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Deces du Camarade Amadou Seydou Traore dit Amadou Djicoroni: Oraison Funèbre
Publié le lundi 26 septembre 2016  |  L’Inter de Bamako
Lancement
© aBamako.com par Momo
Lancement du livre sur le président Modibo Keita.
Bamako, le 04 juin 2015 le Doyen Amadou Seydou Traore a présenté son nouveau livre sur le Président Modibo Keita au Carrefour des Jeunes de Bamako.
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Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat,
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement
Mesdames et messieurs les Membres du Gouvernement,
Madame et messieurs les Présidents des Institutions de la République,
Messieurs les Anciens Premiers Ministres
Messieurs les Représentants du Corps Diplomatique et des Organisations Internationales
Mesdames et messieurs,
Camarades et amis,
Aujourd’hui, dans la solennité et le recueillement, la Nation entière pleure un de ses meilleurs fils, l’accompagne dans sa derrière demeure : le camarade Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni n’est plus.
Depuis l’annonce de la terrible nouvelle le dimanche 04 Septembre, des messages affluent de partout, de l’intérieur du Mali et de l’extérieur, et dont nous pouvons retenir en substance : «Militant intrépide de l’US RDA et des causes justes, grand baobab, icône, mémoire vivante, combattant émérite, panafricaniste convaincu, perte immense…» et j’en passe. Tel est, camarade Amadou, l’ultime hommage que tes camarades et amis de partout ont tenu à te rendre.
Avec toi, Amadou, voilà que s’éclaircit encore une fois le rang des Vétérans de la grande épopée de l’histoire récente de notre pays ; voilà que cette belle race d’hommes, objet de notre fierté et source de notre inspiration, disparaît petit à petit ; mais voilà aussi que dans cette phalange des combattants de la première heure de notre pays, tu as été un homme exceptionnel, un corbeau blanc.

Exceptionnel par ton riche parcours professionnel et administratif
En effet, le camarade Amadou Seydou Traoré est né le 13 Juillet 1929 à Niafunké, d’un père receveur des postes, diplômé de l’Ecole Fédérale de Gorée (Sénégal) et d’une mère ménagère. Le père est de la Grande Famille Bassikorola du 1er quartier (Ségou).
Après une initiation coranique, Amadou entra à l’Ecole en 1939. C’était l’Ecole Rurale de Bamako-Coura, celle là même que dirigeait un camarade de promotion et ami de son père, monsieur Mamadou Konaté, la seule école à la ronde de Djicoroni, d’où le surnom de Amadou Djicoroni donné par Monsieur Konaté lui-même. Après le CEP en 5 ans de scolarité, Amadou sera admis à l’Ecole primaire supérieure Terrasson de Fougères et en obtint le diplôme en 1947. La même année, il fut admis à l’Ecole normale de Katibougou au bénéfice de l’autorisation d’examens permettant pour la première fois dans l’histoire culturelle du Soudan Français l’attribution de diplômes universitaires (BE-BAC) à des nègres indigènes.
Amadou Seydou Traoré obtient le Brevet Elémentaire dès la fin de sa première année et passa en classe de seconde qu’il termina en 1949. Un malheureux accident de circulation où succomba son père l’obligea à interrompre ses études pour subvenir aux besoins de sa famille. Il embrassa alors le métier d’enseignant. Il se lança à la fois dans la production ainsi que dans la lutte politique et syndicale tout en s’attachant à la préparation du baccalauréat qu’il décrocha malgré sa mutation dans un village enclavé du cercle de Bougouni, sans aucune possibilité de recevoir des cours par correspondance.
Nommé Directeur d’école à 19 ans à Garalo, Amadou fut successivement muté à l’Ecole de la Poudrière, de Médina-Coura, de Djoliba et à l’Inspection d’Académie. Partout où il passa, il s’attela avec succès à son travail d’enseignant tout en implantant et consolidant les structures du parti, au prix de multiples brimades et tracasseries administratives. On mesure la surcharge du travail que tout cela constituait si l’on tient compte du fait qu’à l’époque le directeur d’école était à la fois l’infirmier secouriste des élèves et de la population, et en même temps l’agent qui détenait les registres et délivrait les pièces d’état civil aux populations.
Pendant la bataille du Référendum gaulliste de 1958, le camarade Amadou Seydou Traoré prit position pour le NON et fonda avec ceux qui partageaient ses idées, la Section Soudanaise du Parti africain de l’indépendance (P.A.I) dont il devint rapidement le 1er secrétaire. Amadou Seydou Traoré est alors suspendu de ses fonctions, puis purement et simplement révoqué de la Fonction Publique.
C’est dans cette situation qu’il se lança dans le métier de libraire en créant la «LIBRAIRIE DE L’ETOILE NOIRE» qui, en très peu de temps, devint le centre principal de diffusion des livres et de la presse progressiste du monde entier.

