Même si la menace d’actes isolés et désespérés (attentats suicides, mines…) est toujours réelle, le Mali peut souffler après l’intervention de l’armée française pour anéantir les islamistes-terroristes. Mais, déjà, il faut se projeter dans l’après-crise, il faut penser à repartir de la plus sereine des manières en tirant toutes les leçons de ce que la nation vient de vivre.
«La France restera au Mali le temps qu’il faudra Mais, elle n’a pas vocation à rester ici… C’est vous qui allez porter votre destin. Nous serons à vos côtés…» ! C’est ce qu’à dit aux Maliens le président François Hollande de la France le 2 février 2013 au pied du Monument de l’Indépendance.
Il est évident que la France a volé spontanément à notre secours pour empêcher que les islamistes ne se retrouvent à Bamako du jour au lendemain, comme ils avaient pris tout le nord-Mali suite au coup de folie du Capitaine Sanogo et compagnie. Mais, il appartient aujourd’hui aux Maliens de poser les fondements d’un nouveau Mali. Une nouvelle République démocratique totalement à l’opposé de celle que nous avons connue les dix dernières années. Celle-là même qui était aux antipodes des valeurs qui ont fait la grandeur de notre patrie et de son peuple.
«Je ne sais pas ce qu’on peut faire, mais il faut agir pour que l’après intervention française n’aboutisse pas sur un néant politique ! On ne peut pas laisser des gens comme le Capitaine Sanogo et Dr Mariko agir à leur guise», s’inquiétait récemment un jeune Malien engagé de la diaspora. Une inquiétude partagée en ce moment par tous ceux qui se soucient réellement du mieux être de ce pays, de son image dans le concert des nations.
Ce talent engagé avait ajouté, «ces troubles ont renforcé la volonté d’avancer de tout ceux qui travaillaient déjà. Mais, il reste tous ces opportunistes en politique, dans le monde des affaires et dans la religion. Il ne faut vraiment pas qu’on les laisse faire rater les opportunités que cette crise nous donne de rebâtir le Mali sur des fondations plus saines et solides».
Nous devons nous battre et nous allons nous battre parce que nous n’avons pas d’autres choix. Et parce que, comme nous le disait récemment Rokia Traoré (artiste) dans un entretien, «il est de notre responsabilité de réussir ce que tout le monde croit impossible : faire en sorte que ce problème n’ait pas d’autres conséquences dramatiques sur le pays». Cette nation fragilisée par l’hypocrisie de certains de ses voisins et surtout par l’irresponsabilité de sa classe politique.
Mettre à la touche la vieille garde politique
L’urgence, c’est d’organiser des élections transparentes pour doter notre pays d’institutions crédibles et rouvrir les chantiers du développement. Toutefois, nous sommes convaincus que même des élections transparentes ne peuvent influer sur la gouvernance de ce pays avec ceux qui sont aujourd’hui au devant de la scène politique depuis l’avènement de la démocratie.
Si nous en sommes là aujourd’hui à attendre des mains tendues un peu partout dans le monde, c’est parce que la classe politique issue du mouvement démocratique a failli. Elle a déçu parce qu’elle n’était porteuse d’une autre alternative que la soif de revanche sur un régime. Elle n’a pas été à la hauteur des attentes démocratiques parce qu’elle a privilégié les intérêts claniques ou personnels. Elle a travaillé à panser les souffrances endurées pendant les 23 ans de règne militaire et de parti unique.
Aujourd’hui, elle est prompte à indexer Amadou Toumani Touré comme le seul et l’unique responsable de la déchéance vécue par le peuple. Et pourtant, ces leaders (???) politiques ne se sont jamais assumés face à lui. Pour ne pas perdre les privilèges et leurs avantages, ils ont composé avec le président déchu par une poignée de soldats et fermé les yeux pour le laisser conduire le pays à la dérive actuelle.
Aucun d’entre eux n’a eu le courage d’aller par exemple dans l’opposition politique car cela aurait été se condamner à vivre des muettes, de la sueur de son front. Pensez-vous réellement que si l’Adema, le Rpm et l’Urd étaient allés ensembles (ou l’un des trois partis) dans l’opposition qu’ATT aurait pu faire le mandat de trop qui s’est achevé par l’impasse du coup d’Etat du 22 mars ? Mais, qui était fou de dire non à ATT et perdre tous ses privilèges ?
Ces barons affairistes d’une autre époque politique doivent être contraints à la retraite forcée comme de nombreux généraux après le putsch du Capitaine Sanogo. «Si vous aimez le Mali, vous devez vous taire car, arrivés au pouvoir, au lieu d’être au service de la Nation, vous vous êtes servis d’elle», conseillait Tetou Gologo (artiste/créatrice de bijoux) à ces vieux mégalomanes névrosés.
