Alors que la rentrée des classes prévue pour le 3 octobre prochain se prépare, à travers le pays, à Kidal, les groupes armés continuent de s’affronter mettant en péril l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. Pour la quatrième année consécutive, les enfants de cette localité risquent de rester à la maison si l’État et surtout la communauté internationale ne mettaient pas leur poids dans la balance pour sauver le reste des meubles.
Si l’année dernière l’ouverture des classes par le ministre de l’Éducation, le 19 janvier 2016, a été déprogrammée à la dernière minute, cette année, c’est toujours le statu quo, les lignes ne semblent pas bouger. Ce qui présage que les enfants de Kidal ne retrouveront pas encore le chemin des classes, depuis la rupture brutale de 2012. Pour le moment, l’horizon est loin d’être dégagé. Car la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader, depuis un certain temps. Toute chose qui n’augure guère d’un lendemain meilleur pour ces enfants qui ont pourtant droit, comme tous les autres enfants du pays, à l’éducation de qualité. Depuis quelques mois, malgré l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale et les accords de cessez-le-feu signés, les frères de Kidal n’arrivent pas à fumer le calumet de la paix.
Les derniers affrontements en date remontent à vendredi dernier entre la Plateforme et la Coordination des mouvements armés (CMA). Ces deux groupes armés se sont affrontés pour la énième fois non loin de Kidal, occasionnant plusieurs morts et des blessés ainsi que des dégâts matériels importants.
Si la situation était donnée pour calme, hier lundi, il n’y avait toujours pas de bilan définitif disponible. Et pour cause, lorsque la Plateforme affirmait avoir fait « sept victimes du côté de la CMA et saisi d’importants matériels de guerre », la CMA réplique en soutenant que « ce ne sont pas des hommes qui ont été tués sur le terrain, mais ceux qui ont été arrêtés et exécutés sommairement ».
« On préfère donner le bilan quand on aura la certitude de ce qui s’est passé réellement là-bas », a confié Almou Ag Mohamed, porte-parole de la CMA, au Studio Tamani.
Selon Fahad Ag Al Mahamoud, membre de la Plateforme, ces récents affrontements ont, tout de même, « porté un coup dur aux accords d’Anefis signés entre les deux mouvements en 2015 ». Selon lui, « les éléments de la CMA ont abandonné, ce matin, la base de Kenfadimata qui avait été cédée par la Plateforme, suite à ces accords ». « Cette base est actuellement sous le contrôle des éléments de la Plateforme et du MSA », poursuit-il.
La CMA, de son côté, accuse la Plateforme d’avoir « violé l’accord de paix, issu du processus d’Alger ». Elle estime enfin que la Communauté internationale devrait « prendre des sanctions » contre elle.
Dans ce désastre sécuritaire, aucune action de développement ne peut être envisagée ni même la mise en œuvre d’un programme d’éducation qui nécessite encore plus d’apaisement. Aujourd’hui, la situation de Kidal doit interpeller toute la communauté internationale à prendre ses responsabilités afin de permettre à ses enfants innocents d’accéder enfin à un droit inaliénable, celui de l’éducation pour tous.
Déjà, le Programme alimentaire mondial (PAM) s’annonce en exprimant un besoin «de toute urgence», de 1,7 milliard FCFA afin de fournir des repas à 167.000 écoliers, dans un rapport dont ALERTE INFO a reçu copie samedi. Ce fonds est nécessaire, indique-t-on, pour fournir des repas à 167.000 écoliers maliens de 965 écoles, dont 13 à Kidal.
En août, le PAM a assisté 384.498 personnes au Mali en distribuant 2,95 tonnes de vivres et en transférant 316,6 millions FCFA à 50.310.
À ce jour, sur un montant de 205,2 milliards FCFA requis pour faire face aux besoins au Mali pour la période allant de janvier 2015 à décembre 2017, le PAM n’a perçu que 76,4 milliards, soit 37 %.
Outre ces fonds, l’organisme d’assistance alimentaire de l’ONU dit avoir besoin d’une aide supplémentaire de 23,3 milliards FCFA, nécessaire pour les besoins opérationnels des six prochains mois.
En octobre, le PAM aura seulement la moitié des ressources nécessaires pour fournir une aide alimentaire à 79.100 personnes, indiquent les mêmes sources.
Dans une interview accordée à l’ORTM, le ministre de l’Éducation nationale, Kénékouo dit Barthélemy TOGO soutenait que le gouvernement tenait, depuis l’année dernière, à l’ouverture des classes à Kidal.
« Nous le pensions vraiment que c’était un objectif à réaliser. Ce qui nous guidait, c’est vraiment la situation des enfants. Pendant trois ans, ces enfants n’ont pas eu d’école. La querelle entre les équipes, c’est les enfants qui payent. Nous avons négocié avec les mouvements armés, eux-mêmes ont sollicité l’ouverture de cette école-là. C’est pour ça que nous étions très optimistes. Nous avons d’abord fait des missions de reconnaissance de terrain jusqu’à Tessalit, Kidal, Anéfis. Et au retour de ces missions avec toutes les données que nous avions, nous avons envisagé de prendre des dispositions avec les moyens de l’État, mais aussi les moyens des ONG et les partenaires techniques financiers pour pouvoir ouvrir », a expliqué le ministre. À la dernière minute, les groupes armés ont changé de position en émettant des réserves sur les conséquences d’une présence d’un représentant de l’État à Kidal sur la paix.
Cette année encore la situation ne semble guère meilleure qu’en 2015. Pour combien de temps, la communauté internationale va-t-elle continuer à être complice de cette situation ?