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Le Mali à la Can Orange 2013 : Amateurisme et Improvisation
Publié le vendredi 15 fevrier 2013  |  Le Match


© AFP
CAN 2013 / petite finale: Les Aigles du Mali à la troisième place en battant les Black star du Ghana 3-1
Samedi 09 février 2013. Port Elizabeth (Afrique du sud) le Mali et le Ghana s`affrontent pour la troisième place.


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Au terme d’une compétition de niveau assez moyen, les Aigles du Mali ont manqué le coche en se contentant de la troisième place synonyme de la médaille de bronze. Comme en 2012. C’est une sorte de «surplace» qui doit interpeller les autorités compétentes. Chronique d’un destin fatal prémédité, programmé et exécuté par un département des Sports indécis, une Fédération égocentriste et un encadrement technique novice, tâtonnant et sans charisme.


Les Aigles du Mali médaillé de bronze

Les Aigles du Mali médaillé de bronze

N’ayons pas peur des mots ! Le Mali a échoué à la CAN 2013. Et cela par la faute de ceux qui gouvernent et dérivent notre sport roi : le Ministre de la Jeunesse et des Sports, la Fédération malienne de football et l’encadrement technique des Aigles. Et pourtant tous ceux-ci avaient la caution de l’opinion nationale pour mener à bien leur mission.

Union sacrée autour des Aigles

A l’orée de la CAN 2013, la situation sécuritaire et institutionnelle du Mali interpellait tout le peuple. A cet égard, tous les Maliens ont fait bloc derrière leur sélection nationale. Ils ont mis sous quarantaine les critiques. Ils ont laissé faire.

La presse nationale a emboité le pas. Elle s’est même autocensurée par rapport aux couacs constatés : mauvaise préparation des Aigles, absence de matches amicaux, le choix des présélectionnés et des sélectionnés. C’est à la faveur de cette bonne ambiance que le Ministre de la Jeunesse et des Sports, Hameye Founè Malhamadane, a affiché les ambitions des Aigles du Mali à la Can 2013. «Nous avons été troisièmes lors de la dernière Can. Nous voulons faire mieux cette année», avait-il martelé. Avant d’engager une grande campagne de collecte de fonds. Tout baignait dans l’huile sauf qu’au même moment, le patron de la Femafoot, Hammadoun Kolado Cissé jouait à des règlements de compte en vue d’une campagne signe avant-coureur pour l’assemblée générale élective prévue en juillet prochain.

Les signes annonciateurs d’un échec

Au siège de la Femafoot, toutes les attentions étaient focalisées vers les retombées de la CAN. Comment exploiter au mieux une performance des Aigles à des fins électoralistes. La méfiance est au maximum. Au moment où tous les yeux étaient braqués sur la CAN et sur les Aigles, le président Cissé s’engage dans une purge des employés fédéraux qui ne lui sont pas favorables. Sadia Cissé, son conseiller sportif et Idrissa Traoré «Poker» (intendant des Aigles) sont priés de quitter leurs postes à travers des lettres de licenciement. Ces deux icônes du football national qui ont fait la fierté du Djoliba AC et de l’équipe nationale sont humiliés. Ce n’est pas la manière !

Pire, le président Cissé enfonce le clou en empêchant le directeur technique national, Mohamed Magassouba, d’être dans la délégation officielle du Mali à la CAN. Et cela, au nez et à la barbe du Ministre chargé des sports qui ne comprenait pas cette situation. Où est l’autorité ?

Un Ministre des Sports sans poigne

C’est à la faveur d’une ultime réunion de la Commission nationale ad’hoc que le président de la Femafoot a défié le Ministre des sports.

Quand le ministre Hameye Founè a constaté l’absence du nom du DTN sur la liste de la délégation ; il a interpellé le président de la Femafoot qui a posé son veto : «Si vous mettez le nom du DTN dans la délégation, je résilie son contrat», avait-il lancé au Ministre sous l’œil hagard des membres de la Commission composée de grands cadres sportifs. Malgré les interventions des uns et des autres pour prouver le bien-fondé de la présence du DTN à la CAN, le président de la Femafoot reste inflexible sur sa position. Le Ministre des sports avale la couleuvre malgré lui. Incroyable ! Qui est le chef ?

