Le Tribunal de Grande Instance de la Commune IV du District de Bamako a jugé, le 25 août dernier, les 19 personnes interpellées suite aux manifestations liées à l’arrestation de Youssouf Mohamed Bathily dit Ras Bath par le Service d’Investigation Judiciaire du Camp I de la Gendarmerie nationale.
Dix huit prévenus ont été relaxés, le dix-neuvième condamné à six mois de prison avec sursis et 20 000 FCFA d’amende. Une décision accueillie avec soulagement par les proches des prévenus. Un verdict qui tranche avec une prise de position énergique du Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Me Mamadou Ismaël Konaté. Venu constater le saccage des locaux de cette même juridiction, Monsieur le Ministre avait prononcé cette phrase devenue célèbre : « Il faut que quelqu’un paye. Et quelqu’un va payer ». Avant lui, le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Mamadou Lamine Coulibaly, avait laissé entendre que la loi sera appliquée dans toute sa rigueur.
Ce verdict peut se traduire sous cet angle comme une certaine indépendance des magistrats du siège qui ne se sont pas laissé emballer par les déclarations tonitruantes du Procureur général et de son chef hiérarchique. Mais en réalité, le Tribunal de Grande instance de la Commune IV ne pouvait pas faire autrement surtout en l’absence de preuves.
Ce verdict reflète l’état d’aveuglement des éléments des forces de l’ordre et leur manque de discernement. Il est aussi le signe de la légèreté avec laquelle les services compétents du tribunal traitent les procès-verbaux d’enquêtes préliminaires. Sinon comment comprendre le cas de Dr Abdoulaye Fofana, un cadre intègre et respectable à tout point de vue. Homme de grande conviction, il n’aurait pas dû se retrouver dans les liens de la prévention. Les jeunes policiers, qui n’ont eu aucun égard pour ce professeur d’université en tentant de l’humilier, doivent en principe être sanctionnés par leur hiérarchie afin qu’ils adoptent dorénavant un comportement digne de leur uniforme même dans des circonstances comme celles du 17 août 2016.
Lors des manifestations, les forces de l’ordre n’ont pas cherché à faire la part des choses. Comme des chiens enragés, elles ont arrêté et brutalisé tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin. De pauvres innocents qui n’avaient rien à voir avec les soutiens de Ras Bath n’auraient jamais dû séjourner à la maison centrale d’arrêt de Bamako si les magistrats s’étaient donné la peine d’étudier les procès-verbaux établis par la police ou la gendarmerie lors de l’enquête préliminaire. Ils sont nombreux à passer des mois en prison pour une faute commise par ceux qui sont chargés de distribuer la justice.
Dans la résolution de la crise qui secoue notre pays, la justice, à travers une distribution saine et équitable, joue un rôle non négligeable. Pour cela, il faut que les acteurs de l’appareil se ressaisissent en mettant en avant les valeurs d’intégrité et de probité. Les citoyens dans leur majorité n’ont pas une bonne image de la justice. Ils ont le sentiment qu’il faut être riche ou soutenu par quelqu’un d’en haut pour gagner un procès. Ils sont presqu’unanimes que la justice est un nid d’impunité et de corruption.
Or, sans une justice crédible et indépendante, il n’y a pas de démocratie donc pas de développement. L’injustice a atteint une proportion à la fois intolérable et inquiétante. Au-delà de nos valeurs culturelles, aucune religion ne favorise l’injustice. Plusieurs maux dont souffre le Mali trouvent leur solution dans notre capacité commune à combattre l’injustice qui crève l’œil.
Chiaka Doumbia