GAO (Mali) - L’ONU redoute une spirale de "violence catastrophique" au Mali où Gao, la plus grande ville du nord du pays, était le théâtre ces derniers jours de violences de la part des groupes islamistes armés qui ont réussi à s’y infiltrer pour combattre "les mécréants".
La Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Navi Pillay a lancé mardi un appel solennel à tous les protagonistes du conflit pour qu’ils "empêchent les représailles", estimant que "les attaques et les ripostes risquent d’entraîner le Mali dans une spirale de violence catastrophique".
Sur le terrain, les jihadistes du nord du Mali ont reçu le soutien d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), basée au Yémen, qui a qualifié "la croisade contre l’islam" menée par la France de "déclaration de guerre contre l’islam et les musulmans".
"Soutenir les musulmans au Mali est un devoir pour tout musulman capable de le faire", affirme un communiqué d’Aqpa, précisant que les musulmans peuvent "payer de leur vie ou contribuer financièrement" au jihad (guerre sainte).
Une guerre "plus obligatoire pour les musulmans les plus proches" du théâtre des combats, "pour ceux dont la France a utilisé le territoire pour lancer" son opération et "pour les musulmans vivant dans les pays qui aident la France dans cette croisade", selon l’organisation.
A Gao, à 1.200 km au nord-est de Bamako, où ont eu lieu vendredi et samedi les premiers attentats-suicide de l’histoire du Mali, ainsi que des combats de rues opposant dimanche des groupes de jihadistes à des soldats maliens et français, la situation reste tendue.
Le principal marché de la ville était quasi-désert, la majorité des boutiques fermées, a constaté un journaliste de l’AFP. Des patrouilles maliennes et nigériennes sillonnaient les rues.
"Les gens ont peur, à cause de la sécurité et parce qu’on procède à des arrestations", a confié un officier malien.
Les soldats eux-mêmes étaient très nerveux, ne quittant pas leurs armes, les Nigériens arborant casque et gilet pare-balles. Quelques coups de feu ont été entendus en milieu de matinée.
Des militaires patrouillaient également le long du fleuve Niger. "On cherche des éléments (islamistes) qui ont traversé en pirogue et se sont infiltrés", a expliqué un soldat, tandis qu’au sud de Gao, des soldats nigériens fortifiaient leur base.
Les forces de sécurité continuent par ailleurs de découvrir quotidiennement à travers la ville des stocks de munitions et d’explosifs.
"Les moujahidine resteront" à Gao
Lundi à l’aube, un hélicoptère de l’armée française avait bombardé le commissariat principal, ancien siège de "la police islamique" pendant l’occupation de la ville par les jihadistes en 2012, où étaient retranchés dimanche plusieurs d’entre eux tirant sur les soldats maliens.
Des témoins ont affirmé qu’un kamikaze s’était également fait exploser dans le commissariat, sans pouvoir dire si c’était avant ou pendant le bombardement.
Le ministre malien de la défense, Yamoussa Camara, a fait état d’un bilan de trois islamistes tués et onze capturés à l’issue des combats de dimanche, au cours desquels trois soldats maliens ont aussi été blessés.
Un bilan de source hospitalière mentionnait au moins trois civils tués.
Le commissariat et le marché principal de la ville, situé à proximité, ont en outre été déminés lundi par les soldats français
Les deux attentats-suicide contre l’armée malienne à un poste de contrôle à l’entrée nord de Gao et les affrontements de dimanche sont dus au Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
Ce groupe islamiste également dénoncé pour ses activités criminelles, dont le trafic de drogue, occupait totalement la ville depuis juin 2012 où, au nom d’une interprétation rigoriste de la charia (loi islamique), il a commis de nombreuses exactions avant l’arrivée des troupes françaises et maliennes le 26 janvier.
En revendiquant ces actions, Abou Walid Sahraoui, porte-parole du Mujao, avait affirmé qu’il les poursuivrait "jusqu’à la victoire" contre l’armée malienne et "les ennemis de l’islam". "Les moujahidine sont dans la ville de Gao et y resteront", avait-il ajouté.
L’armée malienne a par ailleurs repris, sans combat, le contrôle de Ménaka (Nord), à 80 km de la frontière nigérienne, où les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA, l’Azawad étant le nom touareg de la région du Nord du Mali) s’étaient installés depuis le 5 février.
Et l’Union européenne a annoncé mardi la reprise de son aide publique au Mali, gelée après le coup d’Etat de mars 2012, qui pourrait atteindre 250 millions d’euros. La France avait déjà fait part le 4 février de la reprise progressive de son aide, après l’adoption d’une feuille de route politique prévoyant notamment des élections d’ici le 31 juillet.
De son côté, dans son discours annuel sur l’état de l’Union, le président américain Barack Obama a affirmé que les Etats-Unis devaient "aider les pays comme le Yémen, la Libye et la Somalie pour assurer leur propre sécurité et aider les alliés qui combattent le terrorisme, comme nous le faisons au Mali".
Washington apporte un soutien logistique et fournit des renseignements à
l’armée française.