Alors que le mandat de Ban Ki Moon, secrétaire général de l’ONU depuis 2007, touche à sa fin, le mercredi 5 octobre le Conseil de sécurité de l’ONU s’est penché sur l’élection de son successeur Antonio Guterres. Dix ans de mandat émaillé de conflits et de crises diplomatiques, laissent à son successeur d’énormes défis à relever.
Le Mali, comme nombre de pays en conflit sous l’égide des Nations Unies, n’a pas échappé au bilan dérisoire qui entache le mandat de Ban Ki Moon. La crise politique de 2012 qui favorisait la prise progressive des trois régions du nord du Mali par les terroristes et leurs alliés camouflés, a pris une dimension mondiale.
Ainsi, le 25 avril 2013, le Conseil de sécurité réuni en urgence adopte la résolution 2100 portant sur la création de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA). Comme l’indique le quatrième point du préambule du texte de la résolution 2100, cette mission avait pour but de stabiliser la situation et de restaurer l’autorité et la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire.
En vertu de cette exigence, la MINUSMA, revêtue d’une mission multidimensionnelle, consistait à appuyer « le processus politique et réaliser un certain nombre d’activités de stabilisation concernant la sécurité, prêter une attention particulière aux principales agglomérations et axes de communication, protéger les civiles, surveiller les droits de l’homme, mettre en place les conditions indispensables à l’acheminement de l’aide humanitaire et au retour des déplacés, à l’extension de l’ Etat et à la préparation des élections libres, ouvertes et pacifiques ». Ce qui veut dire que quelques réalisations ont été faites.
L’élection présidentielle s’est ténue les 28 juillet et 11 août 2013. Cette élection qui a conduit Ibrahim Boubacar Keïta à la tête du pays avec 78% des suffrages a marqué la fin d’une longue période de transition et d’impasse politique. Sur le plan sécuritaire, la mission a joué un rôle important avec la signature de l’Accord de paix le 19 mai 2015.
Issu du processus d’Alger, cet accord a préludé une série d’accords, la signature de l’Accord d’Anefis entre les groupes armés le 15 octobre 2015, la signature du document « d’entente » le 19 juin à Bamako. D’autres travaux sont en cours pour la consolidation de l’Accord, comme la construction des 24 sites de cantonnement par la mission des Nations Unies commencée depuis le 29 décembre 2015 dans le cadre du désarmement, démobilisation, et réinsertion (DDR).
Au niveau social, la mission multiplie ses actions auprès des populations des zones touchées par la crise sécuritaire. « Plus de 150 projets ont été réalisés ces trois dernières années, pour un montant de 4 millions de dollars américains », selon le Journal du Mali.
Le 26 septembre dernier, le bureau régional de l’équipe Réforme du secteur de la sécurité-désarmement, démobilisation, réinsertion (SSD/DDR) a participé au lancement du projet de réhabilitation d’un barrage et un forage F1 dans la ville de Kidal. Sur le plan humanitaire, le 16 juin 2016, a été signé l’accord tripartite pour le rapatriement volontaire et la réintégration au Mali de 40 792 réfugiés maliens vivant en Mauritanie.
Quid de la paix ?
L’objectif principal de la mission qui était d’aider le Mali à restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire et de garantir la paix, est loin d’être réalisé. La mise en œuvre des différents accords connaît de sérieuses difficultés. Le partage de la ville de Kidal et des routes d’acheminement d’armes et des stupéfiants oppose les groupes signataires de l’Accord de paix, avec souvent des combats meurtriers faisant de nombreuses victimes civiles.
La lutte sanguinaire entre les deux groupes armés signataires de l’Accord, le GATIA et la CMA en présence des troupes onusiennes dont l’impartialité est plus que jamais manifeste, laisse libre champ aux semeurs de terreur au nord comme au centre du pays. Cette situation hors contrôle a déblayé le terrain pour l’émergence d’autres petits groupes terroristes non moins importants comme le Front de libération du Macina du prédicateur Amadou Kouffa.
D’autres mouvements d’autodéfense à caractère ethnique ont vu le jour. Ces groupes qui ont une parfaite connaissance du terrain, pèsent sur la sécurité nationale à travers les attaques de convois et camps militaires onusiens, souvent maliens comme celui de Nampala (Ségou) et de Tenenkou (Mopti).
Il est évident que ces groupes ont une audience forte auprès des populations qui vivent un calvaire sécuritaire en l’absence de l’Etat et d’une force onusienne indifférente. C’est le cas du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), créé le 24 mais suite aux exactions commises par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) sous les yeux de la MINUSMA.
Au nord la situation est chaotique, l’insécurité a atteint son paroxysme. Les attaques récurrentes contre les forces onusiennes suscitent d’énormes inquiétudes.
Avec plus de 100 casques bleus tués, la mission fait partie de celles les plus meurtrières. La reprise des conflits depuis le 22 juillet entre les maîtres de Kidal, continue de battre en brèche l’espoir d’un éventuel retour de la paix.
Mais ce que dénoncent beaucoup de Maliens, c’est l’impartialité de la MINUSMA dans la résolution du problème. Ses réactions à chaque percée du GATIA contribuent à la noyade de la paix à Kidal. Le secrétaire général sortant, disait lors du dernier rapport trimestriel que «la Minusma est sous-équipée en véhicules blindés de transport de troupes».
Si pour Ban Ki Moon la situation actuelle s’explique par un manque de dispositif militaire et matériel, tout semble faire croire que le problème c’est le bébé qu’il choie, la CMA, dont les liens avec Ançardine de Iyad Ag Ghali sont connus de tous. Pour le moment, la paix continue sa fuite dans le désert du nord. Les Maliens gardent un bilan amer du mandat du sud-coréen.
Aly Bocoum et Bacai Yalcouyé