La Chambre des mines est à la croisée des chemins. C’est le moins ce que l’on puisse dire avec la sortie, avant-hier samedi du Collectif des professionnels du secteur minier qui, au cours d’une conférence de presse, organisée au restaurant Lahidu sis à Badalabougou, a porté des griefs portant sur des manquements graves, de la manipulation délictuelle des ressources financières et autres violations par l’équipe actuelle dirigeante. Par la même occasion, ce regroupement qui se présente comme le plus représentatif du secteur exige la mise en place d’un collège transitoire pour faire sortir la Chambre de l’impasse dans laquelle elle se trouve actuellement.
Ladite conférence était animée principalement par le président du Collectif, Ibrahim KANTAO. Ce dernier qui a été pendant plusieurs années Directeur de la Géologie et des Mines, était entouré par les responsables et autres représentants des quatre groupes des secteurs composant le Collectif des professionnels du secteur minier.
À travers cet exercice qui a duré plus d’une heure d’horloge, le conférencier a décrit la situation qui prévaut actuellement au sein de l’institution consulaire ; porté des griefs et des accusations graves contre la direction actuelle dirigée par Abdoulaye PONA, avant de formuler les propositions que leur regroupement estime les meilleures pour sortir la Chambre des mines de la crise profonde qu’elle est plongée depuis un certain temps.
En tout cas, il ne fait aucun doute que le secteur minier malien est en pleine confusion. Les acteurs majeurs que sont le département des Mines, la Chambre des mines encore appelée « chambre consulaire », une grande majorité des sociétés minières et opérateurs miniers, sont engagés dans un bras de fer à l’issue préoccupante, dont la cause réside dans la non tenue des élections initialement prévues en février 2016 puis reportées au 24 août 2016. Ainsi, l’optimisme qui semblait caractériser habituellement le secteur minier connaît une certaine turbulence qui ne manque pas d’avoir une influence regrettable sur son dynamisme.
Face à cette situation, le Collectif des professionnels du secteur minier, selon son président, a jugé nécessaire de ne pas rester les bras croisés et de prendre leurs responsabilités, non seulement en tant qu’acteurs du secteur des mines, mais aussi en leur qualité de citoyens maliens convaincus qu’ils ont un rôle pertinent à jouer à travers des initiatives potentielles destinées à stimuler plus d’efficience. Telle est la raison, a justifié Ibrahim KANTAO, de la tenue de cette rencontre avec la presse. Objectif avoué : prendre à témoin l’opinion nationale et internationale des graves dysfonctionnements qui affectent le secteur minier, en particulier la Chambre des mines du Mali.
Faisant la genèse de tous ces soubresauts en cours au sein de la chambre consulaire résultant de la volonté du département de tutelle d’organiser des concertations avec tous les acteurs du secteur, décision ayant abouti au Décret n°2016-0112/P-RM du 2 mars 2016 et à l’Arrêté n°2016-1379/MM-SG du 17 mai 2016 modifiant les modalités de fonctionnement de la Chambres des mines et fixant le calendrier des élections, le conférencier a dénoncé la mauvaise foi de l’équipe dirigeante qui a vu d’un mauvais œil les innovations proposées par les nouvelles dispositions. Ce qui a conduit à la saisine de la Cour suprême qui a annulé le décret et l’arrêté mentionnés plus haut.
Selon le conférencier, la décision de la juridiction suprême d’annuler les réformes proposées par le gouvernement pour renforcer le rôle de la chambre, dans sa mission de moderniser et d’impulser le secteur des mines, a engendré une situation qui met en porte-à-faux la légitimité de l’équipe dirigeante actuelle de la chambre avec la volonté de cette même équipe de dénoncer le Décret. Cela d’autant plus que pour bénéficier d’une prorogation légale de six mois, le directoire en place de l’institution consulaire s’est appuyé sur le Décret qu’il a décrié et que la Cour Suprême a annulé. Voilà pourquoi le mandat du président de la chambre qui avait été prolongé à partir de l’article 44 dudit Décret n’a plus de base légale.
De ce constant, il devrait désormais revenir au Ministère de tutelle, indique-t-on du côté du Collectif, de confier la gestion de la Chambre des mines à un organe provisoire à l’image du Conseil transitoire mis en place à la Chambre de commerce en son temps quand une situation similaire s’était présentée.
« Pourquoi les mêmes causes ne peuvent pas produire les mêmes effets ?», interrogent-ils.
En tout cas, le souhait du regroupement va dans le sens d’un collège transitoire qui s’attèlerait à une relecture appropriée des textes encadrant le fonctionnement de la Chambre pour permettre de nouvelles élections et, dès lors, faire sortir la Chambre de l’impasse dans laquelle elle se trouve actuellement.
En appelant de tous ses vœux vers une telle solution, le Collectif a affirmé néanmoins sa totale indépendance et sa liberté d’action.
« Notre volonté est de contribuer à mettre rapidement un terme à la paralysie actuelle et de tout faire pour rendre encore plus crédible notre Chambre consulaire, en bannissant tout ostracisme et en rendant effective la participation inclusive de tous les acteurs miniers pour que le rôle de locomotive de notre économie nationale dévolu au secteur minier soit plus conforme à sa vocation », a indiqué M. KANTAO.
Et le pas est vite franchi pour épingler l’équipe en poste d’une gestion opaque et surtout de la manipulation délictuelle des ressources financières par la Chambre et autres manquements qui sont clairement dénoncés par le rapport de contrôle de l’Inspection des Finances.
Du diagnostic fait par le conférencier, la chambre des mines est dirigée par « une équipe à la compétence professionnelle approximative » par conséquent contestable avec « les décisions de son directoire qui n’obéissent à aucune exigence de transparence ». Autres accusations portées à l’encontre de Abdoulaye PONA et de son bureau : un vaste système de racket mis en place pour recueillir frauduleusement des fonds auprès des orpailleurs sur toute l’étendue du Mali au vu et au su de tout le monde ; l’Assemblée consulaire forte de 240 membres qui aurait dû se réunir au minimum 16 fois en 4 ans pour débattre de la bonne marche de l’institution, ne s’est réunie qu’une seule fois ; l’efficacité de la Chambre, c’est-à-dire les résultats attendus par rapport aux objectifs fixés, laissant également à désirer.
«Objectivement, il n’est pas excessif d’affirmer que le bilan de 5 années de gouvernance à la Chambre est proprement catastrophique. Il est urgent de procéder à un examen exhaustif de ce bilan pour dégager un plan de redressement rapide de l’institution », a stigmatisé le président du collectif.
C’est au regard de tout ce qui précède que ce regroupement, composé d’acteurs ayant à leur actif une somme d’expériences riches et variées, s’estime fonder à aspirer à participer activement dans la mission de relance de la Chambre des mines. Ces membres affirment d’autant leur ambition pour la Chambre qu’ils disent ne pas être motivés par des gains faciles et illégitimes mais simplement par une détermination volontariste constante à faire de la Chambre un outil performant véritablement au service du secteur minier.