A l’instar de plusieurs pays de la sous-région, le Mali s’est engagé dans un processus de réforme constitutionnelle. Après deux tentatives de révision qui ont échoué, cette énième révision est partie pour réussir car conditionnée par l’Accord pour la paix et la réconciliation signé avec les groupes armés du nord sous l’égide de la communauté internationale. Cet accord exige un aménagement législatif et constitutionnel pour prendre en compte les exigences des groupes armés qui, faut-il le rappeler, règnent sur les deux tiers du territoire national. Un Comité d’experts chargé de la révision a été mis en place par le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita.
Désintérêt général
Contrairement aux précédentes tentatives, qui a déchaîné des passions et une forte opposition, l’actuelle ne semble pas intéresser les Maliens. De fait, lors des deux premières tentatives, les présidents en exercice étaient en fin de mandat; les Maliens ont cru à une manœuvre de ces chefs d’Etat pour se maintenir au pouvoir. Ibrahim Boubacar Keita est, quant à lui, à son premier mandat; ce constat, combiné à la quête générale de paix, pousse le citoyen lambda à croire qu’il n’y a pas de volonté du président en place de se perpétuer au pouvoir. Du coup, on ne voit personne se préoccuper de la révision engagée.
Danger de personnalisation de la loi fondamentale
Cependant, il est impérieux que les Maliens à travers la société civile, les medias et les partis, restent vigilants car un grave danger plane. Chaque fois qu’il est question de la Constitution de 1992, c’est un devoir pour tous les Maliens de penser aux martyrs du 26 mars 1991 qui sont morts pour un Mali libre, démocratique, où la loi est égale pour tous. S’il faut revisiter la Constitution, il est important de s’assurer que cette opération soit faite dans le strict respect des principes en matière de procédure et de légalité.
Les constitutions proches de la perfection sont celles constituées de dispositions impersonnelles. Or l’Accord de paix fait la part belle à une catégorie de Maliens : dès lors, ne faut-il pas craindre l’introduction dans la nouvelle Constitution des dispositions personnelles, voire personnalisées ? Ces dispositions pourraient se relier, par exemple, à un quota attribué aux ressortissants des régions du nord pendant les recrutements dans la fonction publique et dans les différents corps de l’armée ou de l’administration. Ce qui ressemblerait à une mesure discriminatoire lourde de nouveaux conflits. Le cas ivoirien illustre à merveille les conflits que pourraient occasionner des dispositions constitutionnelles inspirées de considérations personnelles (ôter à Alassane Ouattara toute possibilité de candidature à la présidentielle).
Il faut garder à l’esprit que la Constitution du 25 février 1992 est un symbole avant d’être une loi. Elle incarne les combats héroïques menés par le peuple malien pour la liberté plurielle. La signature de l’Accord d’Alger n’a pas mis fin aux hostilités au nord-Mali: elle ne saurait donc justifier que l’on détruise à son profit les principes actuellement reconnus par la Constitution. C’est plutôt le respect de ces principes qui renforcera la cohésion sociale et l’Etat de droit. En clair, l’Accord pour la paix et la réconciliation doit se conformer aux principes fondamentaux de la Constitution. Le contraire signifierait la capitulation de la majorité des citoyens devant une infime minorité qui aura réussi à intimider le gouvernement en place.