Alors qu'elle était Secrétaire d’État, Hillary Clinton a illégalement utilisé un serveur privé de messagerie pour ses communications officielles. Ainsi, à la suite d’une demande d’information, le Département d'Etat américain a mis à la disposition du public, ses courriels sous la forme de milliers de fichiers PDF. Les 50547 pages de documents ainsi divulguées couvrent une période allant du 30 juin 2010 au 12 août 2014. Ces documents révèlent plusieurs détails sur l’intervention menée par la France et ses alliés en Libye.
Depuis le début de la rébellion libyenne, Sarkozy a montré un fort désir d’intervenir militairement. Dans les milieux diplomatiques, cette intervention est même appelée « La Guerre de Sarkozy ».
Pour le président français, l’intervention en Libye était une opportunité pour la France de s’affirmer comme une puissance militaire dans le monde et de protéger ses intérêts économiques en Afrique. Selon des sources crédibles, les vraies raisons qui ont poussé Sarkozy à intervenir en Libye étaient :
• un désir d’obtenir pour la France une plus grande part de la production pétrolière libyenne,
• renforcer l'influence française en Afrique du Nord,
• améliorer sa situation politique en France avant les élections,
• Fournir aux militaires français une opportunité d’afficher leur puissance militaire,
• apaiser ses conseillers qui pensaient que Kadhafi envisageait de supplanter la France comme puissance dominante en Afrique francophone.
Sarkozy voulait faire plaisir à son armée. La hiérarchie militaire française était extrêmement déçue quand la France n’a pu participer à l’invasion de l'Irak en 2003, à cause de désaccord politique avec les Etats-Unis. Sarkozy et ses conseillers militaires pensaient que les opérations en Libye allaient améliorer la réputation de l'armée française.
Une réputation qui restait ternie par un manque de performance durant la première guerre du Golfe. L’enjeu économique de l’intervention était considérable pour la France. L’émissaire officieux entre Sarkozy et les rebelles libyens, était l’écrivain et philosophe Bernard Henri-Lévy. Selon les informations secrètes disponibles auprès des leaders du Conseil National de Transition (CNT), le gouvernement de Kadhafi détenait 143 tonnes d’or et un montant similaire en argent. Vers la fin de mars 2011, ces stocks furent pris dans les coffres forts de la banque centrale libyenne à Tripoli et envoyés à Sabah, une ville située à 660 km au sud-ouest de Tripoli.
Cet or a été accumulé avant la rébellion et était destiné à être utilisé pour établir une monnaie panafricaine basée sur le Dinar. Le but de ce projet fort ambitieux était de fournir aux pays africains de la francophonie une alternative au franc CFA. Selon des sources bien informées, cette quantité d’or et d'argent était évaluée à plus de 7 milliards de dollars, soit 4060 milliards de franc CFA. Des agents du renseignement français ont découvert le plan de Kadhafi au début de la rébellion libyenne et ce fut l'un des facteurs qui influença la décision de Sarkozy d’intervenir en Libye. Il ne pouvait permettre un tel projet d’éroder l’influence française dans les pays francophones d’Afrique.
L’obtention de contrats commerciaux pour les géants de l’industrie française a aussi joué dans la décision de Sarkozy d’aller en guerre. Selon des individus ayant accès aux leaders de la rébellion libyenne, vers mi-avril 2011, l’Armée de l'Air française, en collaboration avec le ministère français des affaires étrangères, avait commencé à amener en Libye des représentants des grandes entreprises françaises, ainsi que des agents de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE). Ces hommes d’affaires et agents secrets cherchaient tous à établir des relations de travail avec ceux qu’ils considéraient comme les futurs chefs du nouveau gouvernement libyen.
Le premier vol transporta les dirigeants de la compagnie pétrolière française Total, de la grande entreprise de construction Vinci et d’Airbus Space & Defense. Les vols ultérieurs transportèrent des représentants du conglomérat Thalys et d'autres grandes entreprises françaises. Tous ces représentants avaient des liens étroits avec le gouvernement du président Nicolas Sarkozy.
Après leurs rencontres avec les rebelles, ces dirigeants d'entreprises françaises quittèrent la Libye discrètement par la route, en passant par Tobrouk pour se rendre en Egypte. Ces convois étaient organisés et protégés par des agents de la DGSE. Ces visites étaient l’idée de Bernard Henry Levy qui, avec de la patience, a réussi à obtenir la signature d’un protocole d’accord favorisant les entreprises françaises dans tous les futurs contrats commerciaux.
L’intervention militaire en Libye a accentuée l’insécurité au Mali. Une vaste zone du nord du pays échappe complètement au contrôle de l’Etat ; y règnent des trafiquants d’armes, et des terroristes venant des quatre coins du monde. La Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), et le service de renseignement extérieur britannique (MI-6), affirment que le groupe terroriste AQMI s’est procuré environ dix systèmes de défense aérienne portables (SAM 7).
Les armes illégales ont été achetées au Niger et au nord du Mali. Elles étaient initialement destinées aux rebelles en Libye. Mais les membres d’AQMI ont été plus agiles et les achetèrent secrètement avec les marchands d’armes. L'acquisition de ces armes sophistiquées par un groupe terroriste comme AQMI créa une menace sérieuse pour le trafic aérien, non seulement au nord du Mali, mais aussi dans le sud du Maroc, de l’Algérie, l’Ouest du Niger et l’Est de la Mauritanie. Selon des sources qui ont accès aux conseillers de Seif al Islam, le fils de Kadhafi, AQMI avait établi une zone opérationnelle dans la ville de Taoudéni et de Gao au Mali avec environ 100 combattants dans chaque ville.
La France avait clairement des intérêts économiques en jeu en Libye. Ces intérêts étaient assez importants qu’elle n’hésita pas à déstabiliser toute une région pour arriver à ses fins. Le même scenario semble se produire au Mali avec l’intervention française. La stratégie sert les intérêts français, mais pas nécessairement ceux du Mali. Malheureusement pour le Mali, le président actuel, Ibrahima Boubacar Keïta et la classe politique sont incapables de jouer leur rôle de protecteur des intérêts du pays.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis