PolitiqueCrise malienne: Tiébilé Dramé, président du Parena : « Le gouvernement et le Président refusent d’organiser les concertations, hors c’est ce qu’il faut…»
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Publié le vendredi 30 septembre 2016 | Le Républicain
Tiébilé Dramé, le président du Parti pour la Renaissance Nationale (Parena), était l’invité de la Radio France Internationale (RFI) le mercredi 28 septembre 2016 (journal en bamanakan). L’opposant malien et ancien ministre des affaires étrangères a mis l’accent sur la grave crise que traverse le Mali, l’accord de Ouagadougou, l’accord d’Alger, les prochaines échéances électorales et bien d’autres sujets importants. Selon Tiébilé Dramé, le gouvernement malien doit concerter les forces vives de la nation pour la mise en œuvre de l’accord d’Alger. Par ailleurs, il a exprimé son désaccord sur la nouvelle loi électorale. Lisez (traduction libre)!
RFI : En tant qu’opposant malien, que pensez-vous du processus de paix aujourd’hui au Mali ?
Tiébilé Dramé : L’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger a été signé pour qu’il y ait la paix, la quiétude, l’entente et la cohésion sociale dans le pays. Aujourd’hui, 15 à 16 mois après la signature de cet accord, tout le monde peut faire le constat qu’il n’y a ni paix ni entente et ni cohésion sociale au Mali.
Selon vous, qu’est ce qui empêche la mise en œuvre de cet accord ?
A mon avis, la première difficulté dans la mise en œuvre de l’accord découle du fait que le pouvoir malien n’a pas pu tenir une concertation nationale autour de l’accord, pour comprendre et dire en toute franchise ce qui est bien ou non dans cet accord. Si vous remarquez le conflit en cours à Kidal, on dit que c’est lié à la mise en place des autorités intérimaires. Le mois de juillet passé, la marche des jeunes de Gao contre l’installation des autorités intérimaires a été réprimée dans le sang. Pour moi, c’est la faute au pourvoir malien. Si vous signez un accord de paix au nom des Maliens, il est normal que vous puissiez discuter avec les forces vives du pays sur la mise en œuvre de cet accord.
Le gouvernement malien doit concerter les forces vives de la nation pour la mise en œuvre de l’accord.
Pourtant le porte-parole du gouvernement malien a déclaré qu’il n’y a plus de conflits entre les Forces armées maliennes (FAMA) et d’autres groupés armés au nord du Mali?
Le gouvernement ne fait que remarquer que depuis la signature de l’accord, il n’y a pas plus de conflits entre les FAMA et les groupes signataires de l’accord. Mais si les groupes signataires de l’accord, eux-mêmes, sont en train de s’entretuer, ne sont-ils pas des Maliens ? Là où le conflit se déroule ne fait-il pas partie du Mali ? Je crois que le porte-parole s’est trompé en disant ça.
L’Accord d’Alger n’est pas le premier accord pour le Mali, car avant, il y a eu l’accord de Ouagadougou dont vous êtes le négociateur, si vous comparer les deux accords, qu’est ce qui se trouve dans l’accord de Ouagadougou et qui n’est pas dans l’accord d’Alger ?
Pour moi, on ne doit pas comparer ces deux accords. L’accord de Ouagadougou a été signé pour mettre fin à la guerre au Mali, pour qu’on puisse tenir les élections au Mali afin d’avoir des nouveaux gouvernants et pour le retour de la souveraineté au nord du Mali. L’accord de Ouagadougou n’a pas été appliqué comme il le fallait car le nouveau pouvoir l’a délaissé. C’est pourquoi les gens se sont levés pour dire qu’il faut s’assoir et discuter encore. C’est ce qui a amené l’accord d’Alger. L’accord de Ouagadougou est passé, ne reculons pas jusqu’à cet accord. C’est l’accord d’Alger qu’on a en main aujourd’hui. Il devait apporter la paix et la quiétude…
Si l’accord de Ouagadougou était un bon accord, aurait-on besoin de celui d’Alger?
