Pendant que des pays amis volent au secours du Mali, les forces armées, censées guider les pas de la force africaine au front, s’entretuent ici à Bamako. Vendredi dernier, bérets rouges et bérets verts étaient encore aux prises, offrant un piteux spectacle aux yeux du monde.
Vendredi dernier, la tension est montée de nouveau entre les bérets verts, auteurs du coup d’Etat contre le président démocratiquement élu, le 22 mars, et les bérets verts (33ème régiment des commandos parachutistes) dont certains éléments, une trentaine, viennent à peine d’être libérés. Que s’est-il passé ? Selon des témoignages recueillis sur place, tout serait parti de la décision du chef d’état-major de l’armée d’effacer l’écriteau sur lequel est inscrit « 33ème régiment des commandos parachutistes », écriteau placé à l’entrée du camp de ce corps. Comme pour lui signifier qu’il n’existe plus, conformément aux déclarations des putschistes de le supprimer en tant que corps. Les femmes des bérets rouges auraient mal pris la chose, et ont demandé aux militaires d’autres corps de quitter immédiatement le camp qu’ils occupent depuis début mai dernier, suite aux combats entre bérets verts, auteurs du coup d’Etat du 22 mars, et les bérets rouges, auteurs du contre coup d’Etat du 30 avril. Cette exigence des femmes a suscité la colère des soldats de Kati. Lesquels ont, ce vendredi, dès l’aube, organisé une expédition punitive sur le camp de Djicoroni-para, base des commandos parachutistes. Echanges de coup de feu qui dureront toute la matinée. Bilan, selon des sources concordantes : six morts et treize blessés graves alors qu’officiellement les autorités parlent de deux morts. Parmi les morts, il y aurait des enfants et des femmes civiles. Du matériel a également été endommagé. La situation s’est encore aggravée avec l’entrée en scène des jeunes du quartier de Djicoroni qui, à l’aide de pierres, de gourdins et d’objets divers sont venus à la rescousse des bérets rouges. Ils parviendront à barrer la route à un renfort venu de Kati.
Cette confrontation entre frères d’armes intervient au moment même où des soldats, venus d’une douzaine de pays amis, risquent leur vie pour tenter de restaurer l’intégrité territoriale du Mali et de débarrasser les Maliens des terroristes, narcotrafiquants, islamistes et rebelles qui avaient entièrement occupé les régions du nord. Etait-il nécessaire d’en arriver là, et de donner un piètre visage de notre pays ? Etait-il nécessaire de se donner en spectacle ?
Non à ceux questions. La nation entière a besoin de son armée, de toute son armée, réconciliée et unie. On avait cru, avec la récente libération de plusieurs bérets rouges précédemment arrêtés après le coup de force du 30 avril, que la tension retomberait. Les commandos parachutistes ont même sollicité des autorités d’être envoyés sur le front afin de participer, aux côtés de la France et de la force africaine, à la guerre contre le terrorisme. Corps d’élite, les bérets rouges étaient prêts et savent que l’armée peut encore compter sur eux. Mais apparemment, les bérets verts s’opposent à l’implication des forces spéciales dans la guerre de libération. Ils seraient opposés à la reconstitution et à la réhabilitation de ce corps, dissous sans aucun fondement juridique ou administratif. Président du comité militaire de la réforme des forces de défense et sécurité, le capitaine Amadou Haya Sanogo serait le plus opposé à cela. Pour certains protagonistes du vendredi noir, il est grand temps qu’il arrête d’attiser la haine entre ces différents corps des forces armées et qu’il parte montrer son expertise militaire dans le nord et non contre des soldats désarmés.
Mais le capitaine n’en a cure, il continue à régner tranquillement sur Kati transformé en forteresse, loin du front, loin de la guerre, sourd aux coups de canons et aux déflagrations des bombes. Là, il continue également de donner ses ordres à ceux qu’il a fait nommer dans le gouvernement et grader dans la hiérarchie militaire. Comme ce chef d’état-major général des armées qui, en l’espace de neuf mois, a reçu deux galons. Sans être allé au front ni même combattu ici. Certains l’accusent d’ailleurs d’être derrière la tension entretenue entre bérets verts et bérets rouges. Mais la question est beaucoup plus profonde que ça. Et même le Premier ministre, malgré la promesse du président de la République, ne parvient toujours pas à faire s’asseoir à la même table les différentes parties.