou prolonger leur âge pour non seulement permettre un renouvellement générationnel dans la douceur ou prendre le risque de dégarnir la fonction publique avec le risque de contreperformance ? En 2002, le régime finissant d’Alpha Oumar Konaré s’était buté à cette question fondamentale ? Le gouvernement, alors dirigé par feu Mandé Sidibé, s’est tiré les cheveux, pour, au finish, proposer une révision du statut général des fonctionnaires et autres agents de l’Etat. Le nouveau statut proposait une prolongation de l’âge de départ à la retraite. Il s’agit en son temps de résoudre plusieurs problèmes en même temps. D’abord, la problématique du maintien des performances de la fonction publique par le maintien pour deux ans des agents de toutes les catégories et éviter la faillite de la Caisse des retraites. Car, des études avaient révélé des disparités entre l’offre de pensions pour les bénéficiaires et la demande de pension. Si rien n’était fait, la Caisse des retraites appelée de nos jours Caisse de Sécurité Sociale, ne pouvait pas supporter le paiement des pensions au regard à la faiblesse du niveau de cotisation qui ne pouvait pas couvrir les charges.
Le gouvernement d’Alpha Oumar Konaré était arrivé à cette situation, parce que dix ans plus tôt, autrement dit à son installation en 1992, il avait hérité d’une administration vieille qu’il fallait renouveler. Mais, du fait des crises sociales, politiques et économiques, AOK et les siens ont eu du mal à mettre en œuvre leur projet de société. Le retard ainsi accusé a affecté le programme de renouvellement générationnel des agents publics. En conséquence de cause, il a signé un arrangement qu’on appelait en son temps, le pacte de solidarité et de croissance, avec les syndicats en 2000, dont la mise en œuvre prévoyait la prolongation de l’âge de départ à la retraite des agents publics. La réforme a même été bénie par les partenaires techniques et financiers, notamment le Fonds Monétaire International (FMI).
Seize (16) ans plus tard, le gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keïta est confronté aux mêmes difficultés. Mais, à cause des intérêts parfois trop égoïstes au Mali, certains ont du mal à pousser la réflexion au delà du bout de leur nez. C’est pour rappeler aux tireurs embusqués les circonstances dans lesquelles certaines décisions de souveraineté de l’Etat ou considérées comme telles sont prises.
Sous tous les cieux, il n’est pas intelligent d’aller à contre sens des ambitions tant individuelles que collectives dans une société en général et dans une administration en particulier. C’est d’ailleurs une question de bon sens. Les raisons sont toutes simples. L’ambition est la clé de l’innovation et de la réussite dans une société. Elle est pour une société, ce qu’est le carburant pour une voiture. C’est donc normal que des cadres hyper valeureux et motivés, qui ont attendu des années ou caressé le rêve d’occuper un jour le fauteuil de Directeur Général des Douanes du Mali s’impatientent. Leur demander de revoir leur calendrier est lourd de sacrifices à consentir. Mais, c’est peu quand il s’agit de l’intérêt collectif, surtout celui de tout un peuple en cette situation de crise. Car, avoir de l’ambition est une chose, mais être suffisamment étoffé pour porter le chapeau de la responsabilité en est une autre.
Des gros épaulés, qui ont certes occupé non sans peine, plusieurs postes juteux et qui continuent d’en occuper du fait de leur positionnement politique, savent de quoi il s’agit. Comme pour dire que beaucoup sont en train de s’agiter au sujet de cette prolongation quand bien même qu’ils savent les raisons profondes qui ont poussé les autorités à prendre cette décision de souveraineté. Même si on leur offrait le poste de Directeur Général des Douanes, ils n’en voudront pas tellement les responsabilités sont lourdes et demandent une certaine expérience qu’ils n’ont pas.
Pour rappel, en 2002, le gouvernement d’Alpha Oumar Konaré a souverainement décidé de prolonger l’âge de départ à la retraite des agents de la Fonction publique à travers la Loi N°02-053 du 16 décembre 2002 portant Statut général des Fonctionnaires de l’Etat et des agents contractuels. Elle abroge une loi antérieure qui avait été adoptée en 1977. La mesure s’est même étendue sur les contractuels de l’administration. Qui n’a pas aimé cette réforme en son temps, malgré l’opposition des organisations de la jeunesse ? Aujourd’hui, c’est parce que la mesure met en jeu un poste qu’on considère juteux, qu’on s’agite autant.