Exceptionnel, tu l’as été aussi à travers ta carrière politique, syndicale et associative
Membre actif de plusieurs organisations démocratiques et de la vie associative de gauche (Mouvement de la Paix, Solidarité afro asiatique, et plus tard AMDH), formateur à l’école des cadres syndicaux et à l’école du Parti, Amadou Seydou Traoré fut sollicité dès notre accession à l’indépendance par le Bureau Exécutif de la Jeunesse de l’US RDA, pour gérer une petite bibliothèque de quelques centaines de volumes de la Permanence du Parti et qui se trouvait au Soudan Club (actuel Carrefour des Jeunes).
Amadou Seydou Traoré accepta, mais ne se contenta pas de cela. Faisant preuve d’esprit d’entreprenariat et grâce à ses fonds propres et au concours de ses partenaires de l’extérieur, il créa la LIBRAIRIE POPULAIRE DU MALI, Société d’Etat constituée sans apport de l’Etat malien qu’il dirigea jusqu’au coup d’Etat du 19 Novembre 1968 où il fut, avec d’autres vaillants compagnons de lutte du président Modibo Keïta, l’objet de 10 ans de détention arbitraire et sans jugement, dans des conditions infrahumaines.
A sa libération en 1978, il servit successivement à l’Inspection de l’Enseignement Fondamental de Nioro du Sahel, à l’IPEG de Sikasso comme Directeur et enfin à l’IPN où il fut admis à la retraite par anticipation et à sa demande.
C’est alors qu’il a fondé avec l’appui du groupe Hatier International une librairie dénommée «LIBRAIRIE TRAORE». Il s’allia alors avec la MUTEC et des opérateurs économiques pour acquérir les actifs de l’ancienne LIBRAIRIE POPULAIRE DU MALI mis en liquidation par l’Etat. Ce fut la LIBRAIRE NOUVELLE SA.

Exceptionnel, tu l’auras été encore par ton détachement du luxe et du lustre
Cette maison héritée de ton père Seydou Traoré, reconstruite en banco après la grande inondation de 1950, est restée en l’état, malgré les hautes responsabilités que tu as eu à assumer et les multiples opportunités qui se sont offertes à toi. Lors de ton arrestation au coup d’Etat de 1968, tu laissas au Mali, 3 sociétés prospères (LIBRAIRIE POPULAIRE, EDIM et OCINAM) avec une situation de trésorerie des plus favorables : 2.640.000.000 FM en espèce dans les différents comptes, des stocks de marchandises valant plusieurs millions FM, des créances à recouvrer qui s’élevaient à plus d’un milliard et… 6.000 FM dans ton propre compte BMCD, 400 FM dans ta poche pour un salaire mensuel de 47.500 FM. Tel fut Amadou, tel est resté Amadou ! Quel bel exemple pour les cadres de notre pays et la postérité, bel exemple enseigné par le Président Modibo KEITA lui-même.