Autre fait majeur de la gestion ministérielle, le changement de l’agence de voyage de l’équipe nationale. Azur Voyage est dessaisi du dossier au profit d’une petite agence nommée Sonfatou. Conséquences, les Aigles et la délégation officielle ont vécu des moments de cauchemar sur le trajet Bamako-Dakar-Johannesburg-Port Elizabeth.

Les balbutiements de l’encadrement technique

En 6 matches joués, le sélectionneur des Aigles du Mali, Patrice Carteron a aligné 6 équipes types différentes. Du match inaugural contre le Niger au match de la petite finale contre le Ghana, Carteron a tâtonné jusqu’au bout. A tous les coups, il a remanié son onze de départ de 3 à 5 joueurs. Après des matches de poules poussifs contre le Niger (1-0), le Ghana (0-1) et la RD Congo (1-1), l’encadrement des Aigles a brillé par ses choix approximatifs et inappropriés. C’est seulement lors de la 3e et dernière rencontre de poules que l’équipe du Mali livre son match de repère. Mené au score par la RD Congo dès la première minute sur penalty, le Mali réagit positivement et égalise à la 14’. Pendant cette première phase, Carteron a privilégié le jeune gardien Mamadou Samassa (Guingamp) en lieu et place du maître incontesté Soumaïla Diakité (gardien du Stade malien de Bamako). C’est en quarts de finale que Soumaïla Diakité retrouve sa place de N°1 dans les buts du fait de la suspension de Samassa pour 2 cartons jaunes évitables. Contre l’Afrique du Sud, le Mali réalise son meilleur match en égalisant par le capitaine Seydou Kéita et en se qualifiant lors de la séance des tirs au but grâce à Soumaïla Diakité qui a repoussé deux tirs. En plus dans le match, il avait sauvé trois occasions nettes de but. En demi-finales face au Nigeria et contre toute attente, Carteron déloge Soumaïla de la cage et boute hors de la pelouse l’expérimenté Adama Coulibaly entre autres. Au total, l’équipe est remaniée de 4 joueurs. La sentence est fatale. Le Mali s’incline (4-1) face au Nigeria de Stephen Keshi. Une défaite humiliante qui a mis à nu l’inexpérience et les capacités tactiques de Patrice Carteron qui dit «assumer ses choix». C’est le Mali qui a perdu ! Le sélectionneur français des Aigles du Mali devrait réviser ses cours d’entraîneur et s’inspirer de la maxime : «On ne change pas une équipe qui gagne.» Six matches, 2 victoires, 2 défaites, 2 nuls, 7 buts marqués, 8 en encaissés. Tel est le bilan des Aigles à la CAN 2013. En ratant l’occasion de jouer une finale et peut-être de remporter le trophée continental pour la première fois de leur histoire ! Les Aigles se contentent cette année encore de la 3e place. Que de regrets pour Seydou Kéita et ses coéquipiers.

La grosse bêtise fédérale

En empêchant le directeur technique national, Mohamed Magassouba de faire le déplacement à la CAN, la Femafoot commet du coup un crime contre le football malien. Un scénario qui oblige le sélectionneur Patrice Carteron à se faire assister sur place par les membres du Comité Exécutif de la Femafoot qui ne sont pas des techniciens en la matière. Ceci explique donc le tâtonnement dans la constitution du onze de départ, le mauvais choix des hommes, mauvais choix tactiques entre autres. Le constat est amer ! Et dire que toutes les autres sélections nationales bénéficiaient d’une assistance technique d’un collège d’entraîneurs et d’anciens joueurs.

On comprend alors, en faisant l’état des lieux, que la Femafoot voulait son trophée à elle seule. Elle l’a hélas appris à ses dépens.

Le pilotage à vue des dirigeants

Le département des Sports et la Femafoot ont brillé par leur amateurisme et leur improvisation dans la gestion de l’équipe et de la délégation officielle. Déjà lors de l’escale de la délégation à Johannesburg, il a fallu près de 2 heures pour loger les gens à l’Hôtel City Lodge. Aucun éclaireur du Ministère ou de la Femafoot n’était à l’accueil. Que dire du ralliement de Port Elizabeth avec des départs en détails. On ne peut passer sous silence la fameuse «affaire Yatabaré».