Ceux-ci même qui ont exercé «un pouvoir discriminatif» en instaurant le copinage et le culte de la médiocrité qui ont bouleversé nos valeurs sociales. Et puisqu’ils sont incapables de se taire et de s’effacer par honte ou par respect pour les Maliens, il nous revient de les pousser dehors. Les jeunes des partis politiques doivent comprendre cette nécessité impérieuse.
Une puissante armée républicaine
Le Mali ne progressera jamais avec ceux qui sont aux commandes des chapelles politiques. Il faut donc une régénérescence de la politique au Mali. Le pays a besoin de leaders politiques qui sont capables de résoudre les problèmes qui se posent au quotidien et non de ceux qui exercent le pouvoir pour résoudre leurs propres besoins et affamer le peuple.
Le Mali nouveau doit aussi se doter d’une nouvelle armée, une véritable force professionnelle dont les responsables ne vont plus lorgner sur les places, surtout convoiter le pouvoir politique. Ainsi, il est nécessaire que les bénéficiaires des formations qui seront bientôt dispensées soient essentiellement les jeunes que nous venons de recruter. Il est facile de les modeler et de leur inculquer une nouvelle mentalité et des vraies valeurs du métier des armes qu’aux anciens.
Les anciens sont déjà passés par une autre moule, ils ont adopté beaucoup de comportements négatifs et pensent que l’armée est une chasse gardée pour leurs affaires. La défense de la partie est désormais une notion confuse pour ceux qui sont aveuglés par l’argent, le pouvoir et les galons de complaisance.
La République a failli disparaître malgré une pléthore de Colonels et de Généraux, dont la majorité ne doit son grade qu’à la compromission et surtout à la complaisance d’un régime qui a écarté les hommes valeureux au profit des béni-oui-oui. Des officiers supérieurs qui n’incarnent aucune valeur militaire ni morale pour susciter la crainte, le respect et l’estime des troupes.
Rééquilibrer la balance de la justice
A notre avis, il est beaucoup plus nécessaire de refonder l’armée malienne que de la réformer. La reforme n’a aucune chance d’aboutir à la création de cette force patriotique et républicaine dont nous avons besoin. Il ne s’agit pas de mettre certains à la retraite, de dissoudre une unité d’élite ou d’écarter ceux qui vous gênent le plus dans vos ambitions cachées pour réussir une si importante reforme.
Tout comme la justice. Il faut détruire cette jungle qu’est devenue notre justice. Un no man’s land où le justiciable ne survit que grâce à sa fortune ou ses relations dans la nomenklatura. La prostitution de ce secteur est à la base de certains grands maux qui ont entraîné le Mali au bord du précipice : corruption, détournements, spéculations de toute sorte… Il faut donc refonder la justice pour soigner le pays des mêmes maux, pour mettre les citoyens en confiance et libérer les énergies.
Même si la refondation ne concerne pas que la politique, l’armée et la justice, l’assainissement de ces trois secteurs peut rejaillir sur tous les autres de façon très positive. Et l’instauration du culte de l’excellence est une condition si ne qua non pour libérer les énergies et les initiatives. Pour les élections à venir, il nous faut élire ceux à qui nous avons réellement confiance et leur donner le temps de travailler.
En effet, comme le disait Napoléon Bonaparte, «l’art le plus difficile n’est pas de choisir les hommes, mais de donner aux hommes qu’on a choisis toute la valeur qu’ils peuvent avoir». Il est temps de sanctionner «la politique du ventre» et donner une chance au pragmatisme, au courage et à l’engagement sur des convictions nobles.
«Quand vous cherchez des gens à recruter, vous devez rechercher trois qualités : l’intégrité, l’intelligence et l’énergie. Et s’ils ne possèdent pas la première, les deux autres vous tueront», conseille Warren Buffet, un homme d’affaires et philanthrope américain. Ceux qui étaient chargés de la gouvernance du Mali ces dernières années, à quelques exceptions près, n’avaient ni l’intégrité, ni l’intelligence ni l’énergie requises pour cette mission.
Le pouvoir, la fortune, les propriétés foncières, le luxe et le sexe : Telles étaient leurs motivations ! Ils évaluaient leur réussite par le montant de leurs comptes bancaires, du nombre de leurs villas et vergers, des maîtresses qu’ils entretiennent…
On comprend alors aisément pourquoi ce grand Etat, jadis respecté et écouté, est tombé si bas en si peu de temps ! L’intégrité, l’intelligence et le dynamisme doivent être désormais les critères qui doivent guider le choix des hommes et des femmes à élire ou à désigner pour gouverner le Mali de l’après-crise. Et cela dans tous les domaines !