Vous voulez dire que si on avait bien appliqué l’accord de Ouagadougou, respecté les engagements pris dedans, allait-on avoir la crise dans le pays, allait-on avoir besoin de signer un accord d’Alger ? L’accord de Ouagadougou dit de cesser la guerre, de mettre en place un nouveau pouvoir, de se concerter pour discuter sur la crise du Nord du Mali, pour trouver une solution définitive. L’accord de Ouagadougou énonçait des accords pour se comprendre.
Mais ces concertations annoncées dans l’accord de Ouagadougou ont-elles eu lieu?
Avant que ces discussions aient lieu, le Mali a beaucoup reculé. Vous vous souvenez bien qu’un Premier Ministre a effectué un déplacement à Kidal. On connait la suite de cette visite, qui s’est soldée par des tueries.
Après ça, le gouvernement malien a déclenché la guerre à Kidal. Le gouvernement et les troupes du Mali n’ont pas eu la victoire, suite à ces affrontements de Kidal. Le drapeau malien qui flottait à Kidal, n’y est plus, il n’y a plus de troupes du Mali, plus de gouverneur, de préfet, et l’hymne national du Mali qu’y était chanté, ne l’est plus. C’est dans cet environnement que les discussions d’Alger ont été entamées.
En vous écoutant, on comprend que les trois ans du Président de la République Ibrahim Boubacar Kéita à la tête du pays, n’ont pas été du tout heureux pour le Mali. Selon vous, comment le pays doit être gouverné ?
Depuis les premiers mois de la gestion d’IBK, quand nous avons vu que l’Etat est gouverné dans un pilotage à vue, nous avons dit au chef de l’Etat, que la crise que le Mali travers est une affaire qui concerne tous les Maliens. Nous avons proposé qu’il organise des concertations pour qu’on puisse ensemble redresser les choses. Mais le gouvernement et le Président de la République refusent cette démarche, hors c’est ce qu’il faut faire.
A la fin du mandat d’IBK en 2018, les partis de l’opposition iront-ils ensemble à l’élection présidentielle ou en rangs dispersés ?
Les partis de l’opposition travaillent ensemble, et ce travail n’a pas commencé aujourd’hui. Le moment venu, nous ferons ce qui conviendra, s’il plait à Dieu.
En entendant, des rumeurs font état de division au sein de l’opposition pour abandonner le chef de file de l’opposition, Soumaila Cissé. Confirmez-vous ces allégations?
Non ! Certains journaux ont relayé ces propos, mais ce n’est pas vrai. Le Parena dément ces propos.
Que projette l’opposition pour les élections du mois de novembre ?
En premier lieu, le gouvernement a élaboré la loi électorale sans concertations et sans l’accord des partis.
Quels sont les points de désaccord ?
Il désaccord sur plusieurs points. Par exemple le gouvernement annonce que les élections auront lieu partout « où c’est possible d’organiser des élections ». Donc, il y a des localités qui n’auront pas d’élections, comme le nord et partout il est impossible d’organiser des élections, y comprises des localités dans la région de Mopti comme Tenenkou, Youwarou ou certaines parties de Niono où il n’existe pas de commandant de cercle. Comment le gouvernement peut il annoncer des élections dans ces localités ? Et nos compatriotes qui ont quitté le pays à cause de la crise pour aller se refugier dans d’autres pays ? A un moment donné, il a été question de leur retour afin qu’ils puissent participer aux élections. Les a-t-on oubliés déjà ? Que le gouvernement soit plus attentif, mettons-nous d’abord à pacifier ce pays, c’est en cela que les élections de 2018 pourront être mieux organisées.
Que pense l’opposition du fait que Elhadj Gamou soit le chef du Gatia ?
Tout le monde sait que Gamou est le chef du conseil supérieur des Imghads qui est la base du Gatia. Le jour où nous allons nous assoir pour discuter, nous pouvons trouver une issue à toutes ces situations. Gamou est un responsable de l’armée malienne, un défenseur du Mali. Il a défendu ce Mali puis avant aujourd’hui.
Cela veut-il dire que vous êtes d’accord que Elhadj Gamou dirige le Gatia ?
Gamou est un responsable de l’armée malienne et dans les conditions normales, un responsable de l’armée malienne ne devrait pas se retrouver dans une autre organisation.
Source RFI, interview réalisée en Bambara par Safi Nouna
Transcription (libre) :