Pour avoir simplement demandé à l’entraîneur de lui accorder beaucoup plus de considération en lui donnant un temps de jeu, le jeune Sambou Yattabaré (Bastia) a été incompris. C’est pourquoi il a demandé de rentrer en France pour se mettre au service de son club.

Il ne comprenait pas pourquoi le coach faisait jouer des joueurs blessés sans entraînement (tel que Samba Sow) alors que lui était au top. En réponse à sa doléance, le Ministre Hameye Founè Mahalmadane et la Femafoot ont tranché sans discernement. Un billet d’avion lui a été immédiatement offert pour qu’il parte. Comme un colis encombrant ! Hélas, aucun responsable ne l’a accompagné à l’aéroport de Port Elizabeth. Sambou a quitté ses coéquipiers se sentant tel un orphelin. Que dire du voyage de la délégation de Port Elizabeth à Durban pour le 3e match de poules des Aigles. Si le Ministre est parti par avion avec quelques officiels, son garde du corps a dû emprunter le bus avec les autres. Les 1200 km reliant les deux villes ont été courus en 14 heures d’horloge. On peut se poser la question sur les vraies raisons de la présence du garde du corps du Ministre. La dernière grande bourde est la gestion de l’après-match de la demi-finale contre le Nigeria. C’est seulement dans l’après-midi du lendemain de la gifle nigériane que le Ministre a tranché. Il décide alors de renvoyer presque toute la délégation à Bamako le lendemain vendredi 8 février. Par ailleurs, il se refuse d’assister quiconque qui se permettrait de se rendre à Port Elizabeth pour la petite finale contre le Ghana prévue le 9 février.

Un sauveur nommé Amadou Diakité

C’est dans ce flou total que notre compatriote Amadou Diakité (membre du C.E de la CAF) tend la perche à certains journalistes maliens qui l’ont sollicité pour couvrir le dernier match du Mali. C’est ainsi que l’ORTM (Kalifa Nama Traoré et son cameraman Ibrahima Coulibaly), Le Katois (Mamadou Massa Diallo) et Match (Baba Cissouma) ont bénéficié de 5 places dans l’avion navette de la CAF. D’autres Maliens ont bénéficié de la même grâce de M. Diakité : l’Honorable Housseyni Amion Guindo, Racine Thiam de Orange-Mali et Momo de Paris (ami des joueurs).

Au Mandela Bay Stadium de Port Elizabeth, le Mali a décroché la médaille de bronze en battant le Ghana (3-1). Un évènement entièrement couvert par la presse malienne. Comme en temps normal, elle a largement tendu le micro aux joueurs, au sélectionneur, à la Femafoot et au Ministre de la Jeunesse et des Sports.

Le ciel est tombé sur la tête

Le Ministre chargé des Sports et la Femafoot voulaient faire de la CAN 2013 un véritable trophée de guerre. Hélas, les choses se sont passées autrement. Le département de tutelle et la Femafoot ont subi une vraie culottée. Malgré tout, le Ministre Hameye Founè et le président Cissé se glorifient de la 3e place des Aigles. Ils ne veulent pas parler d’échec. Ils mettent d’ailleurs en exergue l’absence de la Zambie (championne sortante) et la Côte d’Ivoire (finaliste 2012). Malheureusement, ils oublient ou ne savent pas que le vainqueur de la CAN 2013 (le Nigeria) était absent de la Can 2012, le Burkina Faso (finaliste 2013) n’a pas même passé le 1er tour en 2012 (3 matches, 3 défaites, 0 but marqué). Alors qu’ils arrêtent d’endormir le peuple. Trois choses s’imposent urgemment : faire l’évaluation objective de la CAN 2013 ; tirer les leçons sans complaisance et élaborer un chronogramme concis et précis pour l’avenir.

On a tout vu dans cette odyssée des Aigles du Mali en Afrique du Sud.



Baba Cissouma, envoyé spécial à la Can 2013

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