Selon le président de l’Organisation patronale des industriels, Cyril Achcar, si le carnet de commande des usines augmente, 100 000 nouveaux emplois seront créés soit la moitié de la promesse présidentielle d’IBK. Pour assurer le décollage industriel, il estime que l’État doit valoriser le Made in Mali en protégeant le marché malien. Interview.
Afribone : Quelles sont les tares qui bloquent l’industrialisation au Mali ?
Cyril Achcar : Ils sont nombreux : le manque de prise de risque, l’insuffisance de protection des industriels, etc. Aujourd’hui, en terme d’organisation politique et administrative, l’État a fait un pas important en créant un ministère d’industrialisation. Les actes doivent être portés maintenant dans les reformes. Nous voulons l’application des fameuses « Six études » validées par le Premier ministre et qui sont sur la table du ministre des Finances en attente d’être mise en œuvre. Parmi ces six mesures, il y a la fixation d’une TVA industrielle pour valoriser le Made in Mali en encourageant ceux qui créent au Mali.
Cette politique est facile à appliquer parce que l’État est souverain et il peut se donner les moyens de cette politique. La deuxième, c’est la relecture du décret sur les saisies. L’un des grands défis est le manque de protection. Nous avons besoin d’être protégés. Aujourd’hui des produits sont importés n’importe comment par les pays limitrophes. Il s’agit de l’Algérie, la Mauritanie, la Guinée et la Cote d’Ivoire, etc. L’exemple concret concerne les motos Djakarta dont 50 % ne sont pas dédouanées. Dans cet environnement aucun investisseur ne prendra le risque d’investir dans la construction ou l’assemblage de motos djakarta au Mali. L’usine Nsukala, qui fait du sucre de bonne qualité, ne peut développer sa production, car des sucres proviennent de l’Algérie sans qu’aucun droit de douane ne soit payé
La Sonatam peine également à se développer à cause de la contrebande de la cigarette. Il faut un texte qui motive les douaniers à mieux exercer leur fonction afin d’encourager les agents en charge de la saisie.
De nos jours, nous sommes" complètement dénudés" face au manque de protection et de violation des produits importés illicitement. Si une loi révisée et un système financier sont mis en place pour les acteurs concernés," la machine sera bien huilée". Prétendre que l’étendue territoriale du Pays est difficile à sécuriser n’est pas valable. Il suffirait juste de mettre les agents dans des conditions appropriées.
La troisième est une mesure qui favorisera l’échange entre les pays de la sous région. Le Mali est "devenu le déversoir de la zone UEMOA". Les autres membres ont des usines et le Mali n’en a pas, donc ils viennent envahir nos marchés avec leurs produits. Nous avons signés des accords sans nous donner les moyens de cette politique. Aujourd’hui des produits sont dites Made in Cote d’Ivoire alors qu’en réalité , ils ne ne sont pas.
Afribone : Qu’est ce que vous proposez comme solution ?
M. Achcar : Je propose qu’on mette en œuvre l’article 14 du protocole additionnel 1-2009. Nous pouvons donc faire de la consignation quand on a des doutes sur l’origine communautaire des biens manufacturés.
On découvrira que beaucoup de produits dits des pays voisins de l’UEMOA et qui inondent nos marchés sont en violations avec les traités. Cela créera aussi une prise de conscience et donnera des ressources importantes de dépôt au niveau de l’État. Les entreprises seront incitées à investir au Mali. Les deux derniers concernent la mise en place d’une conciliation fiscale comme chez les anglo-saxon pour encourager les usines. Cette mesure vaut mieux que la fermeture des usines.
Afribone : A vous entendre, on a l’impression que l’investissement n’est pas du tout encouragé au Mali ?
M. Achcar : On a eu une croissance théorique donnée par les bailleurs de fonds et axée sur l’agriculture. Mais, le décollage industriel n’est pas perceptible sinon on ne ferait pas un tome II du Livre blanc avec 24 points dont 3 seulement sont entrain d’être mise en œuvre.
Au lieu de parler d’investissement, de création d’usines, il faut remettre en marche ceux qui ne fonctionnent plus. N’oublions pas que le Mali a connu une contribution de 10 % de la manufacture au PIB en 2000 et que depuis une dizaine d’années ce chiffre est à 5 % seulement.
Au Mali, nos usines ne travaillent que 8 heures par jour tandis que les usines sont faites pour travailler 24h/24h. Quand on augmente le carnet de commande de ses usines, elles travailleront 24 h/24h et cela nécessitera trois équipes. Or aujourd’hui, l’emploi industriel représente plus de 50 000 personnes. Si on fait travailler les usines actuelles sans en créer de nouvelles, cela ferait 100 000 emplois donc 50 % de l’objectif du président de la République.
Afribone : Parlez-nous du deuxième numéro du Livre blanc de l’OPI ?
M. Achcar : Dans notre deuxième édition, nous poursuivons le travail qu’on avait entamé dans le 1er. Il y a l’historique de la structure de 1975 à maintenant, la composition du nouveau bureau et les constats qui sont déjà rappelés dans le 1er Livre blanc et qui demeurent la base de la position et la vision stratégique que nous avons développé. Il n’y a pas de développement sans industrialisation. Les pays les plus développés au monde sont ceux qui possèdent plus d’industries.
Dans cette deuxième édition, nous avons fait l’état des lieux des points inscrits dans le premier document. Nous avons 40 ans d’expérience et nous voulons mettre cela au service du développement industriel. Nous sommes contents de l’adoption du Livre blanc par le gouvernement depuis 2014. Il est même rentré dans la déclaration de politique générale du Premier ministre. Ce qui induit un acte de réalisation, en l’occurrence, la création d’un ministère.
Afribone : En tant que président du GIE Ami, un grand groupe malien, quels sont vos projets ?
M. Achcar : Notre GIE est diversifié dans l’agroalimentaire. Il est très ancien, car la première société date de 1950, soit dix ans avant l’indépendance. Nous avons un projet d’huilerie. Cela engendrera 150 emplois directs et 200 emplois indirects.