Septembre 2016 est révolu. Il a été mois de célébrations et de commémorations : célébrations du troisième anniversaire de l’accession d’Ibrahim Boubacar Kéita à la magistrature suprême, célébration du cinquante sixième anniversaire de notre accession à la souveraineté nationale et internationale et de la création de notre armée nationale, commémorations, avec des dépôts de gerbes de fleurs de la mémoire de ceux et celles qui ont choisi le sacrifice ultime afin que nous soyons maîtres chez nous, affranchis de toute domination étrangère.
Comment, en la circonstance, ne pas rappeler, pour les magnifier, ces noms d’hommes, aussi remarquables les uns que les autres : les négro-africains Niamodi Sissoko, Mamadou-Lamine Dramé, Samory Touré, Ahmadou Cheikhou Tall, Ba Bemba Traoré, Bandiougou Diarra, Koumi Diossé, Banzani Théra, El Hadj Bougouni et tous ces chefs anonymes du Plateau dogon, en particulier, celui du village de Talbi ; les Arabo-Berbères : Cheiboun ag Fondogomo, Ngouna, Abidine al Kounti, Firhoun ag Alanessate.
Rien d’étonnant que certains de nos camps militaires portent le nom de certains de ces héros. Ils ont mérité de la patrie et, à l’heure où il est question d’amener notre jeunesse à se trouver des repères, leur redécouverte paraît d’une impérieuse nécessité. Enseigner l’histoire de la résistance, du don de soi au nom de la Patrie nous est exigence.
Cependant, le passé ne saurait occulter le présent. Il est question de notre armée nationale, de l’anniversaire de sa création. Comprendre les conditions dans lesquelles elle a été créée suppose que l’on rappelle les conditions dans lesquelles nous avons accédé à l’indépendance. Sur ce point, nous nous différencions fondamentalement aussi bien de Houphouët-Boigny que d’Ahmed Sékou Touré : nous avons refusé, aussi bien la rupture avec la France que la néo-colonisation imposée par la France pour nous assumer Etat souverain entretenant des relations d’Etat à Etat avec la France. Dans cette optique, plutôt que de signer des accords de défense avec la France, nous nous sommes dits : la défense est chose si sérieuse qu’on ne saurait la confier à une puissance étrangère ; on n’est mieux défendu que par soi-même.
Ainsi, l’armée nationale du Mali est créée sous la houlette du général Abdoulaye Soumaré. En novembre 1968, les jeunes officiers dont il eut à parachever la formation sur le territoire national prennent le pouvoir. La portée du coup d’Etat est différemment appréciée : pour certains, c’est la libération, pour d’autres, une plongée dans l’obscurantisme. L’intention n’est pas de trancher entre deux positions. Mais de se prononcer sur ce que fut l’armée malienne de 1968 à 1991. L’on ne saurait nullement ignorer les frasques et abus de certains officiers. Cependant, force est de reconnaître que, sur plus d’un front, nos soldats n’ont pas démérité : à trois reprises, ils ont empêché l’occupation d’une partie du territoire national par des Etats limitrophes.
L’ambassadeur burkinabé Corentin Ki Doulaye nous a accusés de nous être armés pour faire la guerre à nos voisins. A tort. Nul peuple ne peut se dire plus attaché à la paix que nous. Certains de nos gouvernants ont estimé qu’un pays comme le nôtre n’a pas besoin d’armée et ont laissé se déprécier le bel outil de défense dont ils ont hérité, l’assimilant à une coûteuse et inutile quincaillerie. A tort. La conséquence, nous la vivons encore aujourd’hui avec plus des 2/3 du territoire national échappant au contrôle de l’Etat avec ce que cela comporte de souffrances pour nos populations. Pourquoi n’ont-ils pas médité, ces pacifistes, ces mots de Winston Churchill : « Lorsque des gens pacifiques, en temps de paix, ne se préoccupent nullement de leur défense, lorsque des nations et des peuples sans souci, je dirai imprudents, méprisent l’art militaire et croient la guerre inique pour qu’elle puisse jamais revenir, lorsque ces nations sont attaquées par des conspirateurs lourdement armés et hautement organisés, qui depuis des années complotent en secret, célébrant la guerre comme la forme la plus achevée de l’effort humain, glorifient le meurtre et l’agression, préparés et entraînés jusqu’aux limites autorisées par la science et la discipline, il est dans l’ordre naturel des choses que ces nations imprévoyantes souffrent terriblement et que les agresseurs intrigants et cruels donnent libre cours à leur exultation sauvage » ?
Aujourd’hui, plus que jamais, il nous faut revenir à ces fondamentaux qui ont fait de notre armée, par le passé, une terrible puissance de frappe au service de la dissuasion et, si les conditions nous y obligent, de la défense : en avoir une saine perception et la mettre dans les conditions pour qu’elle s’acquitte avec efficacité de ses missions.