Ousmane Koné, 5ème Dan maître Taekwondo : «Le Mali a connu des hauts et des bas»
Je suis de la génération de l’après indépendance et je peux me vanter d’avoir vu de mes propres yeux les cinq Présidents élus. Pour moi, chacun de ces Présidents a régné à des époques différentes et dans des contextes différents. Nous, on était encore enfants du temps de Modibo, mais nos parents nous ont toujours conté que c’était la belle époque.
Tout était moins cher. Etre Malien était synonyme d’une fierté a nulle autre égale au regard de l’histoire même du pays et de la personnalité qu’incarnait le Président Modibo Keita. Les autres Présidents n’ont pas son audience. Aujourd’hui, nous vivons une situation très difficile. Peut être que le Père de notre indépendance l’aurait mieux gérée la crise. Le Mali a connu des hauts et des bas moments, mais jamais ce pays n’est tombé à terre. D’après nos parents cela est dû aux nombreuses bénédictions de notre terre et aux grandes personnes qui y sont enterrées.
Fatogoman Diakité, guérisseur traditionnel : «Le néo-colonialisme nous a fait plus de mal que le colonialisme»
De l’indépendance à nos jours, on a connu cinq Présidents. Visiblement le pays a changé de visage et les hommes aussi ont changé. C’est malheureux, mais on se rend de plus en plus compte que le néocolonialisme nous a fait beaucoup plus de mal que le colonialisme. Nous avons perdu toutes nos valeurs morales et intellectuelles. Seul le premier Président a fait des choses pour la préservation de nos mœurs.
Aujourd’hui, on n’éduque plus les enfants, ils sont laissés pour compte et s’adonnent à toutes sortes de bêtises. Le constat est patent, les promesses de l’indépendance ont été bien déçues. Il nous faut travailler à reformater l’homme malien, pour amorcer un développement au vrai sens du terme. Le processus de la démocratisation a détruit plus qu’il n’a construit ce pays.
Les nouvelles technologies en a apporté leur touche, et nous les suivons comme un enfant suit sa maman. Il faut alphabétiser nos enfants dans nos langues, les éduquer, dans ces langues et poursuivre en émettant notre propre monnaie, sans quoi nous continuerons à faire semblant, mais nous ne nous développerons jamais.
Abdoulaye Diarra, Chef de poste de sécurité : «Le Mali d’hier était mieux que le Mali d’aujourd’hui»
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le Mali d’hier était mieux que le Mali d’aujourd’hui. Notre pays est aujourd’hui géré par des étrangers, les responsables politiques ne disent plus la vérité. Ils font des promesses sans parvenir à les tenir. Ceux du temps de l’Indépendance étaient de braves hommes qui avaient aussi l’attitude de vrais hommes.
Ils n’avaient pas peur des Blancs, contrairement à ceux d’aujourd’hui. L’honnêteté, la sagesse, le respect de la parole donnée étaient le crédo d’un bon dirigeant aux temps de l’Indépendance. Tout ne peut pas être mauvais chez quelqu’un. Mais la cause pour laquelle la personne a été choisie ne doit pas se terminer en queue de poisson. Tout cela a échoué chez nos dirigeants actuels.
La région de Kidal qui avait été toujours un territoire malien, nettement accessible, ne nous appartient pas aujourd’hui, cela constitue une honte nationale et internationale. Parlant de la démocratie, notre pays n’a pas encore atteint ce stade, car les Maliens ne savent pas ce que c’est. Plus de respect entre jeunes et vieux. La politique, une pure réalité, s’est transformée en mensonge et détruit le pays.
Gatta Soumaoro, artiste musicien : «Nous sommes seulement nourris d’espoirs»
Il y a des choses qui ont avancé et beaucoup d’autres qui n’ont pas encore marché. Dans le domaine de l’emploi, par exemple, si l’on prend 100 jeunes sortants de l’université, il n’y en a que 4 ou 5 qui ont de l’emploi pérenne et le reste est soumis au chômage. Un autre problème c’est qu’on constate de nombreux changements au sein du gouvernement.
Ses membres ne font que profiter des biens du peuple, pour s’enrichir. Seule une poignée d’individus vit dans l’opulence, tandis que la majorité manque du nécessaire pour vivre. Actuellement, nous sommes seulement nourris d’espoir, il n’y a pas rien de concret. De l’Indépendance à nos jours, l’évolution économique a disparu. Sa courbe d’évolution est retournée en arrière. A la veille de l’Indépendance, tout le peuple était engagé à travailler, mais aujourd’hui on constate que tout le monde a été déçu.
Oumou Coulibaly, ménagère : «On a souvent honte de se dire Malien»
S’agissant de l’éducation, elle n’est pas comparable à celle du temps de l’Indépendance. Il n’y a plus de respect. Les enfants ne respectent plus les vieilles personnes, aussi bien à la maison que dans les rues. Ils sont tous sans vergogne. On a même souvent honte de se dire Malien. L’autosuffisance alimentaire n’est plus assurée, la vie coûte cher.
Madou Coulibaly, revendeur de fer : «C’est le régime de Moussa Traoré qui m’a le plus profité »
J’ai vécu le temps de Modibo Keita jusqu’à sa chute. Je suis venu à Bamako en 1963. J’ai vu tous les régimes présidentiels au Mali et je peux dire un peu sur tout. Parmi tous ces régimes, c’est celui du Général Moussa Traoré qui m’a le plus profité. Car la source de mon argent date du temps de Moussa Traoré.
Actuellement, on souffre de beaucoup de choses, telles que les effets du déguerpissement des artères publiques. Cela a été un bon travail, mais il fallait tenir compte de l’opportunité du moment. Quant à la démocratie, elle est mal comprise par le peuple malien.
Abdoulaye Kanté, employé de commerce : «Après l’indépendance, le parcours du Mali n’a été que trahison»
Après les heures de l’Indépendance, le parcours du Mali n’a été que trahison. De cette époque jusqu’à maintenant, rien n’a évolué, rien n’a été résolu comme problème. Le pays constitue lui-même son propre ennemi. Les dirigeants n’aiment pas leur pays, car ils ne songent qu’à eux seuls et à leurs familles. Ils ne disent plus la vérité. Au temps de l’Indépendance, la dignité n’était pas bafouée chez les responsables.
On tenait les promesses données et le respect, la dignité et la sagesse étaient le crédo de la gouvernance du pays. Maintenant, c’est le laisser-faire, le laisser-aller, tant au niveau du bas peuple que du côté des dirigeants. Les responsables actuels pensent que tout leur est permis. Ils n’agissent pas en intellectuels pour construire le pays, ils agissent pour le détruire. Le déguerpissement des artères publiques a encore compliqué la situation, la pauvreté règne partout.
Propos recueillis par Adama Bamba et Mohamed Naman Keita
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