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Gabon : faut-il une « alternance » à tout prix ? Les actes de violence perpétrés, n’ont pas été une surprise
Publié le mercredi 7 septembre 2016  |  Delta News
Gabon
© AFP par MARCO LONGARI
Gabon : affrontements à Libreville après l’annonce de la victoire d’Ali Bongo
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Les évènements qui ont accompagné l’élection présidentielle du 27 août 2016au Gabon, ne peuvent laisser indifférent l’observateur de la politique africaine.

En effet, de la précampagne à la proclamation des résultats le mercredi 31 août, tout a été une série de gaffes frisant la catastrophe de la part des différents protagonistes. L’atmosphère était si tendue, si électrique que les actes de violence perpétrés suite à la proclamation des résultats, n’ont pas été une surprise pour la plupart des résidents expatriés et même pour les nationaux.

A preuve, la plupart de ceux d’entre eux, pourvus de moyens et prévoyants ont, bien avant l’élection présidentielle, mis leurs familles à l’abri dans leurs pays d’origine, dans les pays voisins ou dans leurs villages en ce concerne les nationaux. Les actions de vandalisme et de violence qui se sont enclenchées immédiatement après la proclamation des résultats n’ont-elles pas confirmé que leur crainte était justifiée ?

Revoyons les faits par étape.

D’abord, depuis le dépôt des candidatures jusqu’au début de la campagne officielle, l’opposition, dans sa grande majorité, a déployé ses bazookas dans la bataille « juridique » de diversion, dont elle avait conscience de l’inanité, à savoir la non éligibilité du président sortant par défaut de nationalité gabonaise.

Pendant que les différents barons de l’opposition s’épuisaient dans cette vaine bataille juridique, avec surenchère, en pensant en tirer profit dans leur bataille de leadership, le président sortant avec une équipe de jeunes dynamiques dévoués et engagés à sa cause, ratissait large. Il parcourait toutes les provinces en portant un message de paix, de changement.

Se mettre derrière un seul candidat, pour espérer battre « le petit »

A l’occasion du lancement officiel de la campagne, le meeting de Libreville du candidat Ali, fut l’évènement qui ramena l’opposition à la réalité : « le petit », comme l’appelle la plupart des barons du régime Bongo père, aujourd’hui les animateurs de l’opposition ; allait leur damer le pion. Leur slogan « jamais encore un Bongo, au palais du bord de mer », ne prenait pas. Que faire ? Il fallait faire violence sur soi-même, afin de se mettre derrière un seul candidat, pour espérer battre « le petit ». Et, à ce jeu, après moult tractations, ils optèrent pour Jean Ping, espérant que sa prétendue notoriété, son réseau international, ses accointances avec certains milieux dans l’Hexagone, seraient utiles même s’il perdait au sortir des urnes.

Mais dans cette alchimie d’anciens barons du PDG (Parti Démocratique Gabonais, parti créé par Bongo père en 1967), les vrais leaders de l’opposition, ceux qui se sont toujours opposés au PDG, tels le père Paul M’Ba Abessolé du Rassemblement National des Bûcherons (RNB), Pierre Claver Maganga Moussavou du Parti Social Démocrate (PSD), le candidat de l’Union du Peuple Gabonais (UPG) du parti du défunt Pierre Maboundou etc, n’ont pas joué le jeu. Eux savent que ces barons au pouvoir, ce sera pire que « le petit ».

Inviter la jeunesse à se départir de cet esprit cocardier destructeur et infantilisant

Au cours de cette campagne, et même à travers leurs représentants, on a assisté à aucun débat sérieux sur les problèmes auxquels sont confrontés les gabonais. On a essayé de faire jouer les émotions plutôt que la raison.

Le candidat Ali dans son humilité qu’il faut lui reconnaître, a admis qu’il reste encore beaucoup à faire dans le domaine des infrastructures, des écoles et surtout de la formation professionnelle chez les jeunes. Il a aussi parlé de son bilan des sept dernières années notamment dans le domaine de la diversification de l’économie.

On aurait souhaité que les opposants parlent, dissèquent le bilan du candidat Ali, proposent des solutions auxquelles allaient adhérer les populations gabonaises. Mais rien de tout cela, leur seul slogan, « plus de Bongo au palais du bord de mer ! » Et pourtant ce sont eux qui l’ont porté à la présidence du PDG, pensant peut-être qu’ils pouvaient continuer leurs prévarications, leurs passe-droits, leurs gabegies, jouir de prébendes illimitées comme au temps de Bongo père. Alors, ils se sont floués. « Le petit » avait un projet pour le Gabon. Il voulait faire du Gabon un pays où l’économie serait diversifiée, un pays qui ne vivrait plus que des royalties tirés de la vente de l’or noir ; un pays qui n’importerait plus de laitues de Bretagne, un pays où le bâton de manioc, la banane plantain, l’avocat que le gabonais consomme proviendraient des plantations gabonaises et non du Congo, du Cameroun ou de la lointaine Côte d’Ivoire ; un pays où le poulet de chair, cuisses et ailes de dindes, ne viendraient plus d’Amérique latine mais des fermes gabonaises ; bref un Gabon alimentairement autosuffisant.

