Les services de l’Etat malien, à l’exception des ministères et des institutions, sont en location dans plus de 640 bâtiments pour un loyer mensuel de deux milliards neuf cent cinquante-six millions quatre cent onze mille trois cent quarante-quatre F CFA (2 956 411 344 FCFA) déductible du budget national. Quand c’est l’Etat qui loue, ce sont seulement 16 immeubles publics qui sont cédés en location à des coopérants français et à certains opérateurs économiques pour une enveloppe estimée à quarante-six millions deux cent trente mille six cent F CFA (46 236 600 FCFA) par an. Au regard de la marge entre les recettes et les charges, la perte est énorme pour le Trésor public.
Le constat est amer et la situation confuse. La gestion des bâtiments publics au Mali comporte de nombreuses zones d’ombre de l’indépendance à nos jours. Une série de facteurs ont fini par créer une gestion plutôt opaque de ces immeubles. Intéressons-nous en particulier au cas des bâtiments appartenant à l’Etat et mis à la disposition de particuliers. Estimant que, propriété publique, ils ne sont soumis à aucune réglementation, certains de nos compatriotes continuent de les occuper en violation des règles édictées en la matière. Les efforts des différents ministres des domaines de l’Etat et des Affaires foncières n’ont permis de réguler le secteur en créant un sommier du patrimoine bâti de l’Etat. A la direction générale de l’Administration des Biens de l’Etat, les fiches matricules des propriétés immobilières comportent toujours des cases vides. Or, une bonne identification des propriétés immobilières de l’Etat, leur exploitation efficiente et un suivi rigoureux permettront à coup sûr de réduire le manque à gagner dont pâtit le Trésor public.
8 657 bâtiments de l’Etat dans le district de Bamako
En 2015, la direction générale de l’Administration des Biens de l’Etat a commandité une opération de recensement des bâtiments publics de l’Etat dans le district de Bamako. L’opération a permis de dénombrer, dans la seule ville de Bamako, mille 1039 concessions, abritant 8657logements et bâtiments publics. La répartition par commune est inégale. Ainsi, la Commune III abrite le gros lot de ces propriétés publiques avec 490 concessions pour 3910 bâtiments, et la Commune I, 63 concessions publiques pour 821 bâtiments.
Au plan national, l’on ne dispose pas de données actualisées sur le patrimoine immobilier exact de l’Etat. Celles qui existent dateraient de 1997 Elles font enregistrer 12 882 bâtiments publics administratifs recensés. « La réalité est toute autre », nous a confié un technicien de l’Habitat et de l’Urbanisme.. Aujourd’hui, elle dépasse largement ce chiffre. D’après notre interlocuteur, l’Etat a acquis d’autres biens immobiliers bâtis au terme de jugements rendus à sa faveur.
Au plan international, selon des données recueillies au ministère des Affaires étrangères, le Mali dispose de 71 immeubles bâtis et non bâtis à travers le monde : 18 chancelleries, 15 résidences, 27 autres propriétés et 11 terrains. Cette donnée, d’après nos sources, ne prend pas en compte les bâtiments des entrepôts dans les ports maritimes de transit.
Certes, ces bâtiments publics, pour la plupart construits au temps colonial, sont dans des états délabrés, mais ils ne sont pas tous connus pour être pris en compte dans le fichier des biens de l’Etat. Aussi est- il est impérieux aujourd’hui de procéder à un inventaire fiable des bâtiments publics à travers toutes les régions et hors du pays pour procéder, ensuite, aux travaux de réfection. Le résultat en serait une notable amélioration des conditions d’occupation et plus de profits pour le Trésor public.
Quand l’Etat est soumis à plus de 600 contrats de bail sur son propre territoire !
D’après un cadre du ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, l’enveloppe allouée pour les travaux d’entretien et de réfections, environ 500 millions FCFA avant la crise de 2012, fait l’objet de réduction chaque année ce qui porte un véritable handicap.
D’autre part, les fonds engagés par l’Etat dans les contrats de bail sont considérables. De source officielle, à la date du 31 décembre 2014, l’Etat malien aurait contracté, sur le plan national, 640 contrats de bail pour un loyer mensuel total de 2 956 411 344 FCFA. Pour ce qui est de l’étranger, concernant les baux des logements et bureaux du personnel des missions diplomatiques, il débourserait, en moyenne, cinq milliards par an.
En retour, il déplorable de constater que le patrimoine des biens immobiliers de l’Etat est constitué seulement de 16 bâtiments ; dont 12 alloués à des coopérants français et le reste à des opérateurs économiques qui y exercent des activités commerciales. La location de ces bâtiments n’apporte à l’Etat que 46 236 600 FCFA.
L’occupation illégale des bâtiments publics
L’occupation de ces logements obéit à des règles et principes fixés par le Décret n° 94-127/P-RM du 22 mars 1994 qui définit ces modalités d’attribution. Au regard de ce document, ces logements sont affectés à deux catégories de responsables : les chefs d’institutions, les membres du gouvernement et assimilés. S’y ajoutent les logements d’astreintes pour les chefs de circonscription administrative et les magistrats. D’autres agents de l’Etat, tenus en permanence à la disposition d’un service, peuvent également en bénéficier dans la limite des disponibilités.
Cependant, la réalité est toute autre. Récemment le ministère de tutelle, sous l’impulsion du ministre Bathily, a révélé qu’au 31 décembre 2015, soit au terme du délai de libération des 87 logements administratifs occupés, seuls 12 bâtiments ont été libérés ; 65 restent occupés. De cette date à nos jours, après certaines sorties du ministre concerné, on ignore la suite réservée à cette mesure. Pour en savoir plus, nous avons fait un tour à la Direction Générale de l’Administration des Biens de l’Etat. Nous n’avons pas obtenu satisfaction, notre visite ayant coïncidé avec le passage des charges entre l’ancien et le nouveau DG de cette structure.
Toutefois, il se trouve que nombreux sont les logements administratifs occupés par des fonctionnaires qui n’ont ni le titre ni la qualité pour s’y trouver. Pire, certains, partis à la retraite depuis des années, y ont élu domicile.