Attaquée par les combattants du Gatia, une milice favorable au pouvoir central de Bamako, la Coordination des mouvements de l'Azawad est repliée sur son fief de Kidal. Dans cette région, le processus de paix est au point mort.
Au Nord-Mali, l'ex-rébellion touareg chancelle
Dans le nord du Mali, après le passage d’une tempête de sable, le paysage est remodelé. Il en va de même pour les rapports de forces politico-militaires. Il y a dix jours, des affrontements entre les hommes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, l’ex-rébellion touareg autonomiste) et les combattants du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia, nationaliste) ont fait au moins dix morts. Une fois la poussière retombée, le bilan, comme à chaque fois pour ces batailles invisibles du Sahara, est incertain. Les deux camps refusent de communiquer leurs pertes, l’Etat malien a déserté la région, les Casques bleus sortent peu de leurs bases onusiennes et les soldats français de l’opération Barkhane ne commentent pas les combats intra-touaregs.
Il y a pourtant un vainqueur, en tout cas sur le plan militaire. Le Gatia a attaqué et pris plusieurs villages et hameaux défendus jusque-là par la CMA. Les affrontements entre ces deux groupes signataires de l’accord de paix d’Alger (2015) ont débuté le 16 septembre et ont duré plusieurs jours. Rompant avec les équilibres armés qui prévalaient depuis cette signature, le Gatia a chassé la CMA de l’axe qui mène de Kidal jusqu’à la frontière algérienne, soit plus de 500 kilomètres de piste. A Kidal même, où les deux camps s’étaient déjà affrontés en juillet, la CMA est maintenant quasiment en état de siège. Mais les forces internationales qui y sont positionnées – Minusma et soldats français – interdisent au Gatia de pénétrer dans la ville, redoutant un carnage.
Les groupes armés du Nord-Mali dominés par les Touaregs
Secret de polichinelle
L’ex-rébellion apparaît affaiblie : sur le terrain, le Gatia s’est vengé de son expulsion de Kidal, cet été. Sur le plan politique, la CMA se fissure. Cherchant à s’affranchir de la tutelle des Ifoghas, lignée touareg noble qui domine la CMA, des cadres touaregs chamanamas et dawssahak (tribus puissantes dans la région de Ménaka) ont récemment créé un nouveau groupe armé, le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), qui a pris ses distances avec l’ex-rébellion. Le 15 septembre, le MSA a même signé un accord avec le général El Hadj Gamou, adversaire honni des Ifoghas de Kidal.
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C’est un secret de polichinelle : le général Gamou, bien que haut gradé de l’armée malienne, est le chef militaire du Gatia. Lorsque ses troupes lancent une offensive dans la région, les autorités de Bamako sont, à minima, tenues au courant. Lié par les accords de paix et gêné aux entournures par la surveillance de la communauté internationale, le pouvoir malien est même suspecté d’utiliser cette milice bien entraînée pour combattre à sa place l’ex-rébellion. Cette collusion a été dénoncée, mardi, par l’ambassadeur américain à Bamako : «Le gouvernement malien doit mettre fin à tous liens à la fois publics et privés avec le Gatia […] qui ne contribue pas à ramener la paix dans le nord du Mali», a asséné Paul Folmsbee, mardi.
Désarmement impensable
Le processus de paix, qui devait peu à peu entrer en vigueur cet été, a volé en éclat. En tout cas pour la région de Kidal. La méfiance entre les deux camps, qui se sont entre-tués il y a quinze jours, rend impensable la création de patrouilles mixtes prévue par l’accord. De même pour le désarmement, à un moment où la tension militaire est à son comble. Depuis cet été, les combats entre groupes Touaregs ont paralysé le règlement du conflit au Nord-Mali. La traque des groupes jihadistes du Sahel en pâtit, et la perspective d’un retour des déplacés, d’une réinstallation de l’administration malienne et du démarrage des projets de développement semble plus lointaine que jamais.