Exceptionnel enfin par ta fidélité à toute épreuve à l’idéal, à l’amitié, à la camaraderie de combat, au point d’en faire un véritable culte
J’en veux pour preuve l’ouvrage monumental, l’encyclopédie historique que tu as éditée à l’occasion du centenaire du Président Modibo Keïta. A cette occasion, j’écrivais dans la postface du livre : «La première édition de «Modibo Keïta : discours et interventions» avait dans son avant-propos, «émis le vœu que vienne le jour où il sera possible d’avoir un autre recueil, complet celui-là, qui contiendra tous les discours et interventions du Secrétaire Général de l’Union Soudanaise-RDA, depuis 1946». C’était en 1965.
Cinquante années après, ce vœu est exaucé, en grande partie, à l’occasion du centenaire, le 4 juin 2015, de la naissance du grand homme, premier Secrétaire Général de l’Union Soudanaise-RDA, Père Fondateur de la République du Mali. Pour avoir été acteur de premier plan ou témoin privilégié de l’histoire politique de notre pays et surtout de la grande épopée du Parti ; pour avoir été présent partout et toujours, dans le meilleur comme dans le pire, présent de Koulouba, notre «Capitole», à Kidal, «la Roche Tarpéienne», l’enfer de la junte de triste mémoire avec l’horreur et la terreur au quotidien ; pour avoir la chance de jouir encore de la quasi plénitude de toutes ses facultés à un âge déjà avancé, qui mieux que le camarade Amadou Seydou Traoré, homme de conviction et d’action, vétéran à l’historiographie si riche, si variée, mémoire vivante de notre Parti, pouvait être choisi par le Destin pour parachever la première publication, son œuvre de jeune cadre à la tête de la Librairie Populaire, un des fleurons de nos Sociétés et Entreprises d’Etat d’alors ?
Au soir donc de sa vie, fidèle parmi des fidèles au président Modibo Keïta dont il est l’héritier politique authentique, Amadou Seydou Traoré s’est acquitté de la plus belle manière, mais dans les conditions très difficiles, de cet ultime devoir militant. Ce fut la dernière et la plus grande de ses réalisations, après tant de publications poignantes sur la vie du Parti, de son guide, de ses cadres, de ses responsables et militants, souvent anonymes, écrits sans lesquels un grand pan de notre histoire allait être travesti ou enfoui à jamais sous les dunes de sable du Grand Nord Malien, tant les abominations sont surréalistes.»
Je m’en arrête là, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, pour ne pas trop abuser de votre temps. Mais avant de terminer, comment ne pas vous remercier, du fond du cœur et au nom de tous, familles RDA, parents et amis, auparavant pour la célébration du centenaire du président Modibo Keïta et tous les honneurs qui lui ont été rendus ainsi qu’à sa digne épouse Tantie Mariam Travelé, maintenant pour votre assistance et votre soutien multiforme au doyen Amadou Traoré, depuis Paris jusqu’à la présente cérémonie de décoration que le défunt n’a jamais souhaitée et qui n’a jamais été sa préoccupation. D’ailleurs, durant toute son existence, qu’est ce que Amadou a demandé pour lui-même ? Rien, imitant en cela encore une fois le président Modibo Keïta.
Nos remerciements vont aussi à toutes les personnalités ici présentes pour lui rendre un dernier hommage, à toute l’équipe médicale qui l’a assisté, à toutes les bonnes volontés qui lui ont manifesté sympathie et solidarité.
A ce niveau permettez-moi de faire une confidence : Le Jeudi 1er Septembre 2016, comme mû par une sorte de prémonition, je me suis tiré de mon lit de malade pour aller voir mon malade au CHU de l’Hôpital du Point G. Bien accueilli par le professeur Diall de l’Unité de Soins Intensifs de la Cardiologie, fils de notre camarade l’honorable Amadou Gouro Diall, élu à Diafarabé lors de la législature de 1992 et conduit au chevet du malade par le médecin traitant lui-même qui lui dit : «Papa je t’amène ton ami». Subitement lucide alors qu’il était assez mal portant la veille, il marmonna : «Non, mon fils, Madou n’est pas ami, il est mon plus que frère, mon camarade. Madou après ma mort, je te confie la mission d’achever l’œuvre que j’avais entamée à la mémoire de notre camarade… Les éléments sont dans telle chemise, de telle couleur, à tel endroit.» Je fondis en larmes et répondis : «Grand frère plaise à Allah de te faire retourner parmi nous, en meilleure santé pour achever ensemble ce travail».
Je prends à témoin la Nation entière que j’accepte, dans la limite de mes modestes moyens, cet ultime devoir assigné à moi par mon frère, mon ami, mon camarade, le Secrétaire à la Communication, puis Secrétaire Politique des Bureaux Politiques de l’US RDA que le destin m’a confiés en 1996 et 2000, en plaçant le fils du cultivateur et de la ménagère dans le prestigieux fauteuil de secrétaire général de l’US RDA, fauteuil plus cher au président Modibo Keïta que son fauteuil présidentiel de Koulouba, lui qui disait partout et toujours «le Parti et le Gouvernement».
L’immense héritage de Amadou Seydou Traoré, patrimoine commun, doit être valorisé au service du Mali. Sa conviction contagieuse doit nous amener tous, pour le salut de notre patrie, à transformer notre douleur en force, à nous donner la main autour de l’essentiel, le Mali, hier digne, fier et respecté dans le concert des Nations, à rebondir aujourd’hui ensemble, pour tracer les sillons féconds de l’avenir radieux d’un Mali d’espoir et d’espérance, un Mali en paix, réconcilié avec lui-même, un Mali prospère du fruit du labeur de ses enfants, tous debout sur les remparts, pour faire face aux ennemis de l’intérieur comme de l’extérieur, un Mali un et indivisible, autour de notre devise : UN PEUPLE, UN BUT, UNE FOI.
Le Mali est en crise, en crise profonde et multiforme, menaçant notre existence même. Nous devons agir. «Honte à celui qui peut chanter pendant que Rome brûle, s’il n’a la lyre, l’âme et le cœur de Néron», disait Lamartine.
Dors en paix, Amadou Seydou Traoré, l’ami de toutes les générations, de toutes les couches socio professionnelles de notre pays, de tous les patriotes.
Que la Terre du Mali que tu as tant aimée et servie de façon exemplaire te soit légère ! Amen !
Bamako, le 06 Septembre 2016

Mamadou Bamou TOURE, Ancien Secrétaire Général de l’US-RDA, Ancien Ministre, Officier de l’Ordre National
Source: L'Inter de Bamako
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