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Transhumance politique : Comment mettre fin à la vente aux enchères du mandat parlementaire ?
Publié le lundi 24 octobre 2016  |  L’aube
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© aBamako.com par Momo
Rentrée politique du PARENA
Bamako, le 20 février 2016 le PARENA a tenu sa rentrée politique 2016 au Palais de la culture
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Le parti présidentiel n’a visiblement pas digéré le départ d’une part de deux partis les plus bruyants de la majorité présidentielle, d’autre part de la démission de quatre de ses députés au profit de l’ADP-Maliba dans la foulée. Il refuse de voir dans ces défections un revers politique, mais le produit d’une corruption financière de ses députés.
Le président du groupe parlementaire RPM, Moussa Timbiné porte l’accusation publiquement en déclarant que les partis qui ont quitté la majorité présidentielle pour rejoindre l’ADP-Maliba ont tous reçu 50 millions de francs Cfa. Il ajoute que non seulement les députés démissionnaires du RPM ont été achetés, mais aussi d’autres des partis alliés.
Après cette réaction du RPM, il n’est plus permis de banaliser la pratique de la transhumance. Les conditions de réalisation de celle-ci deviennent désormais une question judiciaire. Ainsi l’ouverture d’une enquête judiciaire sur d’éventuelle corruption politique s’impose dans le cas d’espèce, mais ladite enquête doit s’étendre à toutes les transhumances des députés au cours de cette mandature, voire bien avant.
Lorsque le RPM accueillait en son sein au tout début de la législature, des députés (5) du parti FARE (Forces Alternatives pour le Renouveau et l’Emergence), des rumeurs persistantes à l’époque avançaient la somme de 10 millions de francs Cfa qui auraient été octroyée à chacun des transhumants.
Pire, le parti présidentiel qui n’avait obtenu que 60 députés à l’issue des élections législatives s’était retrouvé avant le départ de la bande des quatre avec 80 députés. Il y a-t-il plus grande perversion de la vie politique de la part d’un parti au pouvoir ? Dans quelles conditions ces débauchages ont-ils eu lieu ?
Des partis politiques qui viennent de quitter la majorité présidentielle, après trois ans de collaboration, en dénonçant la mauvaise gouvernance, ont-ils été infectés par le virus de la perversion politique ?
Si tel n’est pas le cas, on attend de l’ADP-Maliba une suite judiciaire de la déclaration du président du groupe parlementaire RPM. En tout état de cause la justice malienne doit faire son travail en investiguant sur les accusations de corruption liées à ces transhumances des élus.
Nul malien ne s’attendait à ce que le pouvoir RPM soit une époque de modernisation de nos institutions, mais nous étions loin de nous douter qu’il allait plonger le pays dans une crise de légitimité de la représentation parlementaire aussi profonde.
L’ampleur des dégâts causés par sa gouvernance de démoralisation de cette fonction est énorme. Dans la mesure où ce parti a ouvert la voie à l’instrumentalisation de la fonction parlementaire en de nouvelles ressources économiques et financière, qui pervertit et transforme les élections législatives en une vente aux enchères de la représentation nationale.
La pratique n’est pas sans conséquences sur la stabilité institutionnelle des partis politiques que tout le monde s’emploie du bout des lèvres à dire qu’ils constituent la base de toute démocratie viable.
Nous avons même assisté à la transhumance du président d’une institution constitutionnelle dans notre pays : le Haut Conseil des Collectivité territoriales.
Quelle réponse pourrions-nous apporter à ce détournement de la démocratie ? Devrions-nous continuer à accepter la transhumance des élus(es) comme une fatalité ?
L’instabilité institutionnelle des Partis et la mobilité des élus (es) politiques d’un parti à l’autre qui en résulte, est un phénomène communément admis au Mali.
Et pourtant, il a rendu opaque le contenu et la visibilité des politiques nationales portées par les pouvoirs issus de l’alternance.
C’est à juste titre que la persistance de cette pratique est vécue comme une perversion de la morale politique et une altération de la culture démocratique dans notre pays.
