TF1 News : Après la reprise de Tombouctou, vous nous aviez expliqué que les islamistes allaient probablement entrer dans une "logique afghane" de guérilla. En Afghanistan, cette guérilla avait été assez longue à s'installer. Au Mali, au regard des évènements de Gao ce week-end, elle n'a pas trop tardé.
Mathieu Guidère : En Afghanistan, les talibans et les membres d'Al-Qaïda avaient résisté avant d'évacuer les villes et avaient perdu beaucoup d'hommes dans les combats. Il leur avait fallu un certain temps avant de se réorganiser. Là, l'armée française a pris les principales localités sans tirer une seule balle, en se contentant de bombardements aériens, puisque les islamistes s'étaient repliés pour justement éviter trop de pertes. La configuration n'est donc pas tout à fait la même. C'est l'une des raisons qui explique la rapidité d'action des jihadistes à Gao. L'autre tient à la spécificité et à la complexité même de la ville.
TF1 News : C'est-à-dire ?
M.G. : Gao concentre tous les éléments de la crise au Nord-Mali C'est tout d'abord l'un des fiefs historiques de la rébellion touareg, qui s'est toujours opposée à l'armée malienne. Essentiellement composée de Noirs originaires du sud du pays, celle-ci est perçue comme une armée d'occupation qui pourrait commettre des exactions contre la population. Le problème islamiste, basé sur la religion, est ensuite venu se superposer aux revendications touaregs. Avant l'intervention française, Gao était ainsi devenue une ville importante pour les jihadistes, notamment pour le Mujao qui en avait fait sa base de commandement. Si les touaregs s'opposent aujourd'hui à l'armée malienne, les islamistes s'opposent quant à eux à la présence étrangère.