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Art et Culture

Cinéma : les cinéastes maliens au bord de la crise de nerfs
Publié le lundi 3 octobre 2016  |  L’Essor
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Alors qu’aucune bourse d’étude n’est attribuée depuis les années 80 et que le personnel qualifié est de plus en plus vieillissant, les chaînes de télévision se multiplient rendant crucial le besoin de formation dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel.
Les cinéastes maliens ontmarqué toute l’histoire du cinéma africain. Mais aujourd’hui ils lancent un véritable cri du coeur à travers l’Union nationale des cinéastes du Mali (UNCM). Ils posent à nous tous cette question :« les cinéastes maliens doivent – ils continuer à se morfondre dans la nostalgie de leur glorieux passé ? » N’est ce pas qu’ils ont porté haut le patrimoine cinématographique et audiovisuel de notre pays ?
Les décennies 70, 80, 90 furent marquées par la production de films qui ont porté haut les couleurs nationales. La belle moisson de prix internationaux le prouvent éloquemment. Trois Etalons du Yennenga et un Tanit d’Or respectivement au FESPACO à Ouagadougou et au JCC à Tunis, avec un Bayar d’or à Namur. Le Mali a détenu ce record jusqu’en 2015. Cependant l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Ces productions de qualité sont le fruit de la volonté des cinéastes qui se sont battus contre vents et marées pour que leurs oeuvres existent au firmament africain. Malgré l’inexistence d’une législation, de source de financement et de circuit de formation.
Rapidement les rêves vont s’écrouler. Dans les années 80, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international vont imposer à nos États de procéder à des restructurations, surtout dans les domaines de l’éducation et de la culture. Le cinéma malien n’y échappera pas.
L’Office cinématographique national du Mali (OCINAM) est ainsi sacrifié, malgré l’opposition de ses travailleurs. Ils scandaient, à qui veut l’entendre, la rentabilité et la viabilité de l’office.Les salles de cinéma sont vendues et détournées de leur fonction initiale. Les tentatives des cinéastes de récupérer les installations seront vaines pendant longtemps. Ce n’est qu’en 2005 que l’Etat a accepté de restituer au CNCM les salles invendues de l’ex OCINAM. Il s’agit aujourd’hui de réhabiliter ces salles pour les rendre opérationnelles. A cette époque, nul ne pouvait imaginer ce que révèlent aujourd’hui les récentes études de l’UNESCO et de la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) sur la culture. La culture est considérée comme un secteur parmi les plus dynamiques de l’économie mondiale. Sa contribution au Produit national Brut (PNB) mondial est estimée à plus de 7% et à celui des pays en développement de l’ordre de 2 à 3%. L’importance de la culture cinématographique dans l’économie est avérée par l’étude réalisée en 2008 par Harvard Kennedy School. Elle révèle la contribution de l’industrie cinématographique (Nollywood) sur l’économie du Nigeria. Les recettes approximatives de cette industrie de l’image s’élevaient à 540 millions de $US. Le succès de Nollywood illustre comment la culture peut aider à diversifier une économie fortement dépendante d’un seul produit, à savoir le pétrole. Une recherche attribuée à Ecobank a constaté que le potentiel de marché pour l’industrie du film au Nigéria pourrait être d’au moins 3,2 milliards $US par an. D’autres exemples existent : en Afrique du Sud et en Egypte. L’industrie du cinéma peut être considérée comme un moyen de lutte contre la pauvreté dans l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. L’image à travers le cinéma et l’audiovisuel est un besoin et un outil indispensables. L’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) le précise avec force. De 1991 à 1998, le chemin parcouru par le cinéaste malien ne s’est désengagé d’aucun combat pour l’émergence de sa cinématographie. Du 29 février au 5mars 1996, les professionnels du cinéma se sont réunis à la Cinémathèque nationale pour faire le diagnostic du secteur. L’inadéquation entre la volonté politique pourtant affirmée de l’Etat malien pour l’épanouissement d’un cinéma national et son faible niveau d’implication dans le processus de développement de ce même cinéma a été constatée. Les Etats généraux sur le cinéma en 2001, lors de la première édition de la Semaine nationale du Film africain de Bamako (SENAFAB) ont souligné les mêmes tares diagnostiquées cinq ans auparavant. En 2005, la loi n° 05-029 du 6 Juin, portant ratification de l’ordonnance n° 05-007 P-RM du 09Mars crée le Centre national de la Cinématographie du Mali (CNCM) puis a suscité de nouveaux espoirs. Malheureusement, le centre reste le seul à produire des films. Les structures indépendantes subissent les caprices des guichets de financement extérieur.