D’abord au regard de l’esprit des dispositions constitutionnelles et législatives du pays, ensuite au regard de la signification réelle de la représentation politique, enfin cette pratique empêche l’édification d’une démocratie sereine.
En effet, la validité de la déclaration de candidature d’une liste est conditionnée par l’investiture officiellement donnée par un parti politique légalement constitué ou d’une liste indépendante. Autrement dit, l’investiture d’un parti ou d’une liste est une condition de validité intrinsèque de la déclaration de candidature.
Dans ces conditions, si l’élu(e) quitte un parti pour quelques motifs, on ne peut ignorer que ce sont les rapports entre celui-ci et le Parti politique qui sont en cause au regard du droit constitutionnel général et du droit de la représentation politique en particulier.
De toute façon, l’idée de la représentation parlementaire selon laquelle les élus (es) s’expriment et agissent en toutes circonstances au nom de l’ensemble de la nation est une fiction politique et juridique qui est incompatible avec leur élection d’une part sur une liste, et leur engagement d’autre part par rapport au programme pour lequel ils ont été élus et qui implique une constante fidélité d’action à son égard, ainsi qu’une responsabilité dans son application effective.
Autant le député dépend de sa circonscription électorale pour le renouvellement de son mandat, autant celui-ci dépend de sa présence sur la liste d’un parti politique aux termes des dispositions de notre loi électorale. Le caractère national de son mandat ne relevant que du vote de la loi censée être impersonnelle.
En se présentant au suffrage des électeurs sous une étiquette politique particulière, les candidats s’engagent à soutenir le parti dont ils se réclament pendant la durée de leur mandat. S’il en est autrement, le recours à l’élection pour départager les différents programmes et pour départager les différentes tendances politiques en présence perdrait toute signification.
De même, l’alternance politique a une signification économique, sociale et culturelle. Elle implique la sanction du contenu des politiques passées et même celle des hommes qui les ont conduites.
Si la nouvelle majorité doit impliquer de façon massive et décisive des hommes du passé sanctionnés, alors le contenu de l’alternance devient opaque et ne permet pas une lisibilité des politiques nationales. Pire, la nouvelle majorité, en s’affichant avec les éléments les plus décriés des politiques sanctionnées, court le risque d’offrir à brève échéance, les conditions de renaissance des forces politiques du passé.
Il faut en tout état de cause, que la démocratie se donne les moyens de préserver la stabilité institutionnelle des partis politiques.
La sanction de l’infidélité politique d’un élu est une source de consolidation des institutions démocratiques.
Mais, sur cette question, la Cour Constitutionnelle de notre pays dans son arrêt Mamadou Yossi C/PDP a rendu la question plus opaque, complexe et inintelligible juridiquement, non seulement cet arrêt a manqué de pédagogie, mais il a été incapable de protéger l’expression libre du vote des Maliens. Dans le financement public des partis, le député démissionnaire reste néanmoins pris en compte pour son parti d’origine. Quelle est la cohérence ?
Un revirement jurisprudentiel s’impose en matière de transhumance des élus(es). Le député démissionnaire doit laisser son mandat à son parti d’origine ou, à tout le moins mettre celui-ci en jeu.
Dans un pays où la concrétisation des droits sociaux et économiques est pratiquement restée en deçà des progrès démocratiques réalisés, où la pauvreté de masse crée une situation qui a rendu «inapte au métier de citoyen» selon le constat pertinent du Président Abdou Diouf du Sénégal, seule une réglementation est nécessaire dans la mise au ban de certains comportements politiques comme la transhumance des élus(es).
Il faut croire que la Cour Constitutionnelle du Mali a échoué dans cette perspective à l’heure du bilan de 25 années de démocratie dans notre pays.
Quant aux partis politiques, ils sont restés muets sur toute possibilité de solution sur la transhumance, chacun croyant en bénéficier au détriment des autres. Ce faisant ils participent tous à la perversion, au discrédit de la vie politique dans notre pays.
Souleymane Koné
Ancien Ambassadeur
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