Rappelons que le processus de préparation de la Loi N°02-053 a commencé sous le régime d’Alpha Oumar Konaré au crépuscule de son règne, pour finir par être votée par la nouvelle Assemblée nationale d’alors sous la présidence d’un certain Ibrahim Boubacar Keïta, aujourd’hui président de la République. C’était le 16 décembre 2002. Comme pour dire qu’on n’apprend pas à un vieux singe comme décortiquer de l’arachide. IBK sait non seulement apprécier la portée de la réforme proposée par son gouvernement, mais surtout il a la réponse au pourquoi de la question.
Il ne s’agit pas de nier la valeur et la capacité managériale des cadres de l’Administration douanière, mais de remédier à un souci qui hante toutes les Administrations d’Etat au Mali. C’est le dégarnissement de certaines structures de recettes, notamment les douanes maliennes qui est posée en ce moment. Or, nul n’ignore que l’Etat a besoin d’argent en ce moment. Surtout à un moment où le pays est en crise, où les donateurs ne se bousculent pas aux portillons de notre pays, comme c’était le cas il n’y a pas encore longtemps du fait de la crise politico-sécuritaire. La coïncidence est certes à l’avantage de certains inspecteurs, y compris le directeur général Modibo Kane Kéïta, mais l’objectif du gouvernement ne saurait se limiter à la seule volonté de maintenir un homme à un poste.
Sur la question d’ailleurs, le gouvernement serait dans la logique de déposer sur la table de l’Assemblée Nationale un projet de loi portant modification de l’âge de départ à la retraire pour les fonctionnaires. Il reviendrait donc aux députés de l’adopter ou de la rejeter. Selon nos sources, cela devrait intervenir au plus tard d’ici le mois de décembre ou lors de la prochaine session de l’Assemblée nationale.
De quoi s’agit-il ?
Selon nos sources, c’est à la suite d’un audit sur les perspectives des administrations maliennes (Fonction publique de l’Etat et des Collectivités), qu’il est apparu des disfonctionnements tant au niveau des carrières des agents publics que de la disponibilité des cadres, notamment expérimentés pour accomplir correctement des missions de services publics au profit des usagers. Cela, dans la perspective de la mise en œuvre des promesses présidentielles du ‘’Mali d’abord’’, ‘’Pour l’honneur et le bonheur des Maliens’’. Est-il besoin de rappeler que la mise en œuvre de cet ambitieux programme nécessite à la fois la mobilisation de toutes les énergies. Il faut donc pour cela, des ressources humaines de qualité pour mobiliser les ressources financières pour réaliser le bonheur des Maliens.
L’audit a donc révélé que si rien n’est fait, les douanes maliennes se videront de tous ses cadres expérimentés durant les trois prochaines années. Selon nos sources, l’information aurait été donnée de façon officielle par le ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé. C’était à la faveur d’une réunion de cabinet. L’objectif du ministre était de partager la réflexion avec les cadres placés sous son autorité. Mais, au Mali, il est plus facile d’aller se soulager au milieu d’un marché rempli de marchands que de garder un secret, fut-il de l’Etat. Mais, sachant qu’il y’aurait forcement des fuites dans la presse, il se serait empressé d’instruire au directeur des ressources humaines de travailler avec son collègue des douanes pour lui proposer la conduite à tenir. Les deux administrations ont constitué une commission restreinte de travail pour guider la réflexion de leurs chefs.
Celle-ci portait sur deux préoccupations majeures du gouvernement écrites en gras dans l’audit. Le premier point concernait l’harmonisation des âges de départ à la retraite des fonctionnaires des catégories C et B de la Fonction publique avec ceux de leurs collègues du privé et les possibilités de prolongation de l’âge de départ des Inspecteurs des douanes. Il s’agit au travers de cette décision de permettre à des agents expérimentés, qu’ils sont de partager leur expérience avec leurs cadets pour permettre à l’administration douanière de maintenir ses performances actuelles. Car, un changement profond à la tête des DGD en cette période transitoire risquerait de provoquer des baisses de régime sinon altérer complètement tous les efforts de redressement entamés les deux dernières années.
La réflexion devrait également porter sur les incidences financières que ces réformes pourront engendrer. C’est donc à l’issue de ces réflexions, qu’il est apparu nécessaire de procéder à la prolongation de deux ans de l’âge de départ à la retraite des inspecteurs. Il s’agit, en plus du Directeur Général des Douanes Modibo Kane Keita, de 26 autres inspecteurs dont des directeurs régionaux de la douane.
En plus de la Direction Générale des Douanes (DGD), l’audit a révélé les mêmes problèmes au niveau d’autres structures de recettes, notamment les Impôts. Mais au regard de l’urgence au niveau de la DGD, il a été convenu que la réflexion soit concentrée sur les gabelous qui ont, en ce moment, le vent en poupe en matière de mobilisation de recettes.
M A. Diakité
Source: Tjikan