Le jeudi 13 octobre 2016, la communauté Niaré de Bamako, a procédé à l’installation de son chef traditionnel, Dramane Niaré « sur la peau », bien que l’intéressé eût préféré, modernisme exigeant, à défaut d’un trône, un siège.
C’était en présence du tout Bamako et d’invités venus de la sous-région. L’ORTM et, à sa suite, plus d’un média, se fondant sans doute sur l’existence de galerie de portraits, ont induit le public en erreur en présentant le nouveau chef comme le dixième dynaste de la famille.
En réalité, Dramane est le vingt-cinquième successeur de Séribadian Niakaté « sur la peau ». Cependant, ce qui intéresse le plus, ce n’est pas ce point d’histoire, mais l’occasion saisie par certains pour parler, à propos de cette installation, d’une revalorisation de la chefferie traditionnelle.
Les Français se sont accommodés de cette chefferie, tant qu’elle ne contestait pas leur pouvoir. Elle est restée dynamique dans certains pays limitrophes, francophones comme anglophones. Elle a été, au Mali et en Guinée, supprimée par l’US-RDA et le PDG-RDA. Cette suppression est différemment perçue. Ses acteurs la présentent comme un moyen de faire évoluer les sociétés nègres, de hâter l’émancipation, d’affaiblir le colonialisme en le privant de ce moyen d’exploitation des « masses populaires» qu’est la chefferie de canton.
Leurs adversaires la présentent comme un moyen de les éliminer de la scène politique en les coupant de leurs bases électorales. Quoi qu’il en soit, la suppression de la chefferie de canton, comme celle de la chefferie de tribu, a considérablement contribué à l’affaiblissement, sinon à la disparition de toute forme de pouvoir traditionnel au Sud.
Seules furent préservées les chefferies de village et de fraction nomade. Au Nord, dans l’Adagh, cette suppression est à l’origine de la première rébellion touarègue et, encore aujourd’hui, si l’Etat reste absent de Kidal, c’est parce que la France veut y restaurer l’hégémonie des Ifoghas pour servir ses intérêts néo-colonialistes.
La chefferie traditionnelle peut-elle être revalorisée ? « L’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger » nous y convie en nous recommandant, chapitre 14, article 46, alinéas 10, 11, 12 : la promotion d’une formation de qualité à tous les acteurs et auxiliaires de justice, y compris les cadis, la revalorisation du rôle des cadis dans l’administration de la justice, notamment en ce qui concerne la médiation civile de manière à tenir compte des spécificités culturelles, religieuses et coutumières, la revalorisation du statut des autorités traditionnelles à travers leur prise en charge et leur prise en compte dans les règles de protocole et de préséance.
Voilà qui est bien écrit. Mais cela suscite des interrogations. Comment concilier l’attachement au caractère laïc de la République avec l’intervention des cadis dans l’administration de la justice ? Comment assurer l’égalité des citoyens devant la justice s’il faut, dans la distribution de celle-ci tenir compte de considérations que la laïcité entend gommer ?
Prendre en charge les autorités traditionnelles et tenir compte de leur existence dans les règles de protocole et de préséance suffisent-ils pour revaloriser une fonction qui, même appelée à se perpétuer, ne peut plus être considérée que comme une autorité morale a laquelle, individuellement, les citoyens peuvent avoir recours ?
LA REDACTION