Intégrées à coups de demi-dizaines millions pour certains, les jeunes recrues sont finalement venues à bout de l’angoisse qui les tenaille depuis l’officialisation de leur recrutement dans la fonction publique. Au bout d’une attente tragique, en effet, ils ont été fixés sur leur sort par le renoncement des autorités à ses besoins en personnel dans les catégories concernées.
Ils sont plus de cinq centaines de jeunes gens qui ont savouré la joie très éphémère de figurer parmi les heureux bénéficiaires d’un recrutement direct par le département de la Fonction Publique pour le compte de services rattachés à celui des finances. Il s’agit notamment de la douane, des impôts et du trésor. Ledit recrutement aurait dû contribuer à la réalisation de la promesse présidentielle de créer plus de 200 000 emplois pendant le quinquennat, mais la décision y afférente a été frappée de nullité aussitôt après sa large diffusion par voie d’affichage aux niveaux des services concernés. La chose redevient du coup un canular, faute d’harmonie entre les deux départements impliqués et la quasi-totalité des services d’affectation des nouveaux agents. La douane, par exemple, n’aurait jamais exprimé le besoin d’un tel personnel, nous a-t-on expliqué, et l’a fait savoir en même temps que les impôts où le syndicat s’est montré beaucoup plus poignant. En réaction à une note d’affectation émanant du responsable des ressources humaines, la section syndicale a exprimé un refus catégorique de faire la place à une catégorie du personnel dont le service n’avait aucun besoin. «Il s’agit de chauffeurs, de plantons et d’agents de saisie sans utilité pour notre service», a fulminé un responsable syndical approché par nos soins, évoquant par ailleurs la difficulté de les reformater et de les adapter aux besoins d’un secteur qui regorge de spécialistes bénévoles. «Parmi eux (les bénévoles, ndlr) figurent des personnes souffrant de grand handicap», a renchéri notre interlocuteur, sans doute pour pointer du doigt l’affairisme injuste ayant entouré le recrutement contesté. Comme aux impôts où 47 nouveaux agents étaient attendus, la douane (347 recrues) ainsi que le trésor ont tour à tour opposé leur veto à la mesure. Conséquence : le ministre de l’Economie et des Finances, pour éviter de grever les défis de l’heure par l’ouverture d’un front social, n’avait de choix que de requérir l’annulation pure et simple du recrutement des 500 agents d’appui.
La grogne du front social n’est peut-être pas la seule raison de ce douloureux avortement. Il nous revient que les autorités, en plus des dépassements et des incidences de la mesure sur les équilibres macro-économiques, ont dû aussi relever des irrégularités inqualifiables comme des écarts énormes entre la liste préalablement retenue et celle soumise à la signature de l’Hôtel des finances. C’est d’ailleurs la raison très plausible pour laquelle un limogeage a été infligé au chef de Cabinet et au responsable des ressources humaines du secteur du développement économique et des finances. Les deux collaborateurs du Dr. Boubou Cissé, de même source, ont commis la maladresse (intéressée peut-être) de faciliter ou précipiter la mise en vigueur de la mesure de recrutement en l’absence de leur ministre. Ce dernier avait en effet bel et bien émis des réserves sur les dépassements préalablement constatés ainsi que sur le recrutement dans son ensemble, à travers notamment une correspondance à son homologue de la Fonction publique avec des passages suivants : «J’ai l’honneur de vous informer que je prends acte de la décision ci-dessus citée et constate un dépassement de 82 agents par rapport à l’expression de besoin nouveau formulé par mon département…. ». Et d’inviter par la même missive sa collègue de la Fonction publique à prendre des dispositions pour observer plusieurs années sans recrutement dans la catégorie concernée.
Mais l’épisode le plus explosif sera joué entre les nouvelles recrues aussitôt déchues et les recruteurs de circonstance tapis dans l’ombre. Au fait, le recrutement était aussi devenu un grand fonds de commerce pour certains qui ont soutiré aux candidats à la fonction publique jusqu’à 4 millions F CFA pour accéder à la douane, le service le plus convoité. Certains d’entre eux ont même renoncé à d’autres fonctions relativement bien rémunérées pour figurer dans le lot. C’est pourquoi, à peine la première mesure annulée qu’une autre liste est en cours d‘élaboration, sans doute pour prendre en compte ceux-là dont on ne peut plus rembourser l’argent.