04 Septembre 2013-04 septembre 2016, le Président de la République, IBK, aura bientôt trois ans au pouvoir, soit 1095 jours sur 1825. A quelques encablures de son troisième anniversaire à la tête de l’Etat, nombreux sont les acteurs et les observateurs de la scène politique malienne qui restent toujours sur leur faim, tant les nombreuses promesses de campagne n’ont pas été tenues et le Mali est toujours à la case départ.
A deux ans de la fin de son quinquennat, la plupart des maliens s’interrogent et à juste raison sur la capacité d’IBK à résoudre les multiples problèmes et crises auxquels le Mali est confronté. Ni les remaniements ministériels trimestriels, ni la signature de l’Accord de Paix et de réconciliation suivie de la création des structures pour la gestion de la crise au nord du pays, n’ont contribué à la réalisation du vœu ardent du peuple malien, aller à la paix afin de passer à une autre étape, celle qui permettra de jeter les bases d’un développement durable. Voici quelques réflexions sur le mandat à mi-parcours d’IBK.
Elu par une écrasante majorité des votants en 2013 pour trouver des solutions aux multiples problèmes qui assaillent le Mali, le Président de la République Ibrahim Boubacar Keita, trois ans après son investiture, peine toujours à trouver un début de solution. La résolution de la crise au septentrion malien qui semble être le principal motif de son élection à une large majorité, va aujourd’hui de mal en pis et cela, malgré la signature en grandes pompes à Bamako de l’Accord de Paix et de Réconciliation.
Les armes sont loin de se taire au nord et Kidal, l’objet de toutes les convoitises, n’est toujours pas dans le giron de la République. Au sud, l’économie semble être à l’arrêt occasionnant ainsi une crise sociale grave. Sur le plan du développement, les grands travaux auxquels les deux régimes précédents d’AOK et d’ATT ont habitué le peuple, sont devenus de lointains souvenirs. Aucun grand chantier à haute intensité de main-d’œuvre n’est venu résorber un tant soit peu le grand chômage de la jeunesse et IBK ne serait pour l’instant qu’à seulement 8 Km de route goudronnée. Pas un seul kilomètre de rail, comme on en voit dans des pays voisins tels que, le Niger, la Côte d’Ivoire, la Guinée ou le Bénin. Voici les talons d’Achille d’un mandat à mi-parcours :
1er talon d’Achille : Le Manque de vision et de prospective
IBK a été élu sur la base de ces slogans qui ont tapé dans l’œil des électeurs : « le Mali d’abord, pour l’Honneur et le Bonheur des maliens ». Alors, n’a-t-on pas coutume d’entendre qu’on ne construit pas un pays sur la base des slogans de campagne, mais de programme de développement pour atteindre le projet de société souhaité ? Son discours à l’ouverture de la campagne en 2013 au stade du 26 Mars avait plus l’allure d’un discours- procès contre les deux précédents régimes, celui d’AOK et d’ATT, qu’une vision pour sortir le Mali de la crise. Le programme de gouvernement qu’il a présenté au peuple était plus un recueil d’humanités saupoudré par un brin de nationalisme à fleur de peau qu’un document de politique définissant les grands axes d’une bonne gouvernance.
2ème talon d’Achille: L’immixtion de la famille dans la gestion du pouvoir d’Etat
De mémoire d’observateurs, c’est la première fois au Mali de l’indépendance à nos jours, qu’une famille de président de la République soit autant et directement impliquée dans la gestion des affaires publiques. Ni sous Moussa Traoré qui apprit aux maliens que la famille du président pouvait avoir son mot à dire dans la gestion du pays en dehors des institutions établies.
Ni sous ATT où ses filles furent autant puissantes que des ministres du gouvernement. Le sens de la République est aujourd’hui si galvaudé que la plupart des grandes nominations se font sur la base du copinage et de la complaisance. Les marchés ne sont souvent attribués qu’aux amis sans références dans les matières de leur sollicitation. Tout y passe comme dans une République bananière où il n’y a de loi que celle du « bras long ». Les conséquences d’une telle faiblesse ont été, entre autres, le népotisme, le clientélisme et une grande culture de l’impunité et de la médiocrité.
3ème talon d’Achille : Les dépenses de prestige de l’Etat au détriment des vraies priorités
C’est sous IBK que l’Etat est devenu plus dépensier et dilapidateur. Jamais sous Modibo Keita, ni sous Moussa Traoré encore moins sous AOK ou ATT, la République des pauvres n’a aussi vécu au-dessus de ses moyens, que sous IBK. Toutes les ressources semblent être consacrées à l’entretien et au confort des Institutions et à la création de structures budgétivores de plus avec des primes faramineuses à décourager un contribuable.
L’Etat au Mali est devenu la vache laitière intarissable. Celui qui devait en être le bon exemple est malheureusement devenu son premier bourreau. Le Président de la République a été le premier à se tromper sur les priorités d’un pays en crise avec l’achat d’un avion présidentiel, des costumes à prix d’or et autres voitures de luxe. A ceux-ci, il faut ajouter ses nombreux voyages touristiques sans impact positif. Que dire de la rénovation de sa résidence privée à des coups de milliards de nos francs, doublée du paiement vraisemblable des frais de loyer par le budget national. Au même moment les professeurs d’enseignement secondaire et supérieur observent une grève illimitée pour non-paiement d’arriérés d’heures supplémentaires et de droits.
4ème talon d’Achille : Le manque de concertation et la gestion solitaire du pays
Contrairement à ses prédécesseurs, le Président IBK est resté jusque-là sourd aux propositions de concertations pour une amélioration de la gouvernance et la construction d’une vision plus consensuelle sur la gestion des grandes questions de la Nation. Il a toujours vu en mal les critiques mêmes positives faites par l’Opposition, la Presse, la société Civile et même souvent les leaders religieux.
Le Président de la République a toujours nourri un sentiment de haine et de mépris à toute voix discordante à la sienne la traitant souvent de « hassidi ». Au lieu de se remettre en cause après toutes les tentatives infructueuses, IBK continue son aventure solitaire.
En somme, il est fort à parier qu’il mènera le bateau Mali à mauvais port s’il ne change pas de cap et de direction. Tout le mal qu’on peut souhaiter au Président de la République est de se ressaisir pour enfin de compte écouter le cri d’alarme et de cœur de son peuple et renouer avec les grands travaux qui fondent l’immortalité d’un chef.
Youssouf Sissoko