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Mali: au sud de Gao, une "île d’intégristes" abrite des jihadistes en fuite
Publié le jeudi 14 fevrier 2013  |  AFP


© AFP
Djihadistes d`Ansar Dine dans le Nord du Mali


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KADJI (Mali) - "Vous voyez là bas?", demande à l’AFP le nonagénaire Boncana Amadou, montrant du doigt une partie insulaire en contrebas de son village de Kadji, dans le nord du Mali: "Ce sont des intégristes maliens qui habitent là, et ils ont hébergé des islamistes du
Mujao".

"Cette partie de mon village échappe à mon autorité", avoue Boncana Amadou, 93 ans, assis devant une case en terre battue.
Il est le chef de ce bourg à une dizaine de kilomètres au sud de Gao, plus grande ville du nord du Mali qui fut le fief du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), un des groupes islamistes armés ayant occupé plusieurs mois en 2012 les deux tiers du territoire malien.

Environ 6.000 âmes habitent Kadji, un des treize villages formant la commune de Gouzourèye.
La partie accessible de Kadji est située en hauteur, mais plusieurs centaines de ses habitants, adeptes d’un mouvement islamiste baptisé "Ansar Sunna" (Les fidèles de la parole de Dieu) vivent sur une île sur le fleuve Niger située en contrebas. Plusieurs habitants la surnomment maintenant "l’île des intégristes".

Cette "secte" a été créée "il y a plus de 25 ans, elle "a aujourd’hui des ramifications un peu partout dans la sous-région" et prône un "islam radical", "le voile intégral pour les femmes", "interdit les cigarettes", affirme Mamadou Adama, adjoint au maire de Gouzourèye.

Bossou, cousin du chef de village de Kadji, est l’un des rares habitants de la partie non insulaire qui arrive, "par ruse", à se rendre sur l’île à l’entrée de laquelle "les hommes avec des armes à feu montent la garde". Durant la journée, ils sont "totalement séparés des femmes", explique-t-il.

Selon lui, il n’y a pas d’écoles laïques mais des médersa (écoles coraniques). Des jeunes y sont chargés de pêcher du poisson pour nourrir la communauté. Aucune équipe de vaccination n’est autorisée à s’y rendre.

Bossou fait aussi état d’un camp d’entraînement militaire situé à l’est de cette île où les membres du Mujao ont trouvé des alliés lorsque, avec d’autres groupes armés, ils ont pris le contrôle de Gao, fin mars 2012.

"Il faut détruire l’île"

"Les principales recrues (jihadistes) dans la région viennent de cette île, où on trouve des Nigériens, des Ivoiriens, des Nigérians, des Sénégalais et des Maliens", affirme Ibrahim Touré, secrétaire général de la mairie de Gouzourèye.

Des membres du Mujao se sont mariés dans le village de Kadji qu’ils ralliaient notamment par des embarcations en provenance de Gao, poursuit-il.
Les jihadistes du Mujao, d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d’Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), qui avaient mis le nord du Mali sous leur joug, ont fui Gao et la mythique cité de Tombouctou (nord-ouest), reprises fin janvier, sans combats, par des soldats français et maliens, mais beaucoup d’entre ont trouvé refuge à Kadji, rapportent des témoins.

Ibrahim Touré affirme avoir vu "deux véhicules remplis de jihadistes" dans sa zone. "Une pirogue a transporté tout le monde sur l’île", ajoute-t-il, précisant qu’ils avaient avec eux "treize caisses de munitions".

"C’est aussi cette île que des combattants islamistes ont quittée pour aller attaquer le commissariat de Gao", où des affrontements ont opposé dimanche un groupe de jihadistes aux forces françaises et maliennes, assure-t-il.

A Kadji, le conseil de village ne décolère pas contre l’armée malienne, dont un détachement était venu sur place il y a deux semaines et est reparti sans agir contre le camp des jihadistes.

Un élu réclame une intervention des troupes françaises et africaines déployées dans le Nord pour détruire cette "nouvelle base" des jihadistes.

Ousmane Cissé, enseignant à Gao, originaire de Kadji, craint que ces derniers ne renforcent leurs positions et multiplient leurs actions si rien n’est fait contre leur base sur l’île: "Ils vont (en) faire le point de départ de toutes les opérations. De l’île, par pirogue, on peut parcourir plus de 200 km à travers la région. (...) On peut en profiter pour ravitailler des fronts comme Bourem", à environ 100 km au nord de Gao.

Des craintes partagées par un aide-soignant à Gao qui s’identifie simplement par son prénom, Oumar. Les jihadistes "sont capables de tout. (...) Donc, il faut détruire l’île des intégristes assez rapidement".

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