PolitiquePolémique autour du départ du premier ministre Modibo Keita: IBK va-t-il encore commettre l’erreur de choisir le PM en dehors du parti majoritaire ?
Les rumeurs les plus folles avaient parcouru les rues de Bamako la semaine dernière. Elles faisaient état du départ du Premier Ministre Modibo Keita et de la nomination de Soumeylou Boubéye Maiga, l’actuel secrétaire général de la Présidence de la République, comme nouveau PM.
Ce genre d’information relève généralement d’un hoax, canular, soit de l’intox soit d’un sondage d’opinion en faveur de leurs commanditaires. Ce qui serait plausible, c’est le prochain départ de l’actuel locataire de la Primature avant ou juste après le sommet Afrique France prévu à la mi-janvier 2017. Mais pour qui ? Seul le Président IBK saura le dire. En analyste politique, voici cinq raisons qui doivent guider le Président IBK à choisir le PM au sein du parti majoritaire, le RPM, pour le reste de son mandat. Tout autre choix serait hasardeux et synonyme de crise politique, même de trahison et pourrait compromettre très sérieusement la cohésion au sein du RPM, aujourd’hui en proie à toutes sortes de dissensions.
La démocratie malienne souffre encore du manque de respect des grands principes qui la régissent et cela par ceux-là mêmes qui sont chargés de l’animer. Le prince du jour se comporte en monarque éclairé. Il est souvent aidé dans cette besogne anti démocratique par d’autres cadres véreux plus préoccupés par le profit personnel que par la préservation de ces acquis, ces lois et principes démocratiques arrachés de hautes luttes par la Révolution de Mars 1991.
De l’avènement de la démocratie à nos jours, tous les présidents qui se sont succédé ont enfreint d’une manière ou d’une autre à ce principe pourtant simple. Dans une démocratie qui se respecte, c’est la majorité qui gouverne sur la base de son programme et de sa vision et la minorité s’oppose démocratiquement par les voies légales. D’AOK à ATT, tous ont contribué à fragiliser les partis politiques et à souvent mépriser la majorité issue des suffrages du Peuple. Plus de 24 ans après l’avènement de la démocratie, il n’y a toujours pas un véritable encrage du fait majoritaire, donnant l’impression que le Président élu est sans programme et sans vision d’où le tâtonnement à vue.
IBK en trois ans de gestion est à trois Premiers ministres et aucun n’est issu du parti majoritaire d’où l’instabilité et la cacophonie en permanence au sommet de l’Etat. Le départ de l’actuel PM étant devenu une question de mois, le Président de la République va-t-il enfin, cette fois-ci, choisir au sein des tisserands le futur PM ? En voici quatre raisons qui doivent guider son choix :
Première raison : respecter les choix du peuple par son suffrage exprimé. Si tant est vrai que les maliens se sont mobilisés pour élire le candidat du RPM et lui donner une majorité si confortable aux législatives, c’est sans nul doute dans le but d’aider le président de la République à mettre en œuvre sa vision. Pourquoi alors ne pas choisir le PM au sein du RPM qui aura le soutien massif et sans ambages des députés de la Majorité, ce qui éviterait tout tiraillement ?
Deuxième raison : par loyauté au RPM. « Je n’ai pas été élu par un seul parti c’est le peuple malien qui m’a élu donc je ne serai pas l’otage d’un parti… » avait dit en substance le président fraichement élu. Cette vérité de la Palisse a été considérée par certains comme une insulte et une « irréconnaissance » politique notoire doublée d’une déloyauté vis-à-vis du RPM qui aura été son dromadaire pour sa longue traversée du désert. Déjà en 2007, il dut sa présidence à l’Assemblée Nationale par le soutien de plus de 42 députés du RPM. C’est donc grâce à ce parti qu’il aura survécu politiquement. Et à ce qu’on sache, le programme sur la base duquel il a été porté à la tête du pays est l’œuvre des cadres de ce même parti. Il n’y a alors pas une raison qui justifie que la mise en œuvre de ce programme soit faite par autre PM que celui venant du RPM.
Troisième raison : pour plus de stabilité politique. Un premier ministre issu des rangs du RPM aura l’avantage d’avoir le soutien sans faille de la majorité des députés et évitera à coup sûr ce parrainage interminable du Président à son premier ministre face aux élus de la Nation pour le prévenir des motions de censure. Pour rappel, après la Déclaration de politique générale du PM Moussa Mara à l’Assemblée Nationale, certains députés du RPM, en réaction, avaient affirmé qu’il avait pour le moment leur soutien.
La suite est connue. Que dire du communiqué du parti qui avait sanctionné la nomination de Moussa Mara comme PM. Ce communiqué présageait déjà d’un lendemain tumultueux pour le jeune Premier ministre sans assisses parlementaires réelles. Il n’avait qu’un seul député, ce qui dans une Démocratie parait comme une grosse gifle à la face de la volonté générale de la majorité des électeurs. Le Président de la République doit pourtant se rappeler son propre cas à l’ADEMA sous Alpha. Ce dernier n’avait finalement eu la paix qu’après la nomination d’IBK de l’ADEMA, parti majoritaire, comme son troisième premier ministre après avoir épuisé Younoussi Touré et Abdoulaye Sékou Sow.
Quatrième raison : pour plus de solidarité au moment de défendre le bilan. Qui mieux que les militants et cadres du RPM sont à même de bien défendre le bilan, bon ou mauvais de la gouvernance IBK. Or, pour défendre un bilan il faudrait bien avoir été associé à sa réalisation. La tâche sera d’autant plus difficile pour les militants du RPM que le bilan à mi-mandat n’est pas le leur, mais celui d’un conglomérat de partis qui ont fait telle une ruée vers l’or sur l’homme et sa victoire. Les mêmes raisons qui les avaient poussés à faire allégeance si tôt à IBK sont les mêmes pour lesquelles ils sont prêts à quitter le navire au moindre orage politique.
En définitive, si dans le contexte actuel du Mali post-crise, il serait hasardeux pour un parti politique seul d’assumer toutes les charges de l’Etat, il serait tout aussi logique de respecter le fait majoritaire pour que force revienne à la Démocratie pour l’honneur et le bonheur des électeurs.