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Le Républicain N° 4564 du 14/2/2013

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Chronique du vendredi : Question touareg, petites précisions à un grand intellectuel
Publié le vendredi 15 fevrier 2013  |  Le Républicain


© Autre presse par THEATRUM BELLI
1.880 Tchadiens à Kidal, la rébellion touareg dit collaborer avec Paris


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En réaction à ma chronique du 5 février dernier, intitulé « Hollande face à son test de cohérence », j’ai reçu les réactions d’un grand intellectuel malien. Il me semble honnête de les partager avec le public pour une meilleure appréhension de la problématique touareg et une meilleure appropriation des solutions à chercher à cette question devenant, au fil des ans, le point de rupture de la nation malienne. L’intellectuel qu’on ne peut pas ne pas respecter pour sa réflexion absolument édifiante sur l’Etat et la nation au Mali manie bien l’ironie et la remise en cause subtile quand il m’interpelle d’entrée de jeu par ceci « tu es libre de penser que « le MNLA fait partie du problème du Nord malien et pas de sa solution», mais il te faudra bien reconnaître que ton édito du 5 février suscite des questions. (A toi et non au Président du Niger) ». Mais il pose, par la suite, des questions fort judicieuses et qui, à condition qu’on fasse l’effort sincère et neutre d’essayer d’y répondre, mettent en relief toute la responsabilité de l’Etat dans ce qui s’est passé et se passe encore au Nord de notre pays.

Clichés dangereux, c’est vrai.

La première des questions est allégorique « qui d’autre était nourri par la Tignasse? » Mais on devine qu’il s’agit là d’une allusion à l’affirmation souvent entendue que la nation a beaucoup consenti pour le développement du Nord malien, que les rebelles ont mordu la main qui les nourrissait –celle de la 3è République et d’Att en particulier- et enfin que les Touareg ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes pour avoir « détourné » les aides destinées à leurs zones. Pour ma part, j’ai toujours trouvé soutenu que les chiffres généralement entendus comme volume de l’investissement pour le Nord-Est devaient être non seulement consolidés mais que comparaison n’est pas raison. Un site à Sikasso et un autre à Djebock ont tous besoin d’un forage mais celui-ci au Nord coûtera plusieurs fois l’unité au Sud. Je refuse également la stigmatisation des gestionnaires de l’aide en question. Car qu’ils soient Touareg ne leur donne pas plus ou moins d’obligation de résultat que s’ils étaient Senoufos. Ceux qui étaient responsables à quelque niveau que ce soit de ces projets d’assistance, étaient d’abord des agents ou auxiliaires de l’Etat, des leaders désignés par leur communautés ou agissant en leur nom, ou enfin des prestataires sous-traités. Leur ethnie ne compte pas sauf pour un raciste. Et là où le discours accusateur de la communauté Touareg donne de la chair de poule, c’est qu’on n’a jamais entendu incriminer les Dogons pour l’état de développement de Bandiagara, les Kassonké pour Kayes, les Peulh pour Mopti. Pareillement, et ce jusque dans les instances onusiennes, les idées reçues ont la vie dure. C’est pourquoi, sur une question aussi juste et préoccupante que les exactions absolument inacceptables et condamnables des exactions reprochées à l’armée contre les populations civiles, les Touareg sont beaucoup plaints, les Arabes un peu et les Peulh ou d’autres sont passés par pertes et profits. En revanche, si je me suis distancé des clichés, j’ai bel et bien écrit plusieurs fois que les rébellions de 2006 et de 2012 n’étaient pas recevables dans le contexte démocratique qui était le nôtre. Ce à quoi, mon contradicteur répondra : « était-il si démocratique, notre Mali de 2011 » ?

La responsabilité citoyenne existe aussi

Il a tout à fait raison sur un plan :la gouvernance de dissimulation, la culture du top secret et de la gestion solitaire des affaires publiques ne participent pas à la démocratie mais à son étouffement. Oui, la démocratie n’occulte pas le débat ; elle n’est pas dans le pouvoir mais dans les contre-pouvoirs. Mais de la même manière quand du l’espace du dialogue existe, même biaisé, prendre les armes contre la nation parce qu’on a pas eu les logements militaires prévus à Kidal ou le financement de quelques projets a les mêmes caractéristiques qu’un putsch. D’autres questions m’ont été posées, à savoir « A quelle aune juges-tu la légitimité d’une rébellion ? A quelle armée appartenaient les insurgés de 2006 ? D’où venaient les amis d’Ibrahim Ag Bahanga? Les jeunes et moins jeunes du Mna» ? La réponse est simple. Jamais, il n’a été dit que la gestion du Nord était harmonieuse et transparente. Peut-être même relevait t-elle de la stratégie du chaos que plusieurs d’entre nous redoutaient. Mais la faillite de l’Etat ne saurait, à notre avis, autoriser l’irresponsabilité de ses citoyens.

Les dangers et les limites du mythe

Car nous arrivons à l’Etat d’abord avec un minimum de provisions éthiques et morales assurées par la famille et la communauté. Dernière interpellation qui m’a été adressée : « le Mnla, a-t-il dit qu’il représentait les seuls Touaregs ? Qui les représente, au fait » ? Réponse : un Sonrai ou un Peul de service, pour blanchir la cause ne doit pas pouvoir tromper ». Et le fait est que même si on lui concède de représenter plusieurs groupes du pays, on ne peut pas dire que le Mnla représente les Touareg. Or si ses animateurs ne le disent pas, ils n’en pensent pas moins. Pire, leur sous-traitance nostalgique des caravanes au clair de lune, le dit à leur place allant jusqu’à donner l’impression que le Mali tout entier peut être lâché pour une Oued à Anefis. Pourvu que l’anthropologie continue avec son incurable addiction à ses propres mythes. Ce qui n’aurait pas été un problème si aujourd’hui, la plus belle page de l’Histoire franco-malienne, voire franco-africaine signée par un président français le 11 janvier n’était pas en train d’être ternie. Sans aucune raison crédible et sur la tombe fraîche du Commandant Boiteux.

Adam Thiam


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