Pour cela il fallait s’appuyer sur la jeunesse ; lui expliquer son ambition pour le Gabon. L’inviter à se départir de cet esprit cocardier, destructeur et infantilisant qu’on lui a depuis toujours subtilement inoculé et qui le pousse à la haine de l’autre, de l’étranger.

Le remède supposé serait sans doute pire que le mal

Pour nous faire une idée des deux principaux opposants qui sont devenus alliés, citons une dame qui connaît bien le Gabon. Elle a, pendant quatorze ans, défendu les intérêts de la Compagnie Air Gabon. Aussi, elle a été chargée par le président Ali Bongo Ondimba de mettre de l’ordre dans la succession de son père.

Maître Claude Dumont Beghi, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a écrit dans son récent livre, « Le Gabon de l’Héritage au Partage », publié aux éditions l’Archipel (mai 2016) en pages 162 et 163, en parlant de Jean Ping et de Guy Nzouba – Ndama : « Les fonds dont dispose le premier pour sa campagne sont d’une telle ampleur que, par simple curiosité, il serait intéressant d’en connaître l’origine – sans oublier ses dernières déclarations sur les « cafards », qui font froid dans le dos. Quant au second, il découvre l’ivresse du pouvoir et ses trahisons. Ces deux là ont soixante dix-ans et plus. Ils font partie de « l’ancien régime », ils en sont les reliques, mais pas de débats d’idées, pas de propositions constructives pour les Gabonais. Rien de tout cela, uniquement des invectives et, des frustrations mal digérées, des injures, un appel à la violence et à la rébellion relayé par des médias de complaisance. »

C’est dire que la venue de ces opposants, ancienne génération, ne peut être une alternance ; au contraire une perpétuation de la situation antérieure. Le remède supposé serait sans doute pire que le mal et c’est que les gabonais ont compris et notamment les jeunes.

On criera certainement au hold-up électoral ; on activera tous les réseaux dormant pour pourfendre le président Ali Bongo Ondimba.

Une semaine après les résultats, ce n’est pas pour rien que le mauvais perdant Jean Ping continue à pérorer : « je suis le président élu » ; relayé en cela par une certaine presse soi-disant indépendante et qui a été pourtant muette quand il s’agissait des élections qui se sont déroulées il n’y a pas si longtemps au Congo Brazzaville ou au Tchad.

On sait que la fameuse « Communauté Internationale » sera mise en branle par l’ancienne puissance colonisatrice, qui ne voit pas d’un bon œil des changements en train de s’opérer dans son pré carré. N’oublions pas que là-bas chez nos « amis » de toujours, on n’a pas tellement aimé la visite du « Petit » chez Paul Kagamé et surtout l’inspiration qu’il a eue à l’issue de cette visite. On n’a pas aimé non plus, la diversification de partenaires économiques.

A moins qu’elle ne puisse appliquer la politique de deux poids deux mesures, je ne sais comment cette fameuse « Communauté Internationale » peut s’en prendre à Ali Bongo Odimba.

Des exemples d’élections opaques pullulent tout autour du Gabon, à fortiori une élection que les observateurs ont créditée d’une bonne transparence.

Quant aux décomptes des voix, si on a trouvé des anomalies, il n’y a –t-il pas des voies légales de recours ? Qui ne se souvient pas du problème de décompte de voix de la grande Amérique, lors de l’élection d’un certain George W. Bush à la maison blanche ? Pourquoi, quand il s’agit d’un petit pays, on assimile tout à la malhonnêteté, au tripatouillage ?

Les africains devraient repenser leur mode de gestion du pouvoir.

Au-delà des évènements du Gabon, les africains devraient repenser leur mode de gestion du pouvoir.

Depuis la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’Union Soviétique, le monde est devenu unipolaire, la pensée unique faisant loi. On nous fait comprendre que seule la démocratie à l’occidentale conduit au développement d’un pays. Et pourtant les expériences des pays d’Asie et même de certains pays d’Amérique Latine ont montré que cette condition, n’était ni nécessaire, ni suffisante pour développer un pays. Si l’on ne peut réfléchir par nous-mêmes et trouver des voies adaptées à notre histoire à nos réalités sociétales, alors commençons à pratiquer l’alternance ou encore le renouvellement des leaders politiques d’abord au sein des partis. Combien de présidents de partis restent collés à leur poste ?

Dans le cas du Gabon, si l’opposition avait placé un rival jeune face à Ali Bongo Odimba, un jeune qui n’a rien à voir avec le passé sulfureux, scabreux de ces dinosaures du système Bongo père, il aurait certainement gagné. Mais vouloir faire du neuf avec l’ancien, ce n’est pas l’alternance. La question qui se pose est donc : faut-il faire de l’alternance à tout prix ?

*Professeur à la retraite, a vécu près de 20 ans au Gabon
Source: Delta News
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