AVENEMENT DE NOUVELLES TECHNOLOGIES.
Aujourd’hui, le paysage cinématographique et audiovisuel se caractérise par l’avènement de nouvelles technologies numériques. Il importe de les prendre en compte pour définir les nouvelles avancées et contraintes assignées à l’industrie du cinéma. Il est impérieux de produire nos propres images, seules capables de refléter notre identité propre. Si l’on ne fait rien, d’autres le feront à notre place. Ces oeuvres occuperont notre espace cinématographique en nous imposant le mode de vie, la culture et la vision de l’étranger. Nous serons réduits en de simples consommateurs. Le cinéma malien, à l’instar des autres cinémas d’Afrique, est profondément handicapé dans son développement. Le public est consommateur à plus de 90% de films faits ailleurs, de films qui l’éloignentchaque jour davantage de ses propres réalités. Cette situation devient dramatique. La plupart des films étrangers diffusés dans les salles de cinéma sont massivement relayés par le déferlement d’images sur les chaînes publiques et privées de télévision. Les enfants africains sont quotidiennement soumis à la pression mentale, psychologique et culturelle des séries, feuilletons, téléfilms, sitcoms, dessins animés, clips de toutes sortes,
dans lesquels la violence, le crime, le sexe, le désir de puissance, et le pouvoir de l’argent constituent les contenus de base. Dans un tel environnement, la jeunesse perd complètement ses epères familiaux, sociaux, culturels. Elle devient incapable de réfléchir et de comprendre les phénomènes qui déterminent l’évolution de nos sociétés où elle doit pourtant inscrire son histoireet son destin. Une profonde acculturation, dont les dommages sont incalculables, est entrain de s’installer. De nos jours la formation des techniciens se pose avec acuité. Aucune bourse d’études dans le domaine du cinéma n’est attribuée depuis les années 80. Le personnel qualifié est vieillissant, face à l’ouverture de chaînes de télévision dans nos pays, la formation dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel est vitale. L’UNCM – Union Nationale des Cinéastes du Mali, pour palier cette insuffisance, a organisé des sériés de formation en collaboration avec les services techniques des ministères chargés du cinéma et de l’audiovisuel. (CNCM – CAMM-BF) ; (ORTM – ANCD).
L’utilisation des outils numériques nous impose de renforcer les capacités des techniciens afin d’améliorer les productions cinématographiques. Le professionnalisme devient une notion incontournable dans les métiers du cinéma et de l’audiovisuel. L’UNCM plaide auprès des autorités la création d’un fonds et la mise en place d’un circuit de formation dans les différents métiers du cinéma et de l’audiovisuel. L’Union pourra recadrer avec le service du cinéma, les axes stratégiques de notre industrie cinématographique et audiovisuelle. La professionnalisation des entreprises privées de production et de postproduction seront conformes aux exigences de l’ère du numérique. Les entreprises deviendront des centres d’excellence pour le pays et pour la sous-région, et surtout sauront renforcées les capacités des structures de formation existantes telles que le Conservatoire des Arts et Métiers Multimédias –Balla Fasséké – CAMMA-BF).L’Union a accueilli avec beaucoup d’espoir le vote de la loi -037 – AN / RM du 20 juillet998, régissant l’industrie du cinéma. Mais force est de reconnaître que le cinéma malien est àla croisée des chemins. La mise en place d’un fonds d’aide aux activités cinématographique et audiovisuelles, et de formation reste vitale. Il y va de notre survie culturelle, donc existentielle.
DOUMBIA
Source